Les 3 grands partis ont perdu, mais du scrutin ressort un gagnant. Son nom : Nick Clegg, chef politique des libéraux-démocrates.
Un bilan électoral décevant.
Bien qu'affichant un solde négatif 5 sièges par rapport à la législature sortante, son parti est l'indispensable clé pour s'installer au 10, Downing Street. En effet, aussi bien David Cameron que Gordon Brown ne peuvent faire sans lui pour gouverner, les élections ayant abouti à un « Hung Parliament ».
Ainsi que Nick Clegg l'a reconnu, ce scrutin est une déception et la « Cleggmania » qui a suivi le 1er débat télévisé ne s'est pas traduite dans les urnes. Si on regarde plus précisément où se situe les circonscriptions perdus, on note que celles-ci sont situés dans le Sud de l'Angleterre et au Pays de Galles. La pointe sud-ouest de l'Angleterre regroupant le Cornwall, l'Exeter et le Devon est particulièrement touchée. La défaite de Julia Goldsworthy symbolise à elle seule, la paradoxe de cette élection pour les libéraux-démocrates. Progressant de près de 1 000 voix, elle perd au final sur le fil de 66 voix face à son concurrent conservateur.
Une occasion à ne pas manquer.
Selon Steve Richards, journaliste au quotidien « The Independent », les libéraux-démocrates sont face à un dilemme majeur : soit s’allier avec David Cameron et obtenir une réforme électorale au prix de concessions politiques ; soit s’allier avec les travaillistes avec lesquels ils sont plus proches idéologiquement sur nombre de sujets mais apparaître derrière Gordon Brown dont le crédit politique est considérablement écorné après une défaite historique pour le Labour. En réalité, les LibDems doivent entrer dans une politique de rapports de force à laquelle ils ne sont pas habitués.
Winston Churchill avait dit un jour « Plus vous regarderez loin dans le passé, plus vous verrez loin dans l’avenir ». Nick Clegg devrait se souvenir de cette phrase venant d’un homme à qui on l’a un moment comparé et se la répéter pour savoir ce que les conservateurs lui réservent. En effet, si une alliance bleu-jaune a lieu, elle ne sera que provisoire.
Une fois que David Cameron sera installé au « 10, Downing street », il aura toutes les leviers en mains. Il aura le soutien des milieux d’affaires et des marchés qui détestent l’incertitude et l’instabilité et l’ont montré depuis jeudi en vendant massivement des titres britanniques et de la £ivre sterling. Il aura aussi le soutien de la population qui a déjà montré qu’elle souhaitait que les politiques parviennent rapidement à surmonter leurs divergences et se mettent à gouverner.
Mais surtout, il aura un avantage considérable pour le prochain scrutin : il pourra décider du moment de la bataille. Or, comme Napoléon l’a montré à Austerlitz, la maitrise du moment et du lieu des combats est essentiel pour s’assurer la victoire. Plus récemment, on pourra prendre l’exemple d’Harold Wilson qui devint Premier ministre en 1974 suite à l’élection d’un « Hung Parliament » avant de décider de la tenue de nouvelles élections à l’automne et d’obtenir cette fois, une majorité absolue. Il est évident pour les libéraux-démocrates de faire voter cette réforme dans un contexte plus favorable pour eux avec un nombre de parlementaires supérieur mais le temps est compté. En effet, durant l’état de grâce qui entoure le vainqueur après chaque élection, il est plus facile de faire voter des mesures difficiles.
Nick Clegg ne doit donc pas laisser passer l’occasion et exiger un référendum immédiat sur le mode de scrutin pendant qu’il en est encore temps. Car, il faut bien se rendre compte que jamais les conservateurs n’accepteront la réforme d’un mode de scrutin qui leur fermerait la porte à toute majorité absolue à la Chambre des communes à l’avenir. Par contre, David Cameron peut parfaitement accepter un référendum sur la réforme d’un système politique complètement cassé après le scrutin de jeudi dernier. Référendum que la population approuverait très probablement étant donné le ras-le-bol général envers le système actuel, comme le montre le vote pour les partis nationalistes.
Quelle alternative ?
Face à une alliance bleu-jaune, l’alternative est une alliance rouge-jaune. Mais l’idée d’une telle alliance n’a rien de la vision du paradis. Il sera très difficile de faire avaler à un électorat pour qui les LibDems représentent une alternative, une alliance avec un parti devenu très impopulaire. Nick Clegg doit donc conclure avec David Cameron, son principal objectif est donc, maintenant de faire accepter une telle idée à ses troupes.
Le résultat des élections se suffit à lui-même à démontrer que le système électoral est anti-démocratique. Avec un quart des voix mais seulement 1/12e des sièges, la situation des LibDems montre que le système actuel est fini. Reste que toute alliance des LibDems est soumise à la levée d’un triple verrou. Si Nick Clegg est le chef politique du parti libéral-démocrate, il doit recueillir une majorité des 3/4 de la part de son bureau politique exécutif, une majorité des 3/4 de ses parlementaires et une majorité des 3/4 de la part des membres de son parti. L’exercice s’annonce donc difficile mais pas impossible.
Nick Clegg devra garder son image de visionnaire qu’il a acquis durant les débats télévisés tout en se gardant d’apparaitre comme un traitre aux idées progressistes de son parti (cf. « Nick Clegg: visionnaire ou traitre ? », The Independant). Il devra faire entendre raison à ses troupes qui comme a pu le dire un de ses cadres : « [n’ont] pas combattu les conservateurs pendant 30 ans pour rentrer dans un gouvernement mené par David Cameron ». Si la base du parti penche pour une alliance progressiste avec le Labour, ce n’est pas le meilleur choix.
Pour Nick Clegg, l’enjeu d’une alliance avec les conservateurs est double. Il doit d’une part faire comprendre à ses troupes qu’il faut décider avec la raison et non avec le cœur pour réellement peser dans la vie politique britannique. D’autre part, il doit obtenir des concessions politiques de David Cameron. Celles-ci passent par des concessions au cas par cas suivant les textes de loi que le leader conservateur entend faire adopter rapidement, un ou plusieurs proches au sein du gouvernement (Nick Clegg pourrait viser le Foreign Office) et surtout l’organisation rapide d’un référendum pour changer le mode de scrutin.
Voilà, pour la feuille de route. Reste maintenant à l'appliquer.
samedi 8 mai 2010
Une occasion à ne pas manquer.
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