Vendredi dernier, les irlandais ont revoté sur le traité de Lisbonne et c’est le « Yes » (oui) qui l’a emporté à une large majorité avec 67,13% des voix contre 32,87% pour le « No » (non). La participation à ce scrutin s’étant avéré un peu plus élevée que lors du précédant qui avait abouti au rejet du traité, ce deuxième vote ne peut voir sa légitimité contestée. