Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

jeudi 28 avril 2011

Grandes manoeuvres dans l'éolien en mer.

La publication de l'appel d'offres sur l'éolien en mer avait pris des mois avant de devenir réalité fin 2010. A l'époque, les différents opérateurs de la filière interrogés sur ce point, répondaient souvent la chose suivante : l'essentiel était déjà joué puisque les zones favorables correspondaient peu ou prou aux projets et études déjà lancés par les principaux opérateurs. Dans le lot, on retrouvait ainsi la zone du Tréport, dont le projet était déjà fort avancé; le débat public requis ayant été clos peu avant la publication de l'appel d'offres éolien. C'est donc dans ce contexte qu'a eu lieu l'annonce de l'alliance entre Areva et le groupe GDF-Suez pour répondre à ce fameux appel d'offres.


Quelle logique industrielle ?
La réalité n'est un secret pour personnes, l'éolien en mer, plus encore que l'éolien terrestre est une affaire intensément capitalistique. Là, où il suffit de quelques millions voire dizaines de millions € pour des projets terrestres, les projets éoliens en mer se chiffrent en centaines de millions €. La taille des projets, plus importante, mais aussi l'expertise requise font mécaniquement grimper l'addition. Toutefois, les projets semblaient rester accessibles aux principaux développeurs éoliens installés en France comme Juwi, WPD ou encore Enertrag, opérateur du parc de Veulettes-sur-mer sans oublier « La compagnie du vent », opérateur du projet du Tréport. Cette dernière entité, filiale du groupe GDF-Suez est l'une des entreprises les plus avancées sur son projet en mer, et il est très probable que celui-ci sera retenu à l'occasion de l'appel d'offres en cours.

Dans l'optique de répondre au mieux à cet appel d'offres mais aussi dans un souci de rationalisation, le groupe GDF-Suez avait récemment annoncé le regroupement de ses différentes filiales dans les énergies renouvelables. Nouvelle étape cette semaine, puisque le groupe a annoncé avoir conclu un accord avec le groupe Areva dans l'éolien en mer. L'objectif est simple, allier les expertises des deux groupes pour avoir des chances accrues de décrocher la timbale lors de la première de l'appel d'offres portant sur une puissance totale de 3 GW.

A première vue, on pourrait penser qu'il s'agit de l'alliance de la carpe et du lapin. Que peuvent donc faire ensemble un spécialiste du nucléaire et un groupe fortement nucléarisé lui aussi, mais qui, de surcroît, est un des principaux acteurs mondiaux dans les énergies fossiles au travers de GDF. En réalité, l'accord entre les deux groupes n'est pas si étrange que cela. Le groupe GDF-Suez possède de nombreuses filiales dans les énergies renouvelables notamment dans l'éolien tandis que le groupe Areva dispose lui aussi de filiales dans le secteur.

Le groupe GDF-Suez dispose surtout d'opérateurs de production et de développeurs éoliens tandis qu'Areva peut compter sur des entreprises fabriquant des éoliennes adaptés à la production en mer. Pour l'un comme pour l'autre, ces spécialisations ont principalement été acquises par croissance externes :
- La compagnie du vent, Eole génération, Maia Eolis, Erelia, CN'Air pour GDF ;
- Multibird pour Areva.


Marché entre initiés ?
Il reste que l'alliance entre ces deux grands groupes ne laisse pas indifférent.
En premier lieu, parce que cela démontre que le gouvernement, actionnaire des deux entités, ne peut avoir été laissé à l'écart de cette décision. Auteur de l'appel d'offres, actionnaire à 34% de GDF-Suez et actionnaire direct ou indirect de plus de 88% d'Areva, l'État entend ainsi clairement lancer la filière en France, alors qu'il est accusé depuis l'adoption du Grenelle II de tout faire pour empêcher le développement des énergies renouvelables.

En deuxième lieu, parce que ce mouvement n'est pas isolé. Alstom et EDF-Énergies nouvelles, dont EDF a récemment acquis la totalité du capital, ont eux aussi conclu une alliance dans le secteur. Rien de surprenant là aussi à ce que ces groupes s'allient. Alstom dispose d'un savoir-faire reconnu dans le secteur de l'énergie puisque le groupe produit lui aussi des éoliennes de forte puissance et des turbines de qualité pour l'ensemble de la fiière.
EDF-Énergies nouvelles n'est pas plus inconnu. Acteur majeur dans les différentes énergies renouvelables en France, l'entreprise, filiale de l'opérateur historique, va clairement bénéficier du regain d'intérêts pour les énergies renouvelables de la part d'EDF suite à la catastrophe de Fukushima-Daichi et à la suspicion pour le nucléaire.

Mais, ces opérations ne vont pas tarder de faire réagir les entreprises du secteur et les associations. Certes, la constitution de ces deux pôles est une bonne nouvelle puisqu'ainsi, la France disposera au travers de ces deux consortiums de deux champions mondiaux. Néanmoins, les observateurs feront remarquer que ces pôles regroupent presque uniquement des opérateurs publics. Autre problème qui pourrait surgir à terme, ces consortiums ne regroupent que des grands groupes. On peut penser que le manque de flexibilité peut constituer un handicap en terme de réactivité.

