La publication de l'appel d'offres sur l'éolien en mer avait pris des mois avant de devenir réalité fin 2010. A l'époque, les différents opérateurs de la filière interrogés sur ce point, répondaient souvent la chose suivante : l'essentiel était déjà joué puisque les zones favorables correspondaient peu ou prou aux projets et études déjà lancés par les principaux opérateurs. Dans le lot, on retrouvait ainsi la zone du Tréport, dont le projet était déjà fort avancé; le débat public requis ayant été clos peu avant la publication de l'appel d'offres éolien. C'est donc dans ce contexte qu'a eu lieu l'annonce de l'alliance entre Areva et le groupe GDF-Suez pour répondre à ce fameux appel d'offres.
Quelle logique industrielle ?
La réalité n'est un secret pour personnes, l'éolien en mer, plus encore que l'éolien terrestre est une affaire intensément capitalistique. Là, où il suffit de quelques millions voire dizaines de millions € pour des projets terrestres, les projets éoliens en mer se chiffrent en centaines de millions €. La taille des projets, plus importante, mais aussi l'expertise requise font mécaniquement grimper l'addition. Toutefois, les projets semblaient rester accessibles aux principaux développeurs éoliens installés en France comme Juwi, WPD ou encore Enertrag, opérateur du parc de Veulettes-sur-mer sans oublier « La compagnie du vent », opérateur du projet du Tréport. Cette dernière entité, filiale du groupe GDF-Suez est l'une des entreprises les plus avancées sur son projet en mer, et il est très probable que celui-ci sera retenu à l'occasion de l'appel d'offres en cours.
Dans l'optique de répondre au mieux à cet appel d'offres mais aussi dans un souci de rationalisation, le groupe GDF-Suez avait récemment annoncé le regroupement de ses différentes filiales dans les énergies renouvelables. Nouvelle étape cette semaine, puisque le groupe a annoncé avoir conclu un accord avec le groupe Areva dans l'éolien en mer. L'objectif est simple, allier les expertises des deux groupes pour avoir des chances accrues de décrocher la timbale lors de la première de l'appel d'offres portant sur une puissance totale de 3 GW.
A première vue, on pourrait penser qu'il s'agit de l'alliance de la carpe et du lapin. Que peuvent donc faire ensemble un spécialiste du nucléaire et un groupe fortement nucléarisé lui aussi, mais qui, de surcroît, est un des principaux acteurs mondiaux dans les énergies fossiles au travers de GDF. En réalité, l'accord entre les deux groupes n'est pas si étrange que cela. Le groupe GDF-Suez possède de nombreuses filiales dans les énergies renouvelables notamment dans l'éolien tandis que le groupe Areva dispose lui aussi de filiales dans le secteur.
Le groupe GDF-Suez dispose surtout d'opérateurs de production et de développeurs éoliens tandis qu'Areva peut compter sur des entreprises fabriquant des éoliennes adaptés à la production en mer. Pour l'un comme pour l'autre, ces spécialisations ont principalement été acquises par croissance externes :
- La compagnie du vent, Eole génération, Maia Eolis, Erelia, CN'Air pour GDF ;
- Multibird pour Areva.
Marché entre initiés ?
Il reste que l'alliance entre ces deux grands groupes ne laisse pas indifférent.
En premier lieu, parce que cela démontre que le gouvernement, actionnaire des deux entités, ne peut avoir été laissé à l'écart de cette décision. Auteur de l'appel d'offres, actionnaire à 34% de GDF-Suez et actionnaire direct ou indirect de plus de 88% d'Areva, l'État entend ainsi clairement lancer la filière en France, alors qu'il est accusé depuis l'adoption du Grenelle II de tout faire pour empêcher le développement des énergies renouvelables.
En deuxième lieu, parce que ce mouvement n'est pas isolé. Alstom et EDF-Énergies nouvelles, dont EDF a récemment acquis la totalité du capital, ont eux aussi conclu une alliance dans le secteur. Rien de surprenant là aussi à ce que ces groupes s'allient. Alstom dispose d'un savoir-faire reconnu dans le secteur de l'énergie puisque le groupe produit lui aussi des éoliennes de forte puissance et des turbines de qualité pour l'ensemble de la fiière.
EDF-Énergies nouvelles n'est pas plus inconnu. Acteur majeur dans les différentes énergies renouvelables en France, l'entreprise, filiale de l'opérateur historique, va clairement bénéficier du regain d'intérêts pour les énergies renouvelables de la part d'EDF suite à la catastrophe de Fukushima-Daichi et à la suspicion pour le nucléaire.
