Reprenant les propos de Jules Laforgue, poète français du XIXe siècle, le titre ci-dessus traduit crument l’application de la parité dans la composition des listes pour les régionales de mars 2010. Le sujet a déjà été abordé par Chantal Portuèse sur son blog Force Hyères le 23 novembre 2009, puis une 2e fois, le 18 décembre 2009 dernier. Toutefois, notre consœur et amie, si elle dénonce la situation et rappelle les principales explications, n’a pas poussé plus avant ses propos qui sont pour partie incorrects.
Les fondements légaux.
La parité devrait aller de soi. En réalité, cela n’étant manifestement pas le cas, il a fallu intervenir par les voies constitutionnelle et législative.
Pour rappel, le principe de parité a été introduit en Juillet 1999 dans la constitution.
Étape 1 : Juillet 1999, révision de la constitution.
À l’article 3 était ajouté que la loi « favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». L’article 4 étant lui complété de la façon suivante : « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ».
Étape 2 : Juin 2000, loi sur la parité.
La loi sur la parité est promulguée en Juin 2000. Comme le mentionne l’Observatoire pour la parité : « Elle oblige les partis politiques à présenter un nombre égal d’hommes et de femmes pour les élections régionales, municipales (dans les communes de 3500 habitants et plus), sénatoriales (à la proportionnelle) et européennes. Elle prévoit aussi de pénaliser financièrement les partis ou groupements politiques qui ne respectent pas le principe de parité lors de la désignation des candidats pour les élections législatives. »
Étape 3 : Avril 2003, modification des modes de scrutin des élections européennes et régionales.
L’Observatoire pour la parité précise : « la loi introduit des sections départementales au sein des élections régionales et 8 régions pour les européennes, dont les listes doivent comporter une stricte alternance entre hommes et femmes. ».
Aussi bizarre que cela puisse paraître, les dispositions de 2003 constituent un recul pour la parité entre hommes et femmes. Si dans l’absolu, celle-ci n’est pas remise en cause, les nouveaux modes de scrutin permettent de réduire l’importance de l’obligation de parité. L’obligation porte sur des listes départementales et non plus sur des listes globales pour les élections régionales. Cette bizarrerie a été introduite par le gouvernement Raffarin pour réduire la contrainte de la parité (souvent moins respectée par la droite) et permettre l’émergence de majorités stables au sein des assemblées régionales.
Étape 4 : Juillet 2008, révision de la constitution.
La révision constitutionnelle changeait tellement de choses que la question de la parité a été passée sous silence. Cette dernière révision (oubliée par notre amie varoise) supprime les ajouts faits depuis 1999 et reformule l’article 1 qui est devenu :
«Article Premier.
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
On notera que la disposition constitutionnelle sur la parité passe du titre premier sur la souveraineté au préambule. Les puristes rétorqueront que cela ne change pas grand-chose au niveau de l’application mais sur la forme, c’est un recul. Recul qui ne se limite pas là, puisqu’en voulant étendre la portée de l’obligation de parité, on en réduit l’efficacité.
La constitution renvoie à la loi pour l’application du principe de parité par les partis politiques doivent respecter la loi sur ce point et lorsqu’elle est muette y contribuant en respectant l’esprit du texte.
Le constat en 2004.
En 2004, l’Observatoire de la parité a publié une note (sur laquelle notre ami blogueuse a dû se baser mais qui est en partie obsolète comme mentionné plus haut) dans laquelle il dressait le constat suivant :
« - Quand la loi s’applique.
Il convient tout d’abord de se féliciter des effets de la loi sur la parité pour les élections régionales. En 1998, il y avait 27,5% de femmes élues conseillères régionales, trois femmes présidentes de région, et 20% de vice-présidentes. L’application de la loi a introduit une vraie parité dans les conseils régionaux, puisque désormais, 47,6% des conseillers régionaux sont des femmes (cf. tableau 1 et 2).
On constate aussi un effet d’entraînement au niveau des vice-présidences puisqu’elles sont désormais 37,3% (cf. tableau 3) : Huit régions ont respecté l’esprit de la loi en choisissant autant de femmes que d’hommes pour les postes de vice-présidence : Ile-de-France, Bretagne, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Picardie, ainsi que la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique. Onze régions présentent de 30 à 40% de femmes dans leurs exécutifs. A l’opposé, dans sept régions, plus de 70% des vice-présidents restent des hommes, voire même 75% dans les régions Basse-Normandie, Centre et Corse.
- Quand la loi ne dit rien.
Par contre, peu de femmes ont été choisies pour diriger les listes régionales (cf. tableaux 4 et 5) : 1 femme sur 28 au Parti Socialiste, 2 sur 25 à l’UMP, 5 sur 19 à l’UDF et 4 sur 22 au FN. Seuls les partis d’extrême gauche LO-LCR ont présenté 12 femmes parmi leurs 24 têtes de liste. Le nombre de femmes choisies comme chef de file des sections départementales n’est pas plus satisfaisant avec une moyenne de seulement 25,1% de femmes. Là encore ce sont les Verts, les Communistes et l’extrême gauche qui restent les plus proches des 50%, alors que les listes de droite et de gauche sont à 18,6 et 23,6%. Si grâce à l'application de la loi sur la parité, les conseils régionaux deviennent les assemblées les plus féminines de France, il n'y a cependant qu'une seule femme présidente de région (cf. tableau 3). ».
La situation actuelle.
A la veille des élections régionales et alors que la plupart des partis ont désigné leurs têtes de listes régionales pour le scrutin de mars prochain ou sont en train de le faire. Le moins que l’on puisse dire est que les choses n’ont pas réellement changé, voir se sont dégradées.