Dernier point qui fera surtout réagir les associations, l'impression que tout sera décidé entre initiés et que les PME n'auront aucune chance d'obtenir une part du gâteau. Économiquement, ces alliances sont pertinentes mais en terme de communication, l'impact peut être négatif. Certes, l'alliance GDF-Suez - Areva sera probablement complétée par WPD, développeur reconnu et filiale d'un opérateur d'envergure sur le très concurrentiel marché allemand mais l'alliance est aussi en discussion avant avec le groupe de BTP Vinci. Objectif affiché : disposer rapidement de connaissances en matière de génie civil en mer.


Conclusion.
De cet évènement, une question se pose : l'alliance GDF-Suez - Areva est-elle une bonne chose ? A défaut d'avoir une réponse toute faite, la question mérite d'être posée. Pour les nécessaires réprobations qu'elle va soulever bien sur, mais au-delà, sur l'orientation de la politique industrielle française. La France doit-elle continuer à favoriser en permanence l'émergence de champions mondiaux ? Le contexte économique morose que traverse le pays montre les failles du modèle économique français. Ce modèle est basé sur de grands champions entouré d'une multitude de petites entreprises mais entre les deux, le vide se fait rudement sentir, notamment à l'export.


Or, c'est précisément à l'export, que l'Allemagne est un champion incontesté. L'absence d'un « Mittel stand » cosntitué de grosses PME exportatrices nuit à l'ensemble des entreprises. Aux grandes entreprises, puisque ces dernières ne disposent d'interlocuteurs suffisamment forts pour répondre à leurs besoins à court et moyen terme. Aux petites entreprises qui ne trouvent pas non plus de partenaires de taille adéquate pour les accompagner dans leur développement sans crainte de se sentir submergé ou la crainte de se faire écraser par les grandes entreprises.
L'État, enfin, car il parvient pas à équilibrer sa balance commerciale.

L'émergence de ce consortium est donc à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Il révèle la volonté de faire de la France, un pays tourné vers l'éolien en mer. Mais, il révèle aussi ses faiblesses à ce qu'une telle filière ait une existence pérenne et indépendante de l'initiative étatique.

mercredi 27 avril 2011

Pauvre Hongrie !

Dernièrement, le lundi 18 Avril 2011 pour être précis, le Parlement hongrois a voté l'adoption d'une nouvelle constitution. Cette constitution, surnommée « constitution Orban », puisque rédigée selon les prescriptions de l'actuel Premier ministre hongrois. Selon ce dernier, l'adoption d'un nouveau texte fondamental était devenu nécessaire puisque la précédente constitution datait de l'ère communiste. En effet, sauf que derrière cet apparent progrès, la nouvelle constitution hongroise constitue en réalité un formidable recul pour la Hongrie et ses habitants.


Contexte.
Mais Viktor Orban n'en est pas à son coup d'essai. Déjà en février dernier, il avait fait adopté un texte très restrictif sur la liberté de la presse rendant, de facto, cette liberté bien étroite et la censure bien présente. L'adoption de ce texte et même sa simple présentation devant la chambre basse hongroise avait soulevé une vive émotion en Europe et dans le monde. Et ce, d'autant plus que la Hongrie exerçait la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. La Commission européenne, en tant que gardienne des traités, avait certes mis du temps à réagir mais avait rappelé à la Hongrie qu'en tant que membre de l'Union Européenne, le pays se devait de se conformer à la Charte des droits fondamentaux annexée au traité de Lisbonne et à laquelle ce traité conférait force obligatoire. Le gouvernement hongrois avait finalement dû reculer et adopter de nouvelles dispositions pour se mettre en conformité avec le droit communautaire. Au besoin, la Cour européenne des droits de l'homme s'en serait mêlé puisque la jurisprudence de la Cour est sur ce point très stricte. La France en faisant d'ailleurs régulièrement les frais.

Nouvel épisode donc avec l'adoption de cette constitution qui constitue un recul énorme pour le pays. Mais comment un tel texte a-t-il pu passer comme une lettre à la Poste ?
La réponse est à chercher dans le tsunami électoral qui a submergé la Hongrie en 2010. A l'époque, le gouvernement social-démocrate, empêtré dans la crise avait subi un de ses plus cuisantes défaites électorales laissant la place aux conservateurs qui ont alors raflé plus des deux-tiers des sièges au Parlement. Si cette vague conservatrice a pu se matérialiser, c'est parce que, confronté à la plus grave crise économique de son histoire, la Hongrie était seule. Seule avec sa monnaie, le forin, qui a dévissé par rapport à l'€uro renchérissant immédiatement toutes les importations hongroises. Par effet domino, l'impact sur l'économie fut énorme. La Hongrie donc confrontée au son faible budget communautaire et à l'absence de solidarité des autres États-membres sombrait.

Les hongrois avait le choix entre un plan de rigueur drastique et les belles promesses venant des conservateurs leur promettant des jours moins sombres sur fond de renouveau nationaliste. Le résultat dans les urnes ne traduisit pas par une demi-mesure. L'Europe peut donc aussi s'en prendre à elle-même si elle trouve la Hongrie dans cet état.



Marche arrière toute !
Mais le plus problématique dans ce nouvelle mouture du texte fondamental hongrois est le recul des libertés fondamentales, à côté duquel les nombreuses références aux racines chrétiennes du pays ou à la grande nation hongroise pourraient paraître anecdotiques.


