jeudi 27 août 2009
Le MoDem a-t-il capitulé en rase campagne ?
Samedi dernier, le 22 août 2009, Marielle de Sarnez, 1ière vice-présidente du Mouvement démocrate était invité par Vincent Peillon aux journées d’été de son courant « L’espoir à gauche » qui réunit une bonne de ce qu’on l’on pourrait appeler les progressistes du Parti socialiste. Aux côtés de Robert Hue (qui a quitté le PCF), de Daniel Cohn-Bendit d’Europe-Écologie, Marielle de Sarnez a donc prononcé un discours qui agite depuis le monde politique ainsi que l’internet démocrate. Si la presse a rapidement conclu que la présence de Marielle de Sarnez à cet évènement était le signe d’une alliance avec le PS et donc d’un signe clair traduisant le nouvel ancrage à gauche du Mouvement démocrate. La blogosphère démocrate, elle, est d’un tout autre avis.
Une blogosphère plutôt positive …
Les réactions suite à l’intervention de Marielle de Sarnez aux « Ateliers d’été » du courant ont été très nombreuses, souvent positives. Que ce soit l’Hérétique ; Erwan Balanent qui tient le blog Images politiques, est conseiller national et élu local ; Christine Bobey-Gérard, conseillère nationale pour le MoDem-Ardèche et bien d’autres encore, la presque totalité de la blogosphère démocrate semble plutôt contente de ce discours de Marielle de Sarnez. Mon propre président de fédération, Olivier Henno, président du MoDem-Nord et membre du bureau exécutif du MoDem qualifiant même les propos de Marielle de Sarnez de « courageux » et qu’il fallait « en finir avec l’immobilisme ». Il poursuit en rappelant les propos tenus par François Bayrou lors de son discours de clôture de l’université de rentrée de 2008 à Cap Esterel où il notait que « toute victoire électorale suppose des rassemblements » et insistait sur la nécessité de la discussion avec les forces de l’opposition qui ne « sont pas d’accord avec [nous] ».
Et c’est vrai qu’en se penchant sur le discours prononcé par Marielle de Sarnez à Marseille, le militant démocrate n’y voit de réellement choquant. Un tel discours prononcé devant un parterre démocrate n’aurait pas en effet suscité autant de remous. Mentionnant l’opposition à l’idéologie du modèle de société sarkozyste, soulignant les points communs entre une partie du PS et le MoDem, Marielle de Sarnez s’adresse au camp des progressistes. Nicolas Sarkozy voit d’ailleurs bien le danger qui ferait du duo Peillon-Sarnez la tête de pont des progressistes. Le Canard enchaîné du 25 août rapportant des propos du président de la République, insiste pour écraser cette idée et pour que seul l’UMP passe pour un parti progressiste.
La défense d’un modèle de société plus juste, de l’atteinte aux principes républicains, tout ceci fait penser que la frontière avec les socialistes n’est pas si grande que cela et qu’un rapprochement est possible mais ce discours ne mentionne jamais ouvertement l’idée de listes communes avec le PS, pas plus qu’il ne précise que le MoDem soit devenu de gauche.
Au premier abord donc, et si l’on se tient strictement au discours, le MoDem ne fait pas plus allégeance au PS, qu’il ne ferme la porte à de possibles rassemblements. Tout semble aller dans la ligne définie par le MoDem. Et pourtant !
… mais déconnectée de la réalité du terrain.
Malgré un accueil positif de la blogsphère, l’impact médiatique fait que beaucoup ressentent la prestation de Marielle de Sarnez comme le signe d’un basculement à gauche du MoDem. Hormis Christophe Ginisty ainsi que les Promoteurs (ne pas confondre les deux), peu de remise en question voir de doutes exprimés, c’est assez étonnant. Après avoir consulté des militants et sympathisants d’un peu partout, il s’avère que l’appréciation portée par ce « public » plus large que le microcosme de la blogosphère démocrate est foncièrement différente. Ainsi, de manière générale, le discours de Marielle de Sarnez ne passe pas, il fait l’objet d’un rejet massif, rejet que je pressentais mais pas dans de telles proportions. De nombreuses interrogations se posent et Chantal de Force Hyères se pose s’en fait le relais tout en adoptant une attitude assez neutre qui a le mérite d’ouvrir le débat sur une question d’importance. Pourquoi un tel rejet alors que finalement le discours n’est pas si révolutionnaire que cela ?
