Hier, entre 15h et 16h heure locale (Los Angeles -9H), Michael Jackson a fait un arrêt cardiaque. Après des premières nouvelles confuses, je me branche sur CNN qui confirme l’information une heure après. Aussi tôt, je mets l’information sur mon statut Facebook en soulignant qu’elle est largement surtraitée. Considérant alors que ce relatif non-évènement étant donné le mode de vie de Michael Jackson. Alors que je comparais cet excès de couverture médiatique à la people-isation du pouvoir et à la mainmise sarkozyste sur les médias, nombre de mes contacts Facebook me sont littéralement tombé dessus.
Michael Jackson, symbole d’un syndrome.
On peut en convenir, Michael Jackson a été un artiste important. Il a bénéficié de bons producteurs et a su s’entourer ce qui a permis son explosion. Il a été l’auteur d’excellents morceaux dont le symbole est le fameux album Thriller, véritable compilation de tubes. Initiateur du moonwalk et réel génie qui a véritablement fait du clip musical un instrument à part, Michael Jackson a été un grand artiste essentiellement dans les années 1980 avant une longue descente aux enfers durant la décennie 1990 puis une tentative de redémarrage récente. Artiste important, il a été aussi une personne à la vie privée désastreuse comme l’ont montré ces frasques et excès. Cependant, si sa mort est un évènement, elle est loin d’être « Un évènement historique dans l’histoire des États-Unis d’Amérique » comme j’ai pu l’entendre de la part d’un présentateur sur BFM TV. La mort de Michael Jackson est ainsi le symbole de la people-isation de la société.
La presse perd le sens des priorités.
Cette people-isation n’est pas nouvelle, mais en France elle a littéralement explosé avec l’avènement à la tête de l’État français de Nicolas Sarkozy. Depuis son élection, c’est un véritable déferlement de unes de journaux écrits, radios ou audiovisuels. S’il y a quelques années encore, les hommes politiques qui voulaient faire une annonce le faisait par un éditorial dans Le Monde, le Figaro ou dans un grand quotidien de qualité. Pourtant dernièrement, une personnalité politique connue (NKM) n’a pas fait son annonce dans un éditorial mais dans la presse people. Christine Lagarde avait d’ailleurs fait une annonce de ce genre dans Gala en Septembre dernier. Bien sur, cela est dû à l’esprit de Cour qui règne au gouvernement et dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, mais pas seulement. Cela est le signe d’une dérive de la presse qui perd littéralement le sens des priorités. La mort de Michael Jackson est le dernier épisode en date de cette dérive.
Alors qu’on venait d’apprendre le malaise cardiaque du chanteur, un hélicoptère de la presse s’est mis à tourner pendant plus d’une heure au-dessus de l’hôpital. CNN faisait un décrochage spécial avec nombre d’invités. On aurait pu penser que ça serait calmé ensuite, mais non c’est le contraire, la machine médiatique s’est emballé. L’évènement est à la une de tous les médias. BFM TV y consacre une journée spéciale, France 2 dans son 13h en a fait son 1er évènement traité et y a consacré plus de la moitié du JT avec présence d’invités et tout l’arsenal traditionnel : micros-trottoirs dans toutes les villes du monde, passage de clips et d’extraits de concert ; tout y est passé.
Dans l’excès ambiant et avant même le décès de Michael Jackson, le Canard enchaîné publiait la veille en Une, un dessin très parlant de Cabu. Celui-ci montrait comment en Occident, le sport et la people-isation éclipsait presque totalement les soulèvements en Iran d’une ampleur sans précédent.
La lutte pour la démocratie éclipsée par la mort d’un chanteur.
Il faut bien se rendre compte que l’Iran vit actuellement des moments très importants.
Présentée comme un moment démocratique historique, l’élection présidentielle iranienne a littéralement volé le peuple iranien de sa décision. Les Iraniens se rassemblent à la fin de la journée pour crier « Dieu est grand ! ». La dernière fois que cela s’est produit c’était en 1979 à la veille de la chute de la dictature du Shah. Moment historique puisque la révolution islamique a pu éclore contre la dictature grâce à la mobilisation des femmes et des jeunes, mais surtout car le régime islamique mis en place est justement censé incarné le changement. Le guide suprême, qui tient à tout prix à éviter, une révolution de velours comme cela s’est passé en Géorgie ou en Ukraine, a clairement soutenu Ahmadinejad. Dans son prêche à l’université de Téhéran, il a déclaré à propos du président sortant que c’était : « celui dont les options politiques sont les plus proches de moi ».
