Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

mardi 25 novembre 2008

Le président viole le droit au procès équitable.

Nicolas Sarkozy est comme chacun le sait impliqué dans l'affaire Clearstream en tant que victime et partie civile. Cela a commencé avant son mandat mais la poursuite de cette affaire maintenant qu'il est président pose problème. En effet, le président est selon l'article 5 de la Constitution

"Art. 5. - Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.

Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités."

En tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, il préside l'instance disciplinaire des magistrats et selon l'article l'article 13 de la Constitution nomme aux postes de hauts fonctionnaires de la République.

Il doit donc en principe être le garant de la Constitution et ne pas interférer dans le fonctionnement de la justice.


Loin de se dégonfler, ne respectant pas la Constitution, notre président est intervenu pour prolonger un juge dans ses fonctions alors que ce dernier devait être muté sur Montpellier.

Ce fait, en soi banal dans un autre contexte (on peut comprendre que pour des raisons pratiques, il faille retarder le départ de tel juge à des fins de bonne administration de la justice), ne l'est pas ici. Car le juge en cause est le juge Pons qui est un des 2 juges d'instruction de l'affaire Clearstream dans laquelle (comme je l'ai dit plus haut), notre président est partie à l'instance.

Il y a donc confusion des genres. Le président partie civile a prolongé par décret les fonctions d'un juge dans un affaire où il est directement concerné violant en cela la Convention européenne des droits de l'homme en son article 6 paragraphe 1 qui dispose, je cite :

"Article 6 - Droit à un procès équitable
1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant
et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être
rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être
interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du
procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité
nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des
mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent,
ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque
dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter
atteinte aux intérêts de la justice."

et de préciser en son paragraphe 2 :
"2 Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente
jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.".


Le président en intervenant pour prolonger les fonctions d'un juge dans une affaire où il est parti a interféré dans le bon fonctionnement de la justice alors qu'il est sensé garantir son impartialité.

Or, cette condition d'impartialité est une condition essentielle mentionnée dans l'article 6 §1 que la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg applique avec une grande sévérité.

Mais le président de la République est protégé par son immunité durant toute la durée de son mandat. On ne peut donc tenter de le faire condamner. Que faire alors ?

Entamer une procédure pour détournement de pouvoir devant le Conseil d'État comme le fait M. de Villepin actuellement. Cette procédure particulièrement difficile à mettre en place, consiste à précisément démontrer publiquement ce qui est caché, le juge administratif français est très exigeant et demande des preuves et ne se satisfait pas de simples présomptions. S'il gagne, M. de Villepin pourra faire annuler le décret pris par le président de la République. Il ne pourra cependant pas condamner M. Sarkozy car celui-ci est protégé par son immunité présidentielle. Il faudrait donc attendre 2012 au moins avant de voir condamner personnellement le président.




dimanche 9 novembre 2008

La réforme pour plus de liberté, vraiment ?

Une réforme discutée.
Voici quelques temps, notre cher et aimé ministre de l'éducation Nicolas Sarkozy,

(Excusez-moi, on me signale dans l'oreillette que le ministre s'appelle Xavier Darcos),
Xavier Darcos donc a proposé de réformer le lycée. Fort bien, cela fait longtemps que la chose est en gestation.

Penchons-nous sur le contenu du paquet cadeau, à l'intérieur de 2 grosses surprises et quelques babioles :
- le passage de 3 trimestres à 2 semestres pour faire comme à la fac ;
- la réduction du nombre d'heures d'enseignement général au profit de modules d'ouverture;
- la suppression des différentes filières S, ES et L pour que chacun puisse avoir la formation qu'il lui convient.

Super se dit le quidam qui voit cela.
Voyons cependant les choses dans le détail. Les mesures de la réforme de M. Darcos sont avant tout orienté par un but : donner plus de liberté aux lycéens et apporter une certaine souplesse au régime d'enseignement lycéen.

Les problèmes que posent la réforme.
Cependant cette réforme souffre de 2 écueils, elle ne prend pas en compte les avis des syndicats de lycéens, d'enseignants et de parents d'élèves et se calque sur le modèle américain en voulant copier la fac.