Une Cour raccourcie.
Premier morceau : la réduction des pouvoirs de la Cour constitutionnelle. Le premier ministre Orban a décidé de réduire son périmètre ou plutôt l'étendue des matières relevant de son autorité notamment dans les domaines économiques et sociaux. Traduction : le Premier ministre quand bien même violerait-il sa propre constitution que la Cour constitutionnelle ne pourrait le condamner puisqu'elle ne pourrait examiner les textes en question et décider ou non de les censurer. Or, ce pouvoir de censure de l'instance juridique la plus importante du pays est comme une épée de Damoclès dont l'ombre pèse sur les textes de lois. L'oublier, c'est mener le projet de loi à la ruine. Viktor Orban a donc décidé de réduire voire tout simplement de supprimer cette sécurité dans des matières éminemment sensibles que sont les matières économiques et sociales.

Pour bien mesurer l'importance de ce recul, il convient de rappeler que dans des cas similaires, des « Cour constitutionnelle » ont empêché à plusieurs reprises des dirigeants de faire ce qu'ils souhaitaient en matière législative. Ainsi, Silvio Berlusconi a vu l'immunité judiciaire qu'il avait fait voté pour se protéger annulé par la Cour constitutionnelle d'Italie. En France, on ne compte plus les textes impitoyablement censurés par les sages du Palais Royal sous « l'ère Sarkozy ». Le dernier en date en la fameuse LOPPSI II dont la quasi-totalité des dispositions phares ont été expurgés du texte adopté.


La fin de l'indépendance de la justice ?
Parallèlement aux modifications touchant la Cour constitutionnelle, Viktor Orban n'a pas oublié la justice, seule institution indépendante qui se voit mise en coupe réglée. Il est vrai que les juges ont la sale manie en Europe de vouloir faire leur travail qui consiste aussi à poursuivre les hommes politiques lorsqu'il advient que ceux-ci violent la loi.

Là encore, le Premier ministre hongrois semble s'inspirer du triste exemple de Silvio Berlusconi dont l'activité principale en tant que président du Conseil italien consiste à faire voter tous les textes possibles et imaginables pour éviter des poursuites en justice pour ses activités plus ou moins claires en tant qu'homme d'affaires. Peu lui importe qu'au passage, de nombreux criminels passent eux-aussi entre les mailles du filet.


La suppression des instances de contrôle.
Dans la lignée des précédents points, la nouvelle contitution supprime tous les médiateurs ou instances de contrôle qui existaient. Ainsi, plus de les médiateurs pour les minorités ethniques (l'équivalent de la HALDE), ni de médiateurs pour la protection des données personnelles (l'équivalent de la CNIL) et pour la protection des générations futures (l'équivalent du défenseur des droits et défenseur des enfants en France).

Non seulement nocive de façon directe pour les populations, la suppression de ces instances sera nocive à long terme en accroissant les frictions dans une société hongroise dans une société hongroise déjà tiraillée entre divers aspects. Ajoutons que cela traduit aussi un recul important en matière de droits des personnes à l'heure où la protection des données personnelles est un enjeu crucial.


Partir pour mieux rester.
A ces reculs en matière de libertés fondamentales, s'ajoutent un affaiblissement général de la démocratie hongroise. Viktor Orban sachant pertinemment que sa position ultra-majoritaire à la tête de la Hongrie ne durera pas éternellement a jalonné le nouveau fondamental de dispositions visant à lui permettre de garder un pouvoir non négligeable lorsqu'il sera dans l'opposition.

Nomination des dirigeants publics.
Nicolas Sarkozy avait modifié le mode de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public officiellement pour mettre fin à l'hypocrisie que constituait leur mode de nomination. Officieusement, l'objectif à peine voilé était de reprendre la main sur un audiovisuel public jugé trop indépendant et impertinent.

Viktor Orban, lui, est allé beaucoup plus loin en modifiant la durée de mandat de toutes les dirigeants d'institutions étatiques. Ainsi, les mandats de ces postes passent de 9 à 12 ans. Mieux, durant ces périodes, les personnes qu'il vient ou aura nommé seront quasiment irrévocables par les gouvernements ultérieurs ce qui empêche tout changement ou réforme qui ambitionnerait de rétablir les équilibres antérieurs acquis suite à la fin du régime communiste.


Un Conseil monétaire au pouvoir démentiel.
Mais ce n'est pas fini ! En effet, quand bien même l'opposition succéderait au gouvernement conservateur de Viktor Orban arriverait à surmonter un à un tous les obstacles dressés par Viktor Orban dans la constitution, que ce dernier a octroyé un pouvoir surréaliste au Comité monétaire de la Banque centrale de Hongrie : le pouvoir de dissoudre du Parlement.

Pouvoir exceptionnel, qui n'est qu'en principe rarement utilisé ou utilisé que dans certains cas biens définis, le pouvoir de dissolution est d'ordinaire strictement réservé au chef de l'État. Ce n'est pas le cas ici, où ce pouvoir dépend d'un petit comité dont les membres, tous nommés pour des durées importantes (9 à 12 ans) par Viktor Orban sont des proches qui auront à cœur de défendre les intérêts des conservateurs.

Certes, ce pouvoir est limité aux cas où le budget ne serait pas conforme aux dispositions de la nouvelle constitution. Mais, d'une part, ces dispositions sont nombreuses, et d'autre part, confier un tel pouvoir à un comité nommé par le pouvoir exécutif revient à porter un coup considérable à la démocratie.