La réponse est dans la question, c’est que le discours n’est pas si révolutionnaire que cela et qu’il tranche singulièrement avec l’esprit d’indépendance qui était à l’origine de la création du MoDem et qui depuis est grandement retombé, faisant passer les effectifs de plus de 80 000 à moins de 30 000 adhérents. Les militants démocrates ne décèlent dans ce discours rien d’extraordinaire, aucun élément qui soit capable de soulever l’enthousiasme. Pire, on a sérieusement l’impression qu’on en revient aux vieilles et méthodes et que l’on se rapproche de plus en plus du PS. Pour résoudre les excès du capitalisme et la question des bonus, Marielle de Sarnez mentionne la fiscalité, vieil argument du PS dont on a pu s’apercevoir qu’il n’avait pas l’efficacité escompté. S’inscrivant dans l’opposition à Nicolas Sarkozy et plaidant pour que l’on offre aux français de « l’espoir » et que ce qui se passe actuellement en France est « insupportable ». Plaidant aussi pour un nouveau modèle société plus juste, plus durable et solidaire. Bref, rien de franchement nouveau, mais plutôt le rappel de vieilles recettes.
L’importance du fond et de la forme.
Comme mentionné plus haut, le fond n’a rien de choquant mais rappelle de vieilles recettes socialistes. La forme est elle très importante, surtout lorsque l’on ne joue pas à domicile mais que l’on est à l’extérieur. En s’adressant à un public majoritairement socialiste et en les appelant « Mes chers amis » et en utilisant très souvent le « nous », il est un message que l’on cherche à faire passer entre les lignes. Ce message qui a été mentionné en Conseil national le 04 Juillet est qu’il faut se rapprocher des socialistes dans le cadre d’un second tour aux élections. Or, un tel message passe très mal auprès de l’immense majorité des militants qui ont clairement l’impression de se faire avoir.
En s’adressant de cette manière à ce public donné, Marielle de Sarnez révèle plus ou moins qu’elles seront les orientations futures du MoDem. Cette orientation n’est pas une surprise et est réfléchie depuis longtemps. Mais les militants ne l’entendent pas vraiment de cette oreille et se souvienne avec vigueur des propos réitérés de François Bayrou qui a régulièrement rappelé que le MoDem n’avait pas pris son indépendance de la droite pour aller se rallier à la gauche et au PS. En s’exprimant de cette façon, Marielle de Sarnez va d’ailleurs contre les statuts et la charte éthique qui précisent que c’est à la Conférence nationale et aux militants qu’il revient de préciser les orientations politiques générales du Mouvement démocrate. La photo de famille suggérant une possible alliance entre le MoDem, le PS, le PRG et les communistes puisqu’Europe-Écologie a réaffirmé vouloir prendre son indépendance par rapport au PS, ne passe pas et ressemble plus à une couleuvre à avaler qu’à un engagement librement consenti. En faisant « l’éloge de ce mouvement », Marielle de Sarnez qui est la première vice-présidente du MoDem engage sans le faire le MoDem vers ce que les militants ont toujours rejeté, à savoir une capitulation en rase-campagne et un alignement sur un des deux grands partis structurants que sont le PS et l'UMP.
« Des comportements nouveaux pour des temps nouveaux » , Marielle de Sarnez, discours du 22 Août 2009 à Marseille.
Marielle de Sarnez veut bâtir une nouvelle société mais ne mentionne que de vieilles recettes notamment sur la fiscalité et la solidarité mais passe largement à la trappe les questions environnementale et de développement durable. Or, ainsi que l’ont souligné Corinne Lepage et d’autres dont Jean-Luc Bennahmias, Jean-François Kahn et Yann Wehrling, ces questions qui sont au cœur de la pensée démocrate et humaniste mais ne sont pas mises en valeur.
Le discours de Marielle de Sarnez sonne d’autant plus à une déclaration d’amour aux socialistes que dans le même temps, le discours d’Europe-Écologie se recentre. Je ne sais si vous avez écouté l’entrevue qu’a accordé Cécile Duflot à BFM TV lorsqu’elle a officialisé le fait qu’elle serait la tête de liste Europe-Écologie en Ile de France pour les prochaines régionales mais tout de même ! Celui-ci nous rappelle de vieux souvenirs, non ? Mais si, rappelez-vous les discours de 2007 à Villepinte et des premières réunions publiques de 2008. Ces discours sur l’indépendance, la nécessité de proposer une alternative aux français, eh bien c’est le même. Reprenez tous les discours de 2007 et remplacer les expressions « Mouvement démocrate » par « Europe-Écologie » et « François Bayrou » par « Daniel Cohn-Bendit » et vous vous apercevrez que les discours sont identiques ou presque.
En cela, le discours de Marielle de Sarnez apparaît par effet de contraste comme un ralliement au PS alors même qu’il n’en est pas formellement un. Comment s’étonner alors que le discours d’Europe-Écologie, semble plus clair et plus honnête aux français ? Comment s’étonner ainsi que l’a dit Jean-François Kahn que le MoDem puisse « archi-perdre une élection archi-gagnable ? ». Depuis un moment, de nombreux démocrates ont décidé d’adhérer au MoDem non plus directement mais via CAP 21 et Corinne Lepage est obligé de mettre tout son poids dans la balance pour maintenir l’arrimage de CAP 21 au MoDem.