La majorité présidentielle devrait se retrouver avec 5 têtes de listes féminines sur 24 régions (si on inclut l’outre-mer), le PS et le MoDem avec 3 femmes têtes de listes ont perdu du terrain. Cela représente respectivement 20,83% de femmes pour l’UMP ; 12,50% pour le PS et le MoDem. Je n’ai pas inclus les Verts - Europe-Écologie dans cette analyse comparative pour la bonne et simple raison que je n’ai pas trouvé un récapitulatif de toutes les têtes de listes régionales. Et, en l’absence de publication officielle pour vérifier, j’ai préféré écarté cette mouvance politique de l’analyse. Sachez cependant que lors du dernier scrutin de 2004 que les Verts avaient presque réussi la parité au niveau de leurs têtes de listes régionales. Et comme les écologistes sont, avec les communistes, ceux qui respectent le mieux la parité, il est fort possible que cela soit toujours le cas.
Les facteurs explicatifs.
Les raisons qui peuvent expliquer ce retard sont multiples.
Chantal en mentionne plusieurs qu’il convient d’analyser :
- l’absence de femmes en politique en général et de candidates en particulier ;
- le quotidien des femmes, chargé utilisé comme excuse pour ne pas confier de responsabilité aux femmes.
Le facteur social.
Historiquement, il est indéniable que le poids de notre société pèse. C’est un fait, nous sommes dans une société dite « latine » (ou plutôt devrait-on dire latino-grecque) dans laquelle les affaires de la cité sont souvent du ressort de la gent masculine. Il faut toutefois rappeler que les femmes ont eu un grand rôle politique durant tout le Moyen-Age avant de connaître un recul prononcé de leur place dans les affaires publiques au XIXe siècle.
Ce modèle de société est sur cet aspect différent du modèle scandinave vanté pour son égalitarisme forcené particulièrement prégnant en matière de parité.
Le facteur famille/vie quotidienne.
Une récente étude l’a encore montrée, malgré l’importance du travail des femmes, ce sont elles qui s’occupent le plus de tâches ménagères. En plusieurs dizaines d’années, la répartition n’a guère évolué et toujours selon cette étude même si la volonté y est, en réalité, les vieilles habitudes ont la dent dure. Le seul changement notable se verrait au niveau de la famille puisque les hommes auraient tendance à plus s’impliquer dans l’éducation de leurs enfants. Cela ne suffit pas à contrer la tendance lourde qui prévaut.
Quant à l’impact sur les autres activités, s’il est difficile de le prouver de façon certaine et absolue, il est fort probable que cela ait forcément une incidence sur l’engagement en politique des femmes puisqu’il empiète sur le temps libre (hors travail s’entend) et entre nécessairement en concurrence avec d’autres activités.
Le manque de femmes en politique.
Ce facteur découle pour partie des deux précédents, mais cela n’est pas suffisant. En pratique, on constate en effet, un manque criant de femmes voulant s’engager en politique. Aucune explication n’est suffisante, il s’agit plutôt d’un faisceau de raisons qui expliquent ensemble cette situation.
Quelles solutions ?
L’observatoire pour la parité recommandait en 2004 d’imposer la parité pour les têtes de liste départementales et pour les vice-présidences. C’est un moyen qui reste insuffisant. La meilleure solution serait de réintroduire des listes régionales et d’imposer une parité au niveau des têtes de listes régionales.
Sur le plan incitatif, peu de choses à attendre étant donné la forte pression pour supprimer les contraintes déjà introduites.
Sur le plan des contraintes légales et constitutionnelles, on essaie déjà de faire sauter les quelques faibles contraintes instaurées en 1999 et 2000. La réforme constitutionnelle y a déjà porté un coup, le mode de scrutin envisagé pour l’élection des futurs conseillers territoriaux aggraverait fortement la situation en aboutissant à une quasi-disparition de la parité. Même dans le projet démocrate d’Arras, il a fallu que plusieurs personnes interviennent dont Marielle de Sarnez pour insister sur la nécessité de maintenir les contraintes existantes voir de les renforcer pour éviter un recul en la matière.
Conclusion : quelle place pour le Mouvement démocrate ?
Selon le tableau et les graphiques que vous avez sous les yeux, la disparité entre hommes et femmes saute littéralement aux yeux, surtout pour le PS et le MoDem. A la décharge de ces deux partis, ce sont eux qui respectent le mieux la représentation en termes de diversité. Certes, mais bien souvent, les représentants de la diversité sont … des hommes, très rarement des femmes.
Le Mouvement démocrate doit non seulement proposer un projet novateur mais aussi faire une place à de nouvelles habitudes en matière d’investiture en posant un cadre strict qui permette aux militants de choisir tout en respectant des objectifs à atteindre en matière de parité. La politique du « casting » de Nicolas Sarkozy se voit aussi en matière de parité mais n’est pas forcément efficace.
En la matière, les plus pessimistes sont souvent les femmes elles-mêmes. Il n’est cependant pas dit que le fait de mettre en avant des femmes soit un « prix à payer » comme le dit Chantal. Il s’agit surtout de courage politique.
Le MoDem contient en son sein beaucoup de femmes compétentes, souvent des jeunes femmes très engagées dans la vie locale et/ou associative et n’ayant pas pour autant délaissé leur vie professionnelle ou leur vie de famille. Manque de visibilité, volonté de consensus qui tend à privilégier la cause commune au détriment d’ambitions personnelles, peut-être est-ce cela aussi les difficultés à atteindre la parité.
mercredi 30 décembre 2009
Régionales. La parité est une règle qui ne souffre que des exceptions.
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