La fiscalité et les retraites irréformables ?
Pour couronner le tout, une nouvelle disposition rend obligatoire l'obtention d'une majorité parlementaire des deux-tiers pour valider toute réforme en matière fiscale et monétaire. Or, la réunion d'une telle majorité est, en temps normal, très difficile à obtenir voire presque impossible. En pratique, cela revient à exiger que la politique fiscale face l'objet d'un consensus national. Mais, s'il existe bien un domaine où le consensus est plus que difficile à obtenir, c'est bien la fiscalité.

De même que pour la question des retraites qui soulèvent les foules dès lors qu'un gouvernement tente de les réformer, et cela quelque soit le pays en question.


Conclusion.
La nouvelle constitution hongroise, ou plutôt son adoption, est un drame pour la Hongrie bien sur mais aussi pour l'Union Européenne. Cette dernière a pour but d'être plus qu'un espace économique favorable au développement, l'UE porte un projet de société et de diffusion des libertés publiques. Or, ce sont précisément ces valeurs que remet en cause la nouvelle constitution hongroise. Et là, pas question d'invoquer un quelconque texte européen pour imposer un retour en arrière puisqu'en droit, la constitution a la plupart du temps la valeur juridique la plus élevée, devant les traités et textes internationaux. Or, l'Union européenne et le droit communautaire relève de ce dernier niveau. Il sera donc particulièrement compliqué d'imposer un changement du texte.

jeudi 14 avril 2011

Nicolas Hulot y plonge un pied.

Finalement, il y va. Enfin, il se prépare à y aller. Nicolas Hulot a décidé d’annoncer qu’il serait candidat dans un discours prononcé à Sevran en Seine-Saint-Denis. Secret de Polichinelle, la plongée de l’animateur des émissions Ushuaia dans le grand bain de la politique est à analyser précisément. En effet, plutôt qu'une plongée, on s'aperçoit que l'animateur d'Ushuaia n'y plonge qu'un pied, certes assuré, mais un pied seulement.


Une analyse à chaud.
Arnaud Gossement, ardant partisan de la cause écologiste, s’est hasardé à une analyse à chaud. Si, parmi toutes les réactions de mes homologues blogueurs, j’ai choisi de rebondir sur la sienne, c’est que l’intéressé avait publié début mars un article sur le même Hulot où laissait entendre sans trancher que l’animateur d’Ushuaia n’allait pas se présenter.

Dans son article en réaction à la déclaration de candidature de Nicolas Hulot, Arnaud Gossement nous livre une analyse en deux temps, reflexe de juriste probablement.
1- Nicolas Hulot est une personnalité difficilement cernable et aux multiples facettes.
2- Nicolas Hulot tente de plonger dans le grand bain sans trop se mouiller.
Avant de conclure de façon pessimiste, que de regretter que l’animateur de télévision n’ait pas décidé de faire « pression sur tous les candidats ».

Je ne partage pas forcément la même analyse que mon homologue blogueur, excellent avocat mais moins à l’aise à mon sens sur le plan de l’analyse politique. Aussi, je vais tenter de vous livrer ma propre analyse sur la déclaration de candidature de Nicolas Hulot.


La déclaration.
En politique, rien n’est fait par hasard nous disait Franklin Roosevelt. L’annonce de candidature de Nicolas Hulot n’y a pas échappé. Revue des troupes en détails.


Où ?
Tout d’abord, le lieu : Sevran. Le lieu où l’on se déclare n’est jamais anodin comme le souligne le Figaro. En 1974, Giscard avait choisi Chamalières. Chirac en 1995 avait choisi Lille et la Voix du Nord alors que Balladur se ratait en direct de Matignon. Plus récemment, François Bayrou en 2006 avait fait la sienne dans son village natal avec les Pyrénées en arrière-plan.

Parfois même, le lieu de déclaration constitue un présage de la campagne à venir ou de l’après élection.

Ainsi, Giscard l’avait fait depuis la mairie de Chamalières, bâtiment aux allures de relais de chasse.
Chirac avait choisi la ville natale du général de Gaulle, Lille, ville socialiste certes, mais aussi lieu symbolique des racines gaullistes.
Balladur donc, l’avait fait sous les dorures de l’hôtel de Matignon, de manière un peu hautaine.
François Bayrou l’avait fait sur une modeste place de village, avec les Pyrénées en arrière-plan pour signifier son attachement à la France rurale mais peut-être aussi pour dire qu’il irait vers les sommets.

Nicolas Hulot a lui choisi Sevran, ville d’environ 47 000 habitants, une des communes les plus pauvres de France. Ville dont le maire vert Stéphane Gatignon s’était fait remarqué fin 2010 pour avoir fait prendre adhérer de nombreux tamouls, la veille de la clôture des adhésions permettant de participer au Congrès fondateur fusionnant Europe-Écologie et les Verts.


La scène.
Derrière l'animateur, la scène est vide, l’arrière-plan d’un vert fade, le pupitre gris mâtiné du même vert, l’éclairage très nettement insuffisant. La mise en scène donnerait de l’urticaire à n’importe quel permanent de parti ou metteur en scène. Bien qu’accessoire, le décor tout comme l’homme a son importance.


L’homme, sa posture.
Si la scénographie laisse à désirer, Nicolas Hulot en lui-même semblait mal à l’aise. On le serait à moins. Nicolas Hulot n’est pas un professionnel de la politique et ça se sent. Pire, on dirait qu’il en a oublié les bases que, pourtant, en tant qu’animateur, il se doit de connaître. Durant tout son discours, il a les yeux rivés sur son papier, décochant en de rares moments quelques regards vers le public.