« Nous ne pouvons plus nous enfermer dans […][des] attitudes stéréotypées », Marielle de Sarnez, discours du 22 Août 2009 à Marseille.
En dépit de son discours, c’est pourtant le sentiment que ressentent la plupart des militants démocrates suite à ce discours. Marielle de Sarnez et François Bayrou qui sont à la tête du MoDem malgré le Conseil national du 04 Juillet ne semblent pas avoir pris la mesure des changements à apporter au MoDem. Les mesures votées ne sont toujours pas appliquées pour la plupart d’entre elles et les 2 qui l’ont été, ne l’ont pas été faites correctement. La publication des ordres du jour et des relevés de décision ne se fait pas en temps et en heures quand il se fait. Quand à l’élargissement du bureau exécutif, il a été fait à la va-vite comme je l’ai mentionné suite à la publication d’une dépêche AFP mentionnant l’absence de mise en œuvre des décisions du Conseil national du MoDem qui avait pourtant fait l’objet d’une conférence de presse. Rappelons d’ailleurs qu’il n’y a pas eu d’appel à candidature transparent et que l’essentiel de nouveaux entrants ont été candidats sur les listes européennes dont on connait les conditions dans lesquels celles-ci ont été constituées.
Les autres mesures se sont vues retardées dans leur mise en application et aucun bilan d’étape n’est prévu à l’ordre du jour du prochain Conseil national. Tout se passe comme si les mesures votées n’existaient plus. Aucune nomination provisoire n’a été faite pour les porte-paroles ou les secrétaires nationaux, tout comme les cellules logistique et communication qui n’ont même pas de structures temporaires pour faciliter leur mise en place. La question des primaires pour les régionales mentionnée par François Bayrou semble aussi être passée à la trappe et on s’attend à ce que les listes tombent d’en-haut, les militants n’ayant plus qu’à approuver.
Ces questions n’ont apparemment aucun rapport avec le discours de Marielle à Marseille. Et pourtant ! Elles sont plus qu’essentielles. En laissant la situation dans l’état actuel et en jouant la montre, Marielle de Sarnez et François Bayrou contribuent à laisser se développer un climat actuel explosif. La moindre déclaration ou rumeur suscite des réactions passionnées.
La réponse semble donc dans l’abandon de vieilles habitudes héritées de l’UDF et dans une véritable rénovation. Il est grand temps que François Bayrou laisse exister son parti et que Marielle de Sarnez lâche un peu de lest. Dans le cas contraire, le MoDem risque soit l’implosion, soit la satellisation, soit une longue agonie. Alors que le temps presse, il est désormais urgent d’agir maintenant !
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11 commentaires:
Mais pourquoi voir de la rupture là où il n'y a que continuité ?
Désolé mais ceux qui s'offusquent encore jouent sans s'en rendre compte le jeu de tous ceux qui critiquaient l'évolution de l'udf vers le MoDem. Je connais des ex udf critiques contre Bayrou mais n'étant pas encore partis au nouveau centre qui se frisent les moustaches de voir ces discussions perdurer, rappel : http://www.sylvaincanet.fr/2009/08/marielle-de-sarnez-lance-la-rentr%C3%A9e-politique-du-modem.html
Amitiés.
J'aime bien ton analyse. Surtout concernant Europe Ecologie.
Je crois que je vais finir chez CAP 21 moi aussi...
Le discours de MdS reste un vieux discours, non au fait des nouveaux enjeux de la société...
Excellente analyse...
La stratégie qui se dessine est celle d'une alliance avec le PS, c'est indéniable... En revanche, ce qui justifie l'existence même du Mouvement Démocrate, c'est son indépendance !
Nous avons perdu des élections parce que nous avons manqué de courage et d'audace ! De courage pour présenter des listes autonomes aux Municipales malgré les réticences des uns et des autres, d'audace pour dire haut et fort, simplement que nous sommes les plus Européens de tous, que nous voulons construire une Europe forte et fédérale ! Nous avons eu peur des mots, peur de ne pas ratisser assez large...et nous avons perdu !
Quand comprendrons-nous que ce qui a fait le succès de François Bayrou en 2007 c'est qu'il a osé, parce qu'il pensait n'avoir rien à perdre sans doute... DCB, en 2009, n'a pas eu peur non plus, et il s'est présenté avec un certain courage, comme François Bayrou... en 2007... et cela a séduit les Français !