Mais, ces opérations ne vont pas tarder de faire réagir les entreprises du secteur et les associations. Certes, la constitution de ces deux pôles est une bonne nouvelle puisqu'ainsi, la France disposera au travers de ces deux consortiums de deux champions mondiaux. Néanmoins, les observateurs feront remarquer que ces pôles regroupent presque uniquement des opérateurs publics. Autre problème qui pourrait surgir à terme, ces consortiums ne regroupent que des grands groupes. On peut penser que le manque de flexibilité peut constituer un handicap en terme de réactivité.
Dernier point qui fera surtout réagir les associations, l'impression que tout sera décidé entre initiés et que les PME n'auront aucune chance d'obtenir une part du gâteau. Économiquement, ces alliances sont pertinentes mais en terme de communication, l'impact peut être négatif. Certes, l'alliance GDF-Suez - Areva sera probablement complétée par WPD, développeur reconnu et filiale d'un opérateur d'envergure sur le très concurrentiel marché allemand mais l'alliance est aussi en discussion avant avec le groupe de BTP Vinci. Objectif affiché : disposer rapidement de connaissances en matière de génie civil en mer.
Conclusion.
De cet évènement, une question se pose : l'alliance GDF-Suez - Areva est-elle une bonne chose ? A défaut d'avoir une réponse toute faite, la question mérite d'être posée. Pour les nécessaires réprobations qu'elle va soulever bien sur, mais au-delà, sur l'orientation de la politique industrielle française. La France doit-elle continuer à favoriser en permanence l'émergence de champions mondiaux ? Le contexte économique morose que traverse le pays montre les failles du modèle économique français. Ce modèle est basé sur de grands champions entouré d'une multitude de petites entreprises mais entre les deux, le vide se fait rudement sentir, notamment à l'export.
Or, c'est précisément à l'export, que l'Allemagne est un champion incontesté. L'absence d'un « Mittel stand » cosntitué de grosses PME exportatrices nuit à l'ensemble des entreprises. Aux grandes entreprises, puisque ces dernières ne disposent d'interlocuteurs suffisamment forts pour répondre à leurs besoins à court et moyen terme. Aux petites entreprises qui ne trouvent pas non plus de partenaires de taille adéquate pour les accompagner dans leur développement sans crainte de se sentir submergé ou la crainte de se faire écraser par les grandes entreprises.
L'État, enfin, car il parvient pas à équilibrer sa balance commerciale.
L'émergence de ce consortium est donc à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Il révèle la volonté de faire de la France, un pays tourné vers l'éolien en mer. Mais, il révèle aussi ses faiblesses à ce qu'une telle filière ait une existence pérenne et indépendante de l'initiative étatique.
Quelle logique industrielle ?
La réalité n'est un secret pour personnes, l'éolien en mer, plus encore que l'éolien terrestre est une affaire intensément capitalistique. Là, où il suffit de quelques millions voire dizaines de millions € pour des projets terrestres, les projets éoliens en mer se chiffrent en centaines de millions €. La taille des projets, plus importante, mais aussi l'expertise requise font mécaniquement grimper l'addition. Toutefois, les projets semblaient rester accessibles aux principaux développeurs éoliens installés en France comme Juwi, WPD ou encore Enertrag, opérateur du parc de Veulettes-sur-mer sans oublier « La compagnie du vent », opérateur du projet du Tréport. Cette dernière entité, filiale du groupe GDF-Suez est l'une des entreprises les plus avancées sur son projet en mer, et il est très probable que celui-ci sera retenu à l'occasion de l'appel d'offres en cours.
Dans l'optique de répondre au mieux à cet appel d'offres mais aussi dans un souci de rationalisation, le groupe GDF-Suez avait récemment annoncé le regroupement de ses différentes filiales dans les énergies renouvelables. Nouvelle étape cette semaine, puisque le groupe a annoncé avoir conclu un accord avec le groupe Areva dans l'éolien en mer. L'objectif est simple, allier les expertises des deux groupes pour avoir des chances accrues de décrocher la timbale lors de la première de l'appel d'offres portant sur une puissance totale de 3 GW.
A première vue, on pourrait penser qu'il s'agit de l'alliance de la carpe et du lapin. Que peuvent donc faire ensemble un spécialiste du nucléaire et un groupe fortement nucléarisé lui aussi, mais qui, de surcroît, est un des principaux acteurs mondiaux dans les énergies fossiles au travers de GDF. En réalité, l'accord entre les deux groupes n'est pas si étrange que cela. Le groupe GDF-Suez possède de nombreuses filiales dans les énergies renouvelables notamment dans l'éolien tandis que le groupe Areva dispose lui aussi de filiales dans le secteur.