Il prononce son discours sur une tonalité monocorde, peu engageante. On ne sent aucune passion dans sa voix, aucun espoir, rien. De quoi rendre apathiques les personnages principaux des Émotifs anonymes.


Le propos.
Une déclaration de candidature répond à des canons. On distingue schématiquement 3 temps :
1- Le constat de la situation. Souvent, les choses vont mal.
2- Les quelques problèmes que cette situation génère.
3- Une esquisse des solutions expliquant l’utilité de la candidature.

Nicolas Hulot reprend ces fameux canons. Dans sa phase de constat, il ne relève pas seulement que les choses vont mal, mais que la situation est alarmante et retrouve ici, les accents de son documentaire : « Le syndrome du Titanic ». Le problème est que ce même film n’avait pas connu un succès fou. Sortie au mauvais moment, il était désespérément alarmiste et n’offrait aucun signe d’espoir.

Son discours suit la même pente. Il pointe à juste titre les principaux problèmes générés par cette situation, insistant sur la nécessité de changer. Changement qu’il estime devoir s’appliquer à lui-même en candidatant.

Plus intéressant est le cœur de son discours. Le titre de cette partie est d’ailleurs révélateur : « L’heure est maintenant au changement de cap pour refonder de l’espoir ».
Mais d’espoir, je n’ai pas particulièrement vu ni entendu. Quant à changement de cap, il est certes présent mais pour aller vers où, mystère.
Nicolas Hulot entend plonger dans le grand bain et dépasser les clivages partisans mais sans y trop y tremper le pied. Aussi, son discours est parsemé de références à destination de tous les électeurs quelque soit leur tendance politique.

On y trouvera du François Bayrou comme « réhabiliter l’esprit public », « une transformation progressive des activités et des comportements » ; des expressions qui sonneront à l’oreille du sympathisant écologiste telles que « transition vers [une] société nouvelle, écologique ». Mais les électeurs socialistes y trouveront aussi leur compte « déployer la fiscalité plus équitablement », « réussir le changement, c’est réussir la diversité ». N’oublions pas non plus l’électeur de droite, quelque peu déboussolé ces derniers temps : « concourir à l’apaisement de la société en rassemblant ». L’engagement européen aussi, est présent.

En somme, et ainsi que le résumait la marionnette de Chirac aux Guignols en 1995 : « Mon programme, c’est un peu comme un buffet campagnard. Il y a de tout pour tout le monde en grande quantité. ». Un joyeux fourre-tout d’où émerge pourtant un rattachement léger, mais présent au courant écologiste.


Primaires des Verts : ira, ira pas ?
La candidature de Nicolas Hulot était sur toutes les lèvres, le voile est maintenant levé. Mais qu’en est-il de sa participation aux primaires des Verts ?
L’animateur n’y répond pas vraiment tout en laissant quelques indices. Ainsi : « je sollicite le soutien de l’ensemble des écologistes et notamment de mes amis d’Europe-Écologie, mais aussi plus largement… ».

Traduction : Nicolas Hulot est prêt à concourir aux primaires des Verts mais si le parti ne veut pas de lui, il ira quand même ce qui risque très certainement de se produire, les Verts étant très majoritairement favorables à la candidature d’Éva Joly. Cette dernière a d’ailleurs le soutien plein et entier de l’appareil politique qui l’a modelé à sa façon.


Autre difficulté : l’attitude vis-à-vis du centre.
De ces mots, on peut aussi distinguer autre chose : Nicolas Hulot entend se rattacher d’abord aux écologistes mais pas que… Traduction là encore : je veux bien être le candidat des Verts mais je ne veux pas me laisser enfermer dans un positionnement à gauche et je veux pouvoir m’associer au centre si je le souhaite. Ce positionnement est loin d’être sans issue. Les Grünen l’ont récemment montré, l’élargissement vers le centre est la clef pour conquérir le pouvoir.

Mais le hic est là ! Depuis la fusion entre Europe-Écologie et les Verts, les deuxièmes ont méthodiquement et froidement écarté ou converti tous les éléments provenant du monde associatif et de tendance centriste. Chez les Verts, on est à gauche ou on n’est pas !
Ce mot d’ordre a été et est régulièrement rappelé par Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé et les autres hiérarques du parti : on ne peut être qu’écologiste et de gauche.

Qu’importe que les élections européennes aient été remportées en mordant largement sur l’électorat centriste et démocrate, et que, depuis, le score des Verts se soient effondré, pas question de changement de positionnement. Qu’importe donc que le score moyen des Verts soit passé de 16% à 4% en moins de 2 ans en s'enfermant à gauche et que dans le même temps, les Grünen soit eux, passés de 10% à 25% en optant pour une stratégie d'ouverture au centre.


Conclusion : « Ensemble, bâtissons l’avenir ».
Mais au final, Nicolas Hulot a-t-il un avenir ? Sans vouloir jouer les devins, de nombreux éléments jouent contre. Le premier d’entre eux est aussi son principal atout : il est novice en politique. L’animateur a ses atouts mais dans la course dans laquelle il vient de se positionner les choses sont un peu plus complexe.

