samedi 15 août 2009
Fruits et légumes. Un remboursement qui suscite la colère.
Voilà quelques semaines que la Commission européenne a demandé à la France de se faire rembourser les aides que le ministère de l’agriculture a versé aux producteurs de sa filière fruits et légumes. Depuis, les passions se déchaînent car la filière française de fruits et légumes traverse une nouvelle période de crise due à des récoltes exceptionnelles conséquence d’un temps très favorable à tel point que le gouvernement a dû autoriser les ventes au déballage sur les aires de stationnement des grandes surfaces pour écouler les surplus et limiter les dégâts. Dans le même temps donc, la ministère de l’agriculture a révélé qu’elle allait devoir demander aux producteurs de fruits et légumes de rembourser des aides perçues entre 1992 et 2002 pour un total compris entre 500 et 700 millions € si on tient compte de l’inflation. Mais la nouvelle crise et le temps rendent la chose difficile.
Depuis, on assiste à nombre de réactions outrées sur le fait que la filière française de fruits et légumes déjà en situation difficile doive rembourser des aides perçues pendant 10 ans. Si on peut comprendre que la chose soit très difficile voir impossible pour nombre de producteurs, il convient d’étudier la question avec un peu plus d’attention et ne pas se limiter à des discussions de café du commerce.
Car il faut bien voir que le problème est un peu plus complexe qu’une simple demande de remboursement et se poser les bonnes questions.
Pourquoi la Commission réclame le remboursement des aides ?
Est-ce une conséquence de l’ultralibéralisme supposé de la Commission ?
La concurrence est-elle faussée ?
Les producteurs doivent-ils rembourser ? Le peuvent-ils ?
Pourquoi la Commission réclame le remboursement des aides ?
Un État-membre doit avant toute mesure pécuniaire de soutien, présenter le procédé à la Commission qui doit l'avaliser pour que celui-ci soit régulier. Cette vérification permet de lutter contre les égoïsmes nationaux des États et de garantir l'égalité des producteurs au niveau européen.
Cette procédure a priori vise précisément à éviter la situation à laquelle nous sommes confrontés. La France a omis de notifier le procédé et après s'en être aperçu n'a pas tenté de régulariser sa situation, laissant traîner l'affaire pendant 10 ans. L’État français a donc sa part de responsabilité dans l’affaire.
Est-ce une conséquence de l'ultralibéralisme supposé de la Commission ?
Clairement non, la Commission ne fait qu'appliquer le droit en vigueur et exercer la surveillance. Surveillance qui est une de ses compétences en tant que gardienne des traités et régulateur du marché unique. Il ne s'agit donc pas d'une mesure ultralibérale mais d'une simple application du droit. La France était en infraction selon le droit communautaire, elle le savait et n'a pas tenté de régulariser la situation malgré les demandes de la Commission qui a donc en conséquence sévi.
Ce n’est pas la 1ière fois puisque la France a déjà été condamnée dans des situations similaires dans l’affaire dite des « vaches corses » ou à propos des fraises espagnoles.
La concurrence a-t-elle été faussée ?
Oui et non. Oui, si on se base uniquement sur le processus d'attribution des aides qui sont réservées aux nationaux et pas à tous les acteurs du marché. Or, une aide est considérée comme un facteur faussant la concurrence si elle ne s’applique qu’aux nationaux. En l’espèce, c’est le cas. La Commission est donc fondée à demander un remboursement sur la base de la politique communautaire.
Non, puisque cela doit respecter le principe de proportionnalité. De fait, la différence de niveau de vie et de développement plaide en faveur des agriculteurs français. En examinant les structures de coût, les producteurs français ont des coûts supérieurs, les aides peuvent donc être considérées comme une mesure d’adaptation visant à réguler la production française et le marché.
Les producteurs doivent-ils rembourser ? Le peuvent-ils ?
Oui, c'est impératif. Selon le droit communautaire, ils ont perçu un avantage indu en argent par rapport aux autres producteurs et doivent le rembourser. Normal et logique.
Est-ce seulement réaliste ? Difficile à dire ! Pour les plus gros, ça ne devrait pas être un problème mais pour la plupart des producteurs, qui sont des petits exploitants, ce sera très difficile à moins de porter une sérieuse atteinte aux marchés concernés et de mettre en danger la filière française de fruits et légumes qui traverse une phase très difficile. Il semble donc intéressant de négocier avec la Commission des pénalités au lieu de ce remboursement qui soit est impossible, soit porte une atteinte grave au secteur concernée.
Conclusion.
Au final, la France savait qu’elle devait notifier mais a continué malgré cela. C’est donc le gouvernement français qui est en tort et les victimes collatérales que sont les producteurs qui doivent rembourser sont fondées à engager sa responsabilité pour obtenir réparation du préjudice subi. En cherchant plus loin, il est essentiel de noter que ce genre de situation n’est que la conséquence de la PAC qui en l’état actuel des choses s’engage dans un processus de renationalisation au détriment de l’intérêt commun des producteurs européens. A vouloir trop économiser sur le budget européen consacré à la PAC, les États-membres risquent de s’engager dans une surenchère nationale néfaste au marché commun. La réforme de la PAC pour 2013 est l’occasion de changer la situation et d’éviter que ne se reproduisent de tels évènements.
La Commission européenne n'est pas le grand méchant à qui on essaie de faire porter le chapeau mais fait simplement son travail qui est d'appliquer le droit communautaire qui dans le domaine agricole est décidé par le Conseil de l'Union européenne qui réunit les États-membres.
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2 commentaires:
Merci pour cet article qui remet les pendules à l'heure !
J'ai été un peu choquée ces jours-ci par un billet écrit par des jeunes du Mouvement Démocrate qui allaient dans le sens de la démagogie qu'on nous sert tous les jours et applaudissaient la France qui avait fait ce qu'il fallait pour ses producteurs !
Je viens également de lire, dans la presse locale, un article affirmant qu'il est normal et souhaitable de violer les règles communautaires, rien de moins !
C'est vrai que nous avons besoin d'un véritable budget communautaire qui permette des politique ambitieuses et solidaires : nous attendons tant de l'Europe mais nous lui accordons si peu!
Mais nous avons aussi besoin, de toute urgence, que l'Europe soit expliquée, qu'elle devienne compréhensible et accessible à tous les citoyens !
Enfin, un personne qui comprend un peu le sujet, ça fait plaisir.
C'est précisément suite à des articles de ce genre que j'ai décidé de publier cette prise de position.
Violer les règles communautaires n'est pas seulement interdit, ça nous coûte cher, très cher. Or, dans une période de déficit, il convient de chasser les dépenses inutiles.
Nous avons déjà un budget communautaire, imparfait certes mais il existe. Il correspond à peu près au déficit public français prévu pour 2009. Il faut simplement en augmenter le montant. Parfois, il faut dépenser plus pour économiser.
L'Europe gère mieux son argent que nous par des programmes pluriannuels, chose que nous n'avons pas réellement réussi à mettre en place.
Enfin, il est évident que si on explique rien aux citoyens et que l'on fait porter le chapeau à Bruxelles qui n'y est pour rien, on ne réussira pas à faire voter aux européennes.
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