Le groupe GDF-Suez dispose surtout d'opérateurs de production et de développeurs éoliens tandis qu'Areva peut compter sur des entreprises fabriquant des éoliennes adaptés à la production en mer. Pour l'un comme pour l'autre, ces spécialisations ont principalement été acquises par croissance externes :
- La compagnie du vent, Eole génération, Maia Eolis, Erelia, CN'Air pour GDF ;
- Multibird pour Areva.
Marché entre initiés ?
Il reste que l'alliance entre ces deux grands groupes ne laisse pas indifférent.
En premier lieu, parce que cela démontre que le gouvernement, actionnaire des deux entités, ne peut avoir été laissé à l'écart de cette décision. Auteur de l'appel d'offres, actionnaire à 34% de GDF-Suez et actionnaire direct ou indirect de plus de 88% d'Areva, l'État entend ainsi clairement lancer la filière en France, alors qu'il est accusé depuis l'adoption du Grenelle II de tout faire pour empêcher le développement des énergies renouvelables.
En deuxième lieu, parce que ce mouvement n'est pas isolé. Alstom et EDF-Énergies nouvelles, dont EDF a récemment acquis la totalité du capital, ont eux aussi conclu une alliance dans le secteur. Rien de surprenant là aussi à ce que ces groupes s'allient. Alstom dispose d'un savoir-faire reconnu dans le secteur de l'énergie puisque le groupe produit lui aussi des éoliennes de forte puissance et des turbines de qualité pour l'ensemble de la fiière.
EDF-Énergies nouvelles n'est pas plus inconnu. Acteur majeur dans les différentes énergies renouvelables en France, l'entreprise, filiale de l'opérateur historique, va clairement bénéficier du regain d'intérêts pour les énergies renouvelables de la part d'EDF suite à la catastrophe de Fukushima-Daichi et à la suspicion pour le nucléaire.
Mais, ces opérations ne vont pas tarder de faire réagir les entreprises du secteur et les associations. Certes, la constitution de ces deux pôles est une bonne nouvelle puisqu'ainsi, la France disposera au travers de ces deux consortiums de deux champions mondiaux. Néanmoins, les observateurs feront remarquer que ces pôles regroupent presque uniquement des opérateurs publics. Autre problème qui pourrait surgir à terme, ces consortiums ne regroupent que des grands groupes. On peut penser que le manque de flexibilité peut constituer un handicap en terme de réactivité.
Dernier point qui fera surtout réagir les associations, l'impression que tout sera décidé entre initiés et que les PME n'auront aucune chance d'obtenir une part du gâteau. Économiquement, ces alliances sont pertinentes mais en terme de communication, l'impact peut être négatif. Certes, l'alliance GDF-Suez - Areva sera probablement complétée par WPD, développeur reconnu et filiale d'un opérateur d'envergure sur le très concurrentiel marché allemand mais l'alliance est aussi en discussion avant avec le groupe de BTP Vinci. Objectif affiché : disposer rapidement de connaissances en matière de génie civil en mer.
Conclusion.
De cet évènement, une question se pose : l'alliance GDF-Suez - Areva est-elle une bonne chose ? A défaut d'avoir une réponse toute faite, la question mérite d'être posée. Pour les nécessaires réprobations qu'elle va soulever bien sur, mais au-delà, sur l'orientation de la politique industrielle française. La France doit-elle continuer à favoriser en permanence l'émergence de champions mondiaux ? Le contexte économique morose que traverse le pays montre les failles du modèle économique français. Ce modèle est basé sur de grands champions entouré d'une multitude de petites entreprises mais entre les deux, le vide se fait rudement sentir, notamment à l'export.
Or, c'est précisément à l'export, que l'Allemagne est un champion incontesté. L'absence d'un « Mittel stand » cosntitué de grosses PME exportatrices nuit à l'ensemble des entreprises. Aux grandes entreprises, puisque ces dernières ne disposent d'interlocuteurs suffisamment forts pour répondre à leurs besoins à court et moyen terme. Aux petites entreprises qui ne trouvent pas non plus de partenaires de taille adéquate pour les accompagner dans leur développement sans crainte de se sentir submergé ou la crainte de se faire écraser par les grandes entreprises.
L'État, enfin, car il parvient pas à équilibrer sa balance commerciale.
L'émergence de ce consortium est donc à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Il révèle la volonté de faire de la France, un pays tourné vers l'éolien en mer. Mais, il révèle aussi ses faiblesses à ce qu'une telle filière ait une existence pérenne et indépendante de l'initiative étatique.
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