Pour donner une illustration, on peut dire qu’une présidentielle est un marathon que l’on doit courir à la même allure qu’un 100m en ligne. C’est long, intense, très dur physiquement et psychologiquement épuisant. Cela, on ne peut le savoir si l’on n’a jamais fait campagne. Une campagne présidentielle demande aussi une solide préparation et une organisation au millimètre. En somme, tout un tas de choses qu’il n’a pas.

Enfin, et l’on en revient au premier point, une campagne présidentielle est une campagne politique. Or, en politique, il y a une sorte de code tacite à respecter, des règles qui s’imposent. Ne pas les respecter, c’est mourir et sortir du jeu. Et, ainsi que le disait Churchill, la politique est pire que la guerre car l’on y meurt plusieurs fois. Respecter les règles n’assure certes pas de gagner mais permet de survivre le plus longtemps possible et d’éviter le tête-à-queue. Tous doivent s’y plier, les plus grands comme les plus humbles, un peu comme le bushido s’imposait aux samouraïs (il n’est d’ailleurs pas exclu que la lecture de ce dernier soit complètement inutile aux candidats). Et toute écart se pait cher.

J'y reviendrai en détails lors de prochains articles.

mardi 12 avril 2011

Inflation, tous aux abris !

Jeudi dernier, la Banque centrale européenne a réussi à faire passer presque inaperçue, une décision qui ne l’est pas vraiment. Les marchés si fébriles depuis le séisme au Japon ont à peine réagi à l’annonce de la BCE suite à la réunion du Conseil des gouverneurs, son instance dirigeante. Certes, la nouvelle ne doit pas non plus être surestimée, mais tout de même ! Il convient d’y attacher quelque importance.

Cette nouvelle, c’est l’annonce du relèvement par la BCE de ses taux directeurs de 1% à 1,25%. Oui, oui, une hausse de 0,25%. Une hausse faible dans le contexte actuel, où l’on peut emprunter à des taux très bas voire négatifs si on tient de compte de l’inflation. L’inflation justement, c’est l’argument invoqué par la BCE pour augmenter ses taux.

Pour bien comprendre l’importance de cette décision, il convient de voir le pourquoi, les différents intérêts en présence, l’impact sur l’économie et enfin les conséquences de cette décision de manière générale.


Pourquoi augmenter les taux ?
La réponse est évidente : la BCE augmente ses taux car c’est sa mission. D’après ses statuts, la Banque centrale européenne a pour principale mission de maintenir la stabilité des prix. Autrement dit, combattre l’inflation qui se définit comme l’augmentation des prix.

Contrairement à la Federal Reserve (banque centrale des États-Unis) qui a, elle, aussi pour mission de maintenir l’emploi au maximum et donc de soutenir aussi la croissance. La Fed intervient donc plus largement que la BCE. Ce n’est pas forcément un mal comme on l’a vu dans la crise des « subprimes » puisque c’est justement la politique accommodante de la Fed qui est un des éléments ayant conduit à cette crise.

La BCE augmente donc ses taux pour limiter l’inflation. Une inflation dont le plafond n’ayant pas été fixée par les décisionnaires européens, mais qui doit tout de même être contenue. La BCE s’est donc fixé arbitrairement un plafond d’inflation à 2%. L’inflation actuelle dans la zone €uro tournant autour de 2,4%-2,6%, la BCE a donc relevé ses taux logiquement. Afin de ne pas effrayer les marchés, elle a largement préparé le terrain en amont. Les marchés prévenus n’ont donc pas été surpris et ont eu le temps d’intégrer cette décision.

Cependant, cette décision du Conseil des gouverneurs est remise en cause par une partie de la doctrine économique ainsi que par plusieurs pays membres de la zone.


Une augmentation discutée.
Si la décision de la BCE ne souffre d’aucune remise en cause formelle, sur le fond, c’est une toute autre affaire. En effet, nombreux sont les économistes à remettre en cause la décision du Conseil des gouverneurs. Pourquoi ?

D’abord, lorsque l’on regarde la structure de l’inflation. Pour l’essentiel, cette dernière est due à l’augmentation des prix de l’énergie notamment du pétrole et du gaz qui ont de nouveau atteint des sommets. Le prix du baril de brent de la mer du Nord, côté à Londres a ainsi dépassé les 120 $ le baril, rappelant les sommets de la fin de l’été 2008. Si on regarde les autres secteurs, on ne peut que constater que la hausse des prix est plus que contenue voire quasi-nulle.

Deuxième élément du débat, en haussant ses taux, la BCE est accusée, à juste titre, de favoriser les pays les plus « riches » de la zone, à savoir l’Allemagne et les Pays-Bas, et, plus largement, ce que l’on pourrait définir comme l’ex-zone Deutsche Mark ; tandis que, dans le même temps, une bonne partie des pays de la zone €uro traversant une situation économique mais surtout budgétaire difficile critiquent cette décision. Il faut dire qu’indirectement cela va avoir pour eux des répercussions non négligeables en tendant un peu plus une situation qui l’est déjà.

La zone €uro se divise donc entre un centre à la situation économique qui s’améliore (l’Allemagne approche les 6,5% de taux de chômage et une croissance à 3% pour 2011), une périphérie qui s’enlise dans la dette publique et une rigueur qui risque de tuer son économie (les fameux « PIGS » + Italie) ainsi que des pays entre deux eaux comme la France (économie atone et inflation contenue). Il y a donc de réelles divergences qui ne sont pas compensées par un réel budget communautaire.


Les conséquences.
Très directement, cette hausse du loyer de l’argent va avoir des conséquences directes sur l’économie et la finance.