Pour rappel, les résultats officiels sont :
Ahmadinejad : 62,63% ;
Moussavi : 33,75 % ;
Rezaï : 1,73 % ;
Karoubi : 0,85 %.
Les résultats officieux fournis par l’opposition sont :
Moussavi : 41,30% ;
Karoubi : 28,26 % ;
Ahmadinejad : 12,39% ;
Rezaï : 7,60%.
On voit que les 2 candidats réformateurs sont arrivés en tête et que le clan conservateur pèse à peine 20%. Les bassidji (branche paramilitaire des Gardiens de la Révolution) tabassent et tuent des manifestants qui ne veulent, non pas d'une société à l’occidentale mais juste la démocratie, juste qu’on ne leur vole pas leur vote, le choix de leurs dirigeants.
Il ne faut pas tomber dans l’angélisme non plus, M. Moussavi est un homme du sérail iranien, ancien Premier ministre au début des années 1980, son passé montre suffisamment qu’il n’aurait pas radicalement changé la politique iranienne, mais il aurait permis à l’Iran de sortir de l’isolement dans lequel il est plongé du fait de la politique d’Ahmadinejad. Ceux que veulent les Iraniens, c’est sortir de l’isolement, s'ouvrir au monde extérieur et rentrer de plein pied dans le concert des nations au niveau international.
En faisant passer derrière la mort d’un chanteur un tel évènement, les médias occidentaux contribuent à l’installation d’une dictature durable en Iran. Taire la lutte des Iraniens, c’est condamner leur lutte pour la démocratie. En ce moment, des gens meurent pour la démocratie. Officiellement, il y en a moins de 20. Officieusement, on dépasse largement la centaine. Il est grand temps de remettre de l’ordre dans nos priorités et de faire passer la mort d’un chanteur derrière les évènements graves et très importants qui se passent ailleurs dans le monde, notamment en Iran.
vendredi 26 juin 2009
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5 commentaires:
Je crois malheureusement qu'elle ne l'a pas perdu...mais sa priorit... Lire la suiteé actuelle est d'occulter pas mal d'autres choses plus dérangeantes. D'ailleurs, toutes les raisons sont bonnes pour ne pas parler de l'essentiel. Là c'est le sujet en or et crois-moi, on va tellement en manger qu'on deviendra tous des petits midas...Faire larmoyer le mouton pour qu'il oublie ses problèmes, ce n'est pas nouveau ! Quant à savoir si la presse est gentiment priée de se laisser manipuler ou si elle dévie d'elle-même...j'ai bien une idée : les deux mon général ;o)
Bénédicte R.P
Raisonnement intéressant mais tu noteras que les médias qui émergent sont ceux qui reviennent au cœur du journalisme de qualité. Médiapart, Marianne ou plus récemment le New Yoek Times misent sur la qualité pour s'en sortir. Ça marche pour les deux premiers, le 3e a épargné le quotidien phare du groupe dans cette perspective. Je pense que l'on peut réellement sortir de cela. Encore faut-il y mettre le prix.
Je suis bien en phase avec cet article. Sauf que le problème de "pipeau"-lisation ne touche apparemment pas que la France. Simple dérive mercantile destinée à donner de la matière à un public de plus en plus décérébré, dont on s'évertue à laver le cerveau?
L'Iran, on s'en fout. La révolution islamique annoncée par Ahmadinejad, nada.
Michael est mort et le reste pourra bien attendre...
Oui et pendant ce temps là on ignore les milliards de personnes qui meurent de faim...
Je pense que cette médiatisation excessive va nous faire tomber dans l'excès inverse. C'est un mouvement de balancier. Avant la révolution, on raffolait des prémices de la presse de couloir. Ensuite, c'est retombé puis ça a ré-émergé et ainsi de suite.
La question est : ce mouvement a-t-il une fin ? Je pense qu'avec la crise de la presse, nous nous acheminons vers une division. D'un côté, une masse intéressée par la presse dite people. De l'autre, une partie de la population relativement instruite qui achètera une presse qualité et sera prête à y mettre le prix. Entre les 2 rien.
Le problème comme le souligne cath37 de façon indirecte est que l'absence de médiatisation de certaines causes les éclipse car elles ne sont pas vendables alors que pourtant, elles nous concernent au premier chef.
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