Le 1er écueil est classique de la présidence Sarkozy (et en général de la tradition gouvernementale française), il s'agit de la non-consultation des principaux intéressés. Au lieu de négocier avec les personnes concernées ce qui prend beaucoup de temps mais se révèlent au final plus efficace et durable pour la réforme, le ministre de l'Éducation M. Sarkozy (ah on me resignale que le ministre est M. Darcos. C'est sur ? On me répond que oui), M. Darcos donc ne consulte pas et selon la tradition française lance son bébé et attend de voir les réactions si les personnes dans la rue descende massivement on retire le projet, moins, on passe en force, rien, on passe sans faire de remous. Cette réforme en choisissant une telle voie est à mon avis vouée à échouer surtout vu les délais que s'impose le ministre avec une application à la rentrée 2009, ce qui compte tenu des délais pour produire les actes réglementaires d'application de la réforme revient à faire passer le projet en urgence au Parlement et donc d'éviter l'étape du débat.

Le 2e écueil est la volonté d'introduire un fonctionnement de type universitaire dans les lycées copiant en cela la modèle américain et le modèle allemand. En clair, le volume des enseignements obligatoires va diminuer pour favoriser le choix de modules par les lycéens selon leurs préférences. Ceci s'accompagnant de la suppression des différentes filières spécialisées (S, ES et L). Devant la levée de boucliers qui a suivi l'annonce de la réforme sur ce point, le ministre a déclaré que les ensignements obligatoires ne seraient pas très impactés et que les choix seraient limités.

Cependant, cela constitue un dangereux précédant puisqu'une fois la boîte de Pandore ouverte, il sera très difficile de la refermer. La France est reconnue pour l'excellence de sa formation généraliste qui donne des bases solides en culture générale à ses jeunes, c'est aussi un des seuls voir le seul pays à ma connaissance à enseigner l'art de la pensée critique qu'est la philosophie.
Le ministre veut diminuer le nombre d'heures d'enseignements obligatoires mais veut en même temps augmenter la polyvalence des lycéens ce qui est à mon avis contradictoire.

La 1ière version de la réforme envisageait de faire passer les mathématiques en 1ière en option, même régime pour les SES (sciences économiques et sociales) qui seraient dissociées en économie et sociologie alors même que le contexte actuel nous montre de façon éclatante que les deux sont intimement imbriqués.

La 2e version maintient la division des SES mais réintègre les mathématiques dans le corpus général sans changer le nombre d'heures attribuées aux enseignements généraux ce qui risque de poser problème, quel matière sera évincée ? L'éducation civique alors que l'on demande à l'école d'inculquer les valeurs de la république aux français, le français alors que l'on constate que le niveau de pratique et l'orthographe du français est problématique pour nombre de lycéens, les langues alors que les français sont dans le bas de classement en matière de pratique des langues étrangères ?


Une réforme liberticide et inégalitaire.
Cependant plus que toutes ces mesures pratiques, c'est la motiviation qui est soutenu pour la réforme qui est problématique. Si la volonté de donner plus de souplesse au lycée semble louable, c'est surtout le volonté de donner aux lycéens, je cite "plus de liberté" qui est problématique. Le ministre souhaite calquer le lycée (au moins en partie) sur l'université.
Or, l'université déjà mal dotée financièrement (c'est un très grand problème) doit faire face à l'échec important des étudiants en licence ce qui a d'ailleurs motivé "le plan réussite Licence" de Mme Pécresse, collègue de M. Darcos. Cet échec est dû l'absence de connaissances des filières de la part des lycéens qui se retrouvent perdu dans le labyrinthe de la fac' (comme je l'ai été moi-même). Les lycéens, livrés à eux-même ne savent pas quelles options choisir pour leur avenir et pour réussir dans le domaine qu'ils souhaitent.

Les universités sont donc contraintes de mettre en place des cours de tutorat exercés par des étudiants en M1 et M2 (anciennement maîtrise et DESS), comme cela m'a été proposé. Cette initiative, excellente se heurte au manque de moyens des facultés car il faut bien rémunérer les étudiants qui donnent de leur temps.
Les universités mettent aussi en place pour certaines des années de formation en culture générale comme il en existe au sein de certaines ou dans quelques IEP (instituts d'études politiques) afin de combler les lacunes en culture générale de certains étudiants et de leur fournir les armes nécessaires pour réussir leur formation.

Comme je viens de le démontrer, les étudiants ne sont pas vraiment libres et sont pour certains liés aux choix de leurs options en 1ière ou 2e année de fac'. Imposer ce système au lycée est du pur suicide car cela est liberticide et risque de conduire nombre de lycéens au casse-pipe. Ceux qui s'en sortiront seront ceux dont les parents seront derrière pour imposer le choix de matières que les lycéens n'apprécient pas forcément mais qui leur seront utiles dans le futur afin de leur permettre de réellement choisir le métier de leur choix. Ou encore, les lycéens qui auront des difficultés et dont les parents ont les moyens se verront offrir des cours de soutien et mise à niveau pour réussir dans les modules généraux ou à option choisis utiles dans le futur, cela renforcera une inégalité actuelle entre parents aisés et parents pauvres, ce qui est en partie contenue par le système actuel.
Voilà donc pour moi, les explications qui font que cette réforme est une mauvaise réforme qui sera voué à l'échec.

