Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

dimanche 5 avril 2009

"La France est de retour dans l'OTAN."


"La France est de retour dans l'OTAN". Voilà, ce que nous répète depuis plusieurs jours Nicolas Sarkozy. Encore ce dimanche midi, dans une entrevue complaisante réalisée du président par Claire Chazal. Le président de la République l'a répété "la France reprend pleinement son rôle dans l'OTAN".
Mais avant de voir si la France l'avait quitté, il semble important de revenir sur la situation qui existait depuis plusieurs décennies avant.

Pourquoi la France n'était plus dans le commandement intégré ?
L'OTAN a été créé le 04 Avril 1948 par le traité de Bruxelles. Ce traité organisait l'alliance entre 5 pays européens dont la France et les États-Unis et le Canada. Le traité tirait son nom du fait que les membres fondateurs avait tous un littoral plus ou moins Atlantique. A la même période est née l'Union occidentale entre ces mêmes pays européens mais cette fois sans les nord-américains. La différence entre les deux traités et que l'assistance est automatique en cas d'attaque d'un des membres de l'UO alors que cette disposition n'est pas automatique dans le cadre de l'OTAN.

Le but initial de l'OTAN était de se protéger contre la menace que représentait le bloc communiste. Tout allait parfaitement, jusqu'au moment où le général de Gaulle décide de faire sortir la France du commandement intégré. Cette décision remonte en fait à 1958 peu après son retour au pouvoir. Le général de Gaulle demande un rééquilibrage au sein de l'OTAN alors dominé par les américains et les britanniques et demande un triumvirat pour diriger l'alliance. Bien entendu, il sait que sa requête sera rejetée, et il retire progessivement les forces militaires françaises du commandement intégré de l'OTAN, d'abord la marine puis il exige le retrait des armes nucléaires étrangères du sol français. Progressivement, la France reprend son "indépendance militaire". La rupture est consommée le 07 Mars 1966, le siège de l'OTAN part de Paris pour s'installer à Bruxelles et toutes les troupes américaines quittent la France.
Cette décision d'importance est certes prise dans un but d'indépendance réaffirmée, le général de Gaulle n'acceptant pas que la France soit dans la situation d'un pays "occupé" par des forces étrangères, mais surtout ce mouvement s'inscrit alors le général lance le programme nucléaire français et dans le même temps lance un grand plan pour moderniser l'armée française.
Cette rupture vis-à-vis des États-Unis et de l'OTAN se retrouve d'ailleurs dans la fameuse phrase "Mon verre est petit mais je bois dans mon verre".

Cette démarche s'inscrit aussi dans un contexte militaire assez chaud, guerre de Corée, du Vietnam, crise des missiles à Cuba, problèmes dans lequel le général de Gaulle ne souhaite pas mêler la France de près ou de loin. Après des débuts difficiles, chaque partie s'habitue à cette nouvelle situation et s'en accomode. Le temps passant, on trouve des moyens pour concilier cette indépendance de la France avec les problématiques opérationnelles notamment sous Mitterand et Jacques Chirac. Mais pas de remise en cause du principe.

Finalement, la France y a gagné un statut spécial faisant parti du bloc occidental mais prenant ses décisions et en assumant les responsabilités. C'est le premier pays occidental à reconnaître la Chine communiste. Au niveau diplomatique, ce positionnement permet à la France d'être un acteur important sur la scène international. Les autres pays savent que la France défend les valeurs occidentales mais qu'elle n'est pas soumise à l'oncle Sam ce qui lui permet de jouer un rôle important d'intermédiaire. Bref, tout le monde se satisfaisait de ce positionnement qui avait encore joué à plein lors du déclenchement de la guerre en Irak en 2003. N'oublions pas que la France avait menacé d'opposer son veto à une résolution légalisant l'invasion du pays au Conseil de sécurité. On connaît la suite invasion et guerre illégale suivi d'une révélation des faux motifs d'entrée en guerre et du bourbier dans lequel sont encore les américains.
Sarkozy lui-même déclarait être contre la guerre en Irak alors qu'intérieurement il était Nulle remise en cause de ce statut jusqu'en 2008. Là, le président Sarkozy déclare vouloir faire rentrer pleinement la France dans l'OTAN.