Sur l’économie, d’abord, toute hausse des taux d’intérêt de la BCE augmente le coût de l’argent pour les banques commerciales dites « de 2nd rang ». Il faut donc s’attendre à une augmentation de tous les prêts qu’elles commercialisent. Pour le moment, les banques n’ont pas vraiment à se plaindre puisqu’elles prêtent déjà très largement au-dessus des 1,25% et se font une marge appréciable sur les prêts qu’elles consentent.
Pour les particuliers, la hausse sera raisonnable.
Pour les entreprises, cela va être plus compliquée puisque les banques qui leur prêtent déjà peu vont leur répercuter la hausse de la BCE.

Sur le plan financier, les emprunts sur les marchés vont eux-aussi très probablement augmenter. Emprunter deviendra donc plus cher pour les États, ce qui va fragiliser un peu plus la situation des États-membres de la zone.

La hausse peut aussi être discutée. D’abord, et comme mentionné plus parce que l’inflation est presque uniquement due à la hausse des prix de l’énergie et non au reste de l’économie. Or, nous sommes entrés depuis 2007-2008 dans une période où l’énergie sera durablement chère, phénomène renforcé par les catastrophes nucléaires au Japon et leurs conséquences sur les marchés des énergies fossiles.

Ensuite, parce que l’approche monétariste qui constitue la doxa des banquiers centraux occidentaux a été largement remise en cause par la crise que nous traversons. D’autres approches montrent que l’inflation n’est pas forcément négative. Au contraire, un peu d’inflation aurait un effet positif sur l’économie permettant une meilleure rémunération du travail et donc une relance de l’économie.


Conclusion.
La hausse des taux directeurs décidée par la BCE est pour essentiellement une décision politique. Bien qu’ils s’en défendent, les gouverneurs de la zone €uro ont cédés aux pressions germaniques demandant un durcissement de la politique monétaire. Ce durcissement vise autant à avoir une politique adaptée à la situation économique allemande qu’à pousser les pays financièrement « voyous » de la zone €uro à faire le ménage chez eux. Le problème est que ces pays ont déjà mis en œuvre plusieurs plans de rigueurs qui se sont traduits par une réduction des politiques sanitaires et sociales. Or, en s’attaquant ainsi ce que l’on appelle les « stabilisateurs économiques », les pays en difficulté qui n’ont pas d’autres choix s’ils veulent se refinancer risquent de tuer leurs économies respectives et d’empêcher in fine toute reprise forte et rapide qui permettrait d’éponger leurs déficits.

Il faut donc que les pays en meilleure santé de la zone €uro se souviennent qu’ils ne sont pas seuls et que la politique monétaire de la zone €uro doit être bénéfique pour l’ensemble de la zone et non à son seul cœur économique. Si l’Allemagne a son rôle, il sera toutefois trop facile de la pointer comme seule responsable. Face à la même situation, ceux-ci ont su faire les efforts nécessaires pour assainir leurs finances et relancer leur économie ce qui n’a pas été le cas des fameux « PIGS », de l’Italie, de la Belgique mais aussi de la France. Bien que les responsabilités soient partagées, les États-membres avancent lentement vers ce qui serait une des solutions à leurs différents problèmes, à savoir un budget européen conséquent capable de compenser les déséquilibres à l’intérieur de la zone.

Il ne faut pas oublier en effet que l’économie avance sur deux jambes : la politique monétaire et la politique budgétaire. Oubliez l’une des deux et l’ensemble (l’économie donc) s’effondre au pire ou dysfonctionne au mieux.

samedi 9 avril 2011

Borloo flaire le bon coup.

Hier, dans l’émission « A vous de juger », Jean-Louis Borloo annonçait son départ ainsi que le départ prochain de son mouvement « Le Parti radical » de l’UMP. Cela n’a pas manqué de faire réagir mon camarade blogueur David Guillerm, pour qui Jean-Louis Borloo est une personne versatile dont l’annonce de sortie de l’UMP ne serait qu’une façade.

Si, en effet, on ne peut que s’accorder sur l’appétence de notre Jean-Louis national pour l’indépendance ; on peut, en revanche, en déduire plusieurs autres choses.
1- L’évidence : le départ de Borloo répond à un calcul politique.
2- L’opportunité : quelque soit ce qu’il adviendrait dans les prochains mois, Borloo peut sortir renforcé de la situation.
3- Ce que cela traduit.


L’évidence.
Les différents reportages de l’émission « A vous de juger », les observateurs le pressentaient, Nicolas Sarkozy lui-même le craignait comme l’a montré son attitude lors du lancement des travaux du canal Seine-Nord, Jean-Louis Borloo lui-même laissait planer la menace de son départ. Jeudi 06 Avril 2011, il l’a officialisé, il quitte l’UMP. L’organisation du congrès du Parti radical, qu’il dirige, le mois suivant enterrera cette décision. L’évènement est donc tout sauf une surprise et bien naïfs sont ceux qui pouvaient encore penser que Jean-Louis Borloo resterait à l’UMP.


L’opportunité.
La première pierre de cette nouvelle route avait été posée en Novembre 2010. A l’époque, Nicolas Sarkozy se voyait contraint de maintenir François Fillon, plus populaire que lui. Jean-Louis Borloo qui lorgnait Matignon s’était vu proposer n’importe quel ministère d’importance tant qu’il restait. Jean-Louis Borloo sur de la valeur qu’il représentait pour Nicolas Sarkozy faisait le choix de partir. L’occasion était idéale et, en bon opportuniste, il ne l’a pas manqué.

