Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

samedi 9 avril 2011

Borloo flaire le bon coup.

Hier, dans l’émission « A vous de juger », Jean-Louis Borloo annonçait son départ ainsi que le départ prochain de son mouvement « Le Parti radical » de l’UMP. Cela n’a pas manqué de faire réagir mon camarade blogueur David Guillerm, pour qui Jean-Louis Borloo est une personne versatile dont l’annonce de sortie de l’UMP ne serait qu’une façade.

Si, en effet, on ne peut que s’accorder sur l’appétence de notre Jean-Louis national pour l’indépendance ; on peut, en revanche, en déduire plusieurs autres choses.
1- L’évidence : le départ de Borloo répond à un calcul politique.
2- L’opportunité : quelque soit ce qu’il adviendrait dans les prochains mois, Borloo peut sortir renforcé de la situation.
3- Ce que cela traduit.


L’évidence.
Les différents reportages de l’émission « A vous de juger », les observateurs le pressentaient, Nicolas Sarkozy lui-même le craignait comme l’a montré son attitude lors du lancement des travaux du canal Seine-Nord, Jean-Louis Borloo lui-même laissait planer la menace de son départ. Jeudi 06 Avril 2011, il l’a officialisé, il quitte l’UMP. L’organisation du congrès du Parti radical, qu’il dirige, le mois suivant enterrera cette décision. L’évènement est donc tout sauf une surprise et bien naïfs sont ceux qui pouvaient encore penser que Jean-Louis Borloo resterait à l’UMP.


L’opportunité.
La première pierre de cette nouvelle route avait été posée en Novembre 2010. A l’époque, Nicolas Sarkozy se voyait contraint de maintenir François Fillon, plus populaire que lui. Jean-Louis Borloo qui lorgnait Matignon s’était vu proposer n’importe quel ministère d’importance tant qu’il restait. Jean-Louis Borloo sur de la valeur qu’il représentait pour Nicolas Sarkozy faisait le choix de partir. L’occasion était idéale et, en bon opportuniste, il ne l’a pas manqué.

Deuxième étape, la campagne des cantonales mais surtout, surtout le mini-remaniement opéré place Beauvau. La nomination de Claude Géant, ses dérives droitières, voire frontistes ont fini d’ouvrir la route à un départ de Jean-Louis Borloo, qui estimait que la droitisation du gouvernement n’était pas acceptable.

Dernier acte, donc, l’annonce publique sur le plateau « d’A vous de juger ».



Conséquences.
Quelles conséquences déduire du départ de Jean-Louis Borloo ?

Tout d’abord, et c’est important, les liens financiers demeurent. L’UMP continuera donc de verser sa quote-part au Parti radical. En effet, pas question de se lancer dans une bataille juridique pour l’application d’une convention entre deux partis, ce serait accroître les divisions alors que l’unité (ainsi que l’a encore rappelé François Fillon au lendemain de l’annonce du départ du Parti radical) est de mise. Et puis, Nicolas a besoin de Jean-Louis. Sa parade amoureuse autour de l’ex-ministre de l’environnement lors du lancement des travaux pour le canal Seine-Nord ne laisse pas de place au doute.

Ensuite, Jean-Louis Borloo est une personne versatile comme le montre ses décisions lors des campagnes présidentielles de 2002, mais surtout de 2007 lors desquelles il a plusieurs fois changé de poulain. A ce niveau, on se demande si ce divorce d’avec l’UMP se traduira par une candidature à l’élection présidentielle. Pour l’ancien maire de Valenciennes, il faut que la famille centriste présente un candidat, lui-même d’ailleurs n’exclut pas d’être candidat. A cette fin, Jean-Louis Borloo prévoit de lancer sa confédération des centres sur laquelle, nous reviendrons ultérieurement.

Enfin, on ne peut comprendre l’attitude de Jean-Louis Borloo que si on l’on sait que son intérêt principal est lui-même, pas sa candidature à l’élection présidentielle. Ainsi qu’il l’a rappelé à moults reprises lors de l’émission, son but est de faire. Son expérience valenciennoise, fort réussie de l’aveu même de ses opposants, est un modèle qu’il veut répliquer à la France entière. S’il faut s’allier à droite pour le réaliser, il s’alliera à droite. S’il faut s’allier au centre, il s’alliera au centre. Mais le climat étant orageux à droite et brumeux au centre, il convient de ne pas insulter l’avenir.


Que fait donc Jean-Louis Borloo ?
La réponse peut semble surprenante, mais il attend. Il attend que le paysage s’éclaircisse. Afin de se préserver, il a pris son indépendance, au moins formellement, par rapport à l’UMP. Ainsi, il n’est plus associé aux déclarations de plus en plus démagogiques de Claude Guéant, que Sarkozy doit regretter d’avoir nommé à l’Intérieur. Mais, il ne rejoint pas non plus le seul centriste qui ait eu le courage de rester indépendant, à savoir François Bayrou, pour pouvoir ne pas être impliqué dans une nouvelle déroute électorale potentielle. C’est que du côté des radicaux, on se souvient qu’en 2009 et en 2010, les scores du MoDem n’étaient pas fameux. Si les oranges ont repris des couleurs en 2011, il n’en reste pas moins incertain de miser sur un étalon au potentiel indéniable mais aux performances trop irrégulières pour que l’on puisse miser sereinement la boutique.

N’oublions pas non plus que ce positionnement a aussi l’avantage de permettre le ralliement d’autres personnes comme Rama Yade, voire de faire alliance avec un autre outsider comme Dominique de Villepin. Et ce n’est pas le rappel de paroles de Jean-Louis Borloo dans un obscur journal d’extrême droite en faveur d’une alliance avec le Front national, il y a 20 ans qui changeront la donne. En politique, les paroles s’envolent, mais les faits restent. Et, Jean-Louis Borloo n’a jamais fait alliance avec le Front national. Autre point important, le délai. 20 ans, en politique, c’est long. Rappeler donc des faits anciens sans réelle connexion avec la réalité peut causer beaucoup de soucis à l'auteur de l'attaque. François Bayrou s'en rappelle encore.


Conclusion.
Peut-on résumer le positionnement de Jean-Louis Borloo à ce départ ? Non, clairement non.

Jean-Louis Borloo, vieux renard de la politique, ne prend pas de réel risque. Il ne quitte ni le navire sur un radeau accompagné de clochards comme a pu le dire Jean-Luc Mélenchon qui lui a succédé sur le plateau de France 2, ni ne fait exploser la droite, mais préserve ses chances en même temps qu’il offre à la droite une possibilité de gagner en 2012 en voulant rétablir le schéma ancien RPR-UDF à droite. Car, que l’on ne s’y trompe pas. L’explosion factuelle de l’UMP peut être favorable à une réélection de Nicolas Sarkozy. En offrant une nouvelle diversité de l’offre politique à droite, Jean-Louis Borloo envisage de récupérer des voix qu’il négociera ensuite chèrement contre une place à Matignon au mieux, ou contre une clarification de la situation à droite au pire. On aurait en effet tort de considérer que « l’explosion » de la droite et sa déroute n’ait que des conséquences négatives sur le nouveau rassemblement de Jean-Louis Borloo.

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