"La retour ?", avantages et inconvénients.
Avant tout, et je viens de le dire, il faut savoir que la France n'a pas réellement quitté l'OTAN. Elle n'était pas dans le commandement intégré, en clair les troupes françaises étaient sous les ordres d'un commandement français et la France intervenait dans une opération si elle le souhaitait. La France n'était donc pas en dehors de l'OTAN mais bien à l'intérieur mais avec une certaine liberté. Le président Sarkozy a donc décidé de réintégrer ce commandement intégré.

Qu'est-ce que la France y gagne ?
A vrai dire, peu de choses, elle obtient 2 commandements dans l'alliance dont un à Norfolk en Virginie et ... C'est tout ! Oui, rien de plus.
Le président Sarkozy argue que c'est la contrepartie du développement de l'Europe de la défense. Or, si tout le monde s'accorde à développer l'Europe de la défense, les américains n'exigeaient en rien le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. L'aurait-il exigé que cela ne devait pas avoir de conséquences. Ce serait conférer aux américains un rôle dans la politique intérieure de l'Union européenne, l'Europe n'est pas le 51e État américain !
Les américains avaient d'ailleurs bien compris la position de la France et l'avait accepté, la toute nouvelle administration voyait même d'un très bon œil la construction d'une Europe de la défense plus intégré et se donnant les moyens de ses ambitions et cela pour libérer des moyens et des troupes dont a bien besoin l'oncle Sam.

Qu'est-ce que la France y perd ?
Sur le plan militaire, elle perd l'indépendance et l'autonomie sur ses forces militaires. Elle sera obligée de participer à toutes les opérations de l'OTAN.
Sur le plan diplomatique, elle y perd énormément. Alors qu'avant France et OTAN étaient 2 termes différents, assurant à la France une liberté de parole et de ton, ainsi qu'un prestige international énorme, la "réintégration" bazarde le tout au nom de "l'amitié franco-américaine" et pour "mettre fin à une hypocrisie".
Ce terme "hypocrisie" est un classique de la rétorique sarkozienne. Quand un projet restreint les libertés démocratiques, et rencontre l'hostilité de la majorité de la population et de la classe politique, on dit que l'on met fin à l'hypocrisie. Ainsi, on passe en force sans écouter l'opposition ni même son propre camp.
En résumé, la France perd sa liberté et son positionnement unique qui faisait d'elle un partenaire spécifique au plan international. Lorsque les États-Unis ne pouvaient ou ne voulaient dialoguer avec un État ou même quand une nation voulait négocier avec l'occident sans passer par les États-Unis la France était l'interlocuteur qu'il fallait. Ce positionnement lui permettait d'avoir de défendre des valeurs historiques. Ce fut notamment le cas en 2003 lors de la guerre en Irak. La France avait symbolisé le refus de l'écrasante majorité des opinions publiques mondiales de cette guerre illégale et inutile qui plongerait le Moyen-Orient dans un période de forte instabilité. Malheureusement, la France a eu raison et le terrorisme a proliféré plutôt que de disparaître.

Cette décision s'accompagne aussi d'une autre plus discrète. Le président de la République surnommé "Sarko l'américain" depuis ses vacances à Wolfboro a fait de la France un soutien à Bush alors que tout le monde le quittait. Obama a depuis remplacé le texan et Sarkozy s'est adapté, pas sa politique. En effet, la France a nommé le député Pierre Lellouche comme émissaire français pour la guerre en Afghanistan. L'homme est l'équivalent néo-conservateur de Richard Perle, il soutenait la guerre en Irak (et la soutient toujours) et défend un positionnement bushiste sur la question afghane. C'est donc la nomination qu'il fallait éviter mais qui révèle bien la façon de fonctionner de Nicolas Sarkozy.

Avec le retour dans le commandement intégré, la France a donc vendu son indépendance et tout ce qui va avec pour rien. Et jusqu'en 2012 au moins, sera le subalterne des américains.

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