Deuxième étape, la campagne des cantonales mais surtout, surtout le mini-remaniement opéré place Beauvau. La nomination de Claude Géant, ses dérives droitières, voire frontistes ont fini d’ouvrir la route à un départ de Jean-Louis Borloo, qui estimait que la droitisation du gouvernement n’était pas acceptable.

Dernier acte, donc, l’annonce publique sur le plateau « d’A vous de juger ».



Conséquences.
Quelles conséquences déduire du départ de Jean-Louis Borloo ?

Tout d’abord, et c’est important, les liens financiers demeurent. L’UMP continuera donc de verser sa quote-part au Parti radical. En effet, pas question de se lancer dans une bataille juridique pour l’application d’une convention entre deux partis, ce serait accroître les divisions alors que l’unité (ainsi que l’a encore rappelé François Fillon au lendemain de l’annonce du départ du Parti radical) est de mise. Et puis, Nicolas a besoin de Jean-Louis. Sa parade amoureuse autour de l’ex-ministre de l’environnement lors du lancement des travaux pour le canal Seine-Nord ne laisse pas de place au doute.

Ensuite, Jean-Louis Borloo est une personne versatile comme le montre ses décisions lors des campagnes présidentielles de 2002, mais surtout de 2007 lors desquelles il a plusieurs fois changé de poulain. A ce niveau, on se demande si ce divorce d’avec l’UMP se traduira par une candidature à l’élection présidentielle. Pour l’ancien maire de Valenciennes, il faut que la famille centriste présente un candidat, lui-même d’ailleurs n’exclut pas d’être candidat. A cette fin, Jean-Louis Borloo prévoit de lancer sa confédération des centres sur laquelle, nous reviendrons ultérieurement.

Enfin, on ne peut comprendre l’attitude de Jean-Louis Borloo que si on l’on sait que son intérêt principal est lui-même, pas sa candidature à l’élection présidentielle. Ainsi qu’il l’a rappelé à moults reprises lors de l’émission, son but est de faire. Son expérience valenciennoise, fort réussie de l’aveu même de ses opposants, est un modèle qu’il veut répliquer à la France entière. S’il faut s’allier à droite pour le réaliser, il s’alliera à droite. S’il faut s’allier au centre, il s’alliera au centre. Mais le climat étant orageux à droite et brumeux au centre, il convient de ne pas insulter l’avenir.


Que fait donc Jean-Louis Borloo ?
La réponse peut semble surprenante, mais il attend. Il attend que le paysage s’éclaircisse. Afin de se préserver, il a pris son indépendance, au moins formellement, par rapport à l’UMP. Ainsi, il n’est plus associé aux déclarations de plus en plus démagogiques de Claude Guéant, que Sarkozy doit regretter d’avoir nommé à l’Intérieur. Mais, il ne rejoint pas non plus le seul centriste qui ait eu le courage de rester indépendant, à savoir François Bayrou, pour pouvoir ne pas être impliqué dans une nouvelle déroute électorale potentielle. C’est que du côté des radicaux, on se souvient qu’en 2009 et en 2010, les scores du MoDem n’étaient pas fameux. Si les oranges ont repris des couleurs en 2011, il n’en reste pas moins incertain de miser sur un étalon au potentiel indéniable mais aux performances trop irrégulières pour que l’on puisse miser sereinement la boutique.

N’oublions pas non plus que ce positionnement a aussi l’avantage de permettre le ralliement d’autres personnes comme Rama Yade, voire de faire alliance avec un autre outsider comme Dominique de Villepin. Et ce n’est pas le rappel de paroles de Jean-Louis Borloo dans un obscur journal d’extrême droite en faveur d’une alliance avec le Front national, il y a 20 ans qui changeront la donne. En politique, les paroles s’envolent, mais les faits restent. Et, Jean-Louis Borloo n’a jamais fait alliance avec le Front national. Autre point important, le délai. 20 ans, en politique, c’est long. Rappeler donc des faits anciens sans réelle connexion avec la réalité peut causer beaucoup de soucis à l'auteur de l'attaque. François Bayrou s'en rappelle encore.


Conclusion.
Peut-on résumer le positionnement de Jean-Louis Borloo à ce départ ? Non, clairement non.

Jean-Louis Borloo, vieux renard de la politique, ne prend pas de réel risque. Il ne quitte ni le navire sur un radeau accompagné de clochards comme a pu le dire Jean-Luc Mélenchon qui lui a succédé sur le plateau de France 2, ni ne fait exploser la droite, mais préserve ses chances en même temps qu’il offre à la droite une possibilité de gagner en 2012 en voulant rétablir le schéma ancien RPR-UDF à droite. Car, que l’on ne s’y trompe pas. L’explosion factuelle de l’UMP peut être favorable à une réélection de Nicolas Sarkozy. En offrant une nouvelle diversité de l’offre politique à droite, Jean-Louis Borloo envisage de récupérer des voix qu’il négociera ensuite chèrement contre une place à Matignon au mieux, ou contre une clarification de la situation à droite au pire. On aurait en effet tort de considérer que « l’explosion » de la droite et sa déroute n’ait que des conséquences négatives sur le nouveau rassemblement de Jean-Louis Borloo.