Si nous ne montrons pas aujourd'hui qui nous sommes, si nous n'avons pas le courage de nos opinions, le Mouvement Démocrate ne sera plus qu'un machin collé au PS, un petit parti centriste comme tant d'autres !
J'aime assez votre analyse qui s'intéresse surtout au phénomène.
@ Sylvain Canet : navré, mais il y a bien rupture. L'argument de la continuité (quasi téléologique) ne fait que donner raison au Nouveau Centre. Depuis deux ans, ils ne cessent de nous seriner que lorsque Bayrou a dit qu'il ne voterait pas Sarkozy, cela signifiait son basculement à gauche.
Il y a au Mouvement Démcorate de nombreuses personnes qui ont adhéré en étant convaincues que la rénovation de la Gauche passait par le MoDem. Toutefois, jusqu'à la grande consultation de l'été dernier, le mot d'ordre était indépendance (sans tabou), pas l'alliance des "progressistes" avec seulement des gens de gauche.
@ Sylvain : J'ai lu ton article avant de faire le mien. Tu estimes que la position de Marielle est tenable. Ce n'est pas mon cas. En tenant un tel discours devant un parterre socialiste, elle savait très bien ce qu'elle faisait et envoie un signe clair au PS qui est la possibilité d'une alliance.
Je suis désolé mais on appelle pas ses adversaires politiques "mes chers amis" et on ne multiplie les "nous" innocemment. Compte les dans le discours. Ce n'est pas un hasard.
@ Florian : Merci beaucoup. EE est à nettement distinguer des Verts et en cela ils tendent à ressembler aux Grünen allemands. Le rapport que le MoDem Allemagne a produit montre clairement qu'il y a un espace à conquérir au centre ou au centre-gauche en se démarquant de la gauche traditionnelle. Marielle de Sarnez annonce indirectement vouloir aller dans le sens contraire où les choses semblent mener.
@ Marie :
DCB, je ne l'aime pas. Question de style ! Mais quand même, il a réussi à booster l'écologie et à la rendre crédible en élargissant son horizon au-delà de l'idéologie écologique classique.
Il a senti qu'un espace était disponible avec un MoDem qui se gauchisait. Il l'a occupé. Comme le dit proverbe : "La nature a horreur du vide". Eh bien, ça se confirme.
@ MP :
Merci beaucoup encore. Contrairement à beaucoup la plupart des blogs, j'ai préféré attendre et analyser à froid. Le temps m'a donné raison et m'a permis d'avoir une vision d'ensemble qui ne se limite pas à un point de vue personnel mais prend en compte les avis de la plupart des militants qui n'ont pas de blogs et se limite à ce que j'appellerai le "labour".
Comme vous le dites, les adhésions ont afflué pour l'indépendance pas pour la vassalité. En bazardant un indépendance durement acquise, on en revient à une UDF de gauche mais sans les élus. Beaucoup se diront tout ça pour ça et rejoindront Europe-Écologie, retournerons à leur mouvement d'origine ou arrêterons la politique.
François Bayrou à la création du MoDem et pendant au soir du 1er tour de la présidentielle disait : "Maintenant la politique ne sera plus jamais la même". La preuve que si. Finalement, le changement va peut-être venir d'où on ne l'attendait pas : l'écologie !
C'est un simple revirement stratégique des plus politicards.
Ils ont voulu prendre la place du PS, passer pour le premier parti d'opposition, dénigré le PS, et ils viennent de comprendre qu'ils n'y arriveraient pas.
Alors ils font passer leur démarche pour une rupture. Ils se vendent pour exister encore en 2012.
Tout ce qu'a fait le Modem depuis le début visait à tuer le PS, même "Abus de pouvoir" a été écrit et édité pendant cette campagne dans ce seul objectif, prendre la place du PS.
C'est tout.
C'était pourtant gros... Un temps, tellement c'était lourd, je me demandais même s'il ne valait pas mieux adhérer directement au ps.
La rupture viendra des citoyens, pas des politiciens
@ passage :
Le pire est que votre 1er paragraphe est vrai ! Le reste un peu moins.
de rien : 16%, ce n'est pas rien ! Je ne fais pas partie de ceux qui ont été séduits, et je me félicite d'avoir choisi Sylvie Goulard !
Bravo Gilles !
Gilles Artigues, dans le Progrès de Lyon, s'oppose à une alliance avec un PS moribond !
Voilà un homme de conviction qui ne se laisse pas corrompre par l'appétit de pouvoir !
Enfin une personne censée ! Va-t-on le retrouver à CAP 21 ? Les paris sont ouverts.
Les responsables politiques sont très forts, après s'être affronté avec violence et fracas, ils sont bras dessus bras dessous... mais c'est vrai qu'il fautse parler et s'écouter, ils auraient pû avoir cette réflxion avant tout de même.
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