Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

samedi 2 mai 2009

Albanel sur HADOPI : « L’accès à Internet n’est pas une liberté fondamentale ».

Mercredi dernier, Christine Albanel était l’invité de l’émission « Question d’info » sur France Info alors que le projet de loi HADOPI pourtant repoussé par l’Assemblée nationale dans des conditions dont il a largement été fait écho. Qu’à cela ne tienne par la volonté présidentielle, alors que le texte est rejeté par les députés socialistes, par le Mouvement démocrate, par des députés souverainistes et par une partie de l’UMP, le texte revenait à l’Assemblée nationale dans la même forme selon laquelle il avait été rejeté. Plutôt que de tenter de comprendre les raisons profondes qui ont poussé les députés UMP à être absent, l’UMP a battu le rappel pour rameuter les députés UMP. Mme Albanel dont on se demande si elle utilise Internet et si elle connaît que les bases de l’informatique nous informe que dans cette émission car « il y a urgence » et d’arguer que « la mobilisation du monde culturel est toujours plus forte ».

Effectivement, la mobilisation du monde culturel s’intensifie mais CONTRE le projet. Si les maisons de disque que via leurs groupes de pression sont à l’origine du texte discuté, les artistes eux, se mobilisent contre ce projet qui ne soutient en aucune manière la création. Des appels ont été lancés par des artistes contre ce texte liberticide et obsolète avant même son vote.
La Quadrature du Net, association qui est en 1ière ligne contre ce projet a lancé immédiatement après le rejet et l’annonce du nouveau passage du texte à l’Assemblée un wiki pour vérifier qui sont vraiment les 10 000 artistes et créateur de la pétition soutenant HADOPI. Premier constat d’étape : la plupart des personnes inscrites sont des salariés ou des personnes apparentés aux maisons de disque, certains artistes ont même été inscrit à leur insu et réfute soutenir le texte.

« Les députés seront là ! ».
Pas offusquée pour un rien, Mme Albanel estime que l’échec de son projet de loi est davantage le fait de l’absentéisme des députés UMP que de son contenu. Pourtant, un récent sondage IFOP montre que le texte est massivement rejeté par les français. Cela n’empêche pas la ministre de dire que le texte « bénéficie d’un fort soutien », ce qui est bien évidemment le contraire. Et de poursuivre que « 95-96% du monde du cinéma et de la culture sont à mes côtés ».
Bizarrement, le monde du cinéma est un des milieux culturels qui a montré le plus de réticence. Catherine Deneuve ainsi que plusieurs personnalités connues ont en effet approuvé un texte qui dénonce le projet HADOPI et demande une réelle concertation et l’élaboration d’un nouveau mode de rémunération des artistes.
« Ce n’est pas une loi liberticide, c’est une loi pédagogique ! » Mais bien sur ! Je savais que la mauvaise foi existait mais là il y a des limites ! La loi est bien évidemment liberticide puisqu’elle remet en cause le droit d’accéder à Internet qui est devenu LA source d’information devant la télévision et les journaux. J’utilise moi-même intensément ce moyen pour recouper les informations que je trouve dans la presse et je trouve que depuis l’élection de Nicolas Sarkozy c’est le moyen qui me garantit l’accès à une presse indépendante. Internet a d’ailleurs fait émerger des médias qui n’existent que sur ce support. Priver d’accès Internet, c’est priver de l’accès à ces médias.
Ensuite, je le rappelle il est impossible de contester avant d’être sanctionné, il n’y a pas de recours à la profession d’avocat et l’on ne peut contester les « preuves » avancées par la police privée des maisons de disque puisque la ministre impose le recours à l’adresse IP dont on sait pertinemment qu’elle ne peut servir de moyen de preuve indiscutable.


« L’offre légale qui augmente est une réalité ».

Certes, mais à qui la doit-on principalement ? A Apple qui a établit un système fermée qui contraint l’internaute à la vente liée. Depuis, la loi DADVSI est passé par là pour légaliser le recours aux DRM et autoriser les milices privées des groupes de pression de l’industrie du disque. Quelques temps après, on a constaté que les DRM freinaient le développement des offres légales et ont été abandonnées. Pourtant lors de l’adoption de ce texte, on reprenait les mêmes arguments : « cela va développer l’offre légale ».