Et à l'avenir ?
François Bayrou répète à loisir et à qui veut l'entendre que nous sommes dans un monde d'inégalités croissantes, si j'étais d'abord sceptique au début, je me rends compte que finalement c'est réellement ce qui ce passe.

La question qui se pose maintenant est : le président de la République sera-t-il assez lucide pour abandonner ce projet et écouter les principaux intéressés ?
Nul le sait, mais le pire semble à venir.

mercredi 5 novembre 2008

Change can happen

Il pouvait le faire. C'était son leit-motiv : "Yes we can !" and he does.
L'élection de Barack Obama marque un tournant dans la politique américaine et dans l'approche vis-à-vis du reste du monde. Barack Obama est le symbole de l'arrivée d'une nouvelle génération politique au pouvoir devant le symbole de l'élection d'un noir comme président.
Les américains en avaient marre de Bush qui les a conduit dans le mur avec une politique économique désastreuse, ceci conjugué aux errements de la campagne de John Mc Cain qui avait suspendu sa campagne pour s'occuper de la crise et qui n'a rien proposé de neuf.

Les raisons d'un succès.
Contrairement à ce qu'on lui avait proposé au début, Barack Obama a fait campagne dans tous les États au lieu de se concentrer sur quelques États, cette stratégie combiné à une excellente utilisation du web pour transformer des supporters en "volontaires" actifs sur le terrain expliquent ce succès. La volonté d'un rééquilibrage après les excès de la présidence Bush a beaucoup pesé et ne nous en cachons pas la crise a beaucoup aidé Barack Obama. Même si les démocrates évitent de le dire ouvertement cette crise économique a permis à Obama de se différencier nettement de son adversaire qui ne trouvait pas vraiment de solution que de dire d'Obama que c'était un socialiste (une insulte aux États-Unis !), ce qui ne manque pas de sel lorsque l'on sait que Bush a nationalisé de fait plusieurs banques et l'assureur AIG (le plus gros du monde), d'en faire des tonnes du côté du patriotisme, et surtout le coup de "Joe le plombier" qui ne s'appelle pas Joe, n'est pas plombier, et aurait été largement bénéficiaire du plan économique d'Obama alors que Mc Cain disait le contraire.

Autre élément : Sarah Palin.
Si au début, elle a pu apparaître comme un joli coup. Mc Cain a dû faire avec son inexpérience patenté en matière de politique étrangère et de défense. Ce choix a aussi conduit des électeurs républicains dans les bras des démocrates, Sarah Palin apparaissant comme un choix caricatural pour s'attirer le soutien des évangélistes américains. Nombre de partisans républicains ont refusé de voter "pour cette bigotte intégriste". L'effet boomerang en fait !

Ce qu'il reste à faire.
Si Barack Obama a gagné la présidence et remporter les chambres, reste à savoir précisément quelle sera l'étendue de sa majorité. Si les démocrates arrivent à obtenir 60 sièges au Sénat, il pourront passer par dessus la procédure de "filibuster" qui permet à 40 sénateurs d'empêcher qu'un projet soit soumis au vote ce qui a été le cas du "Hillarycare" sous la présidence Clinton.
Tout n'est pas encore fait, même si le plus dur a été réalisé.

Quelles conséquences pour nous européens ?
Ne nous trompons pas ! Si l'élection d'un grand changement dans la politique américaine intérieure, ce n'est pas pour autant la révolution. Ceci est d'autant plus visible pour la politique étrangère des États-Unis. Pour l'Irak, aucun calendrier de retrait n'est prévu. Pour l'Afghanistan, Obama souhaite comme son prédecesseur une augmentation du nombre de soldats européens présents là-bas alors même que la négociation avec le front hétéroclite des talibans, il convient de diviser ce front en ralliant les nationalistes au processus démocratique en Afghanistan ce que ne souhaite pas Obama.
Les États-Unis veulent toujours installer des batteries antimissiles et des bases militaires en Europe de l'Est et le soutien à Israël est toujours sans faille.

La question qui se pose maintenant est de savoir si Obama saura se détacher des Américains pour agir de façon pragmatique.

Pour résumer, si Obama sait parler aux européens, il ne pense pas pour autant européen et reste avant tout un américain qui fera passer les intérêts nationaux avant tout.