« Les accords ont été signés par tous y compris les FAI ».

Ce qu’oublie de dire la ministre c’est qu’on fait signer les FAI le couteau sous la gorge un texte très différent de celui qui est devenu ensuite le texte HADOPI.


« C’est un mouvement qui est lancé dans le monde entier, dans l’Europe entière ».

Le mouvement est effectivement lancé dans le monde entier mais dans un sens très différent de celui voulu par Mme Albanel. De nombreux pays qui avaient envisagés suite aux mêmes impulsions des groupes de pression des industries du disque et du cinéma de mettre en place de tels systèmes les ont abandonnés. Il en est ainsi de la Nouvelle-Zélande qui a abandonné son projet. La plupart des choses qui se construisent dans le domaine vont à l’encontre du projet HADOPI.


Et l’Europe dans tout ça ?

Interrogée sur l’impact possible de l’amendement 138 sur le texte, Mme Albanel invoque que le Conseil de l’Union soutient la position française. C’est partiellement vrai. D’abord, parce que la France fait un forcing colossal pour faire adopter une version vidée de son sens de l’amendement promettant le refus de l’adoption du Paquet Télécom très attendu par les États-membres si l’amendement survivait en l’état dans lequel il a été voté. Évidemment le Parlement y est opposé et l’a fait savoir à plusieurs reprises. Et comme le paquet télécom est dans le champ de la codécision, le paquet télécom doit être adopté avec l’amendement voté par le Parlement.

Le Parlement européen, un Parlement qui fait son travail.

Dénonçant une « instrumentalisation » contre son texte, Mme Albanel réfute l’argumentation invoqué par le Parlement européen. Évidemment, du point de vue français, la chose peut choquer : un Parlement qui fait son travail ? Quelle horreur ! Tandis que le Parlement français reste de machine à approuver les textes du gouvernement, au Parlement européen, on travaille, on amende, on propose, ce qui semble choquer la ministre habituée à ce qu’un parlement soit aux ordres.
Jugeant que l’amendement n’a rien à voir avec le texte, elle déclare « douter que l’amendement reste ». C’est mal connaitre le Parlement européen, particulièrement vigilant sur les droits et libertés fondamentales. Estimant que son texte ne concerne aucune liberté fondamentale, elle ne semble pas trop s’inquiéter pour son texte. Et pourtant ! C’est à croire que Mme Albanel ne vit pas dans le même monde que nous. Alors qu’Internet est le 1er moyen où les personnes viennent s’informer, elle oublie que le droit à l’information est un droit fondamental. La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) ne se contente pas d’ailleurs de vérifier les atteintes aux libertés fondamentales mais aussi leur proportionnalité, et à titre personnel, je doute que les juges de Strasbourg laissent passer le fait qu’une personne soit privée d’un moyen qui lui assure l’essentiel de l’exercice de son droit à l’information.

« En réalité, l’opposition au texte est faible ».

Ce n’est pas vraiment ce que j’ai vu lors du 1er vote, ce n’est pas non plus ce qui ressort des différentes enquêtes sérieuses menées sur le sujet, c’est encore moins le cas quand on voit toutes les personnes qui se mobilisent contre ce texte.
Enfin, interrogée sur la violation par l’UMP des droits d’auteur du groupe MGMT sur sa chanson « Kids », la ministre s’en sort par une pirouette.

Conclusion.

Mme Albanel dans cette entrevue accordée à une radio publique s’est montré d’une mauvaise digne des plus gros mensonges soviétiques. Mme Albanel n’utilise pas ou peu Internet et ça se voit. Malgré toute l’opposition qui se renforce chaque jour, elle persiste à aller vouloir aller dans le mur. Cette attitude se retrouve d’ailleurs dans les propos de M. Copé pour qui la teneur du texte ne compte maintenant plus, que le problème est plus question de fierté gouvernementale qu’autre chose. La bataille n’est pas pour autant terminée puisque ce même 29 Avril, le Parlement européen a accepté une version vidée de son sens de l’amendement 138. Seul un vote en plénière sur la version originale de l’amendement semble maintenant permettre de sauver la liberté des européens d’accéder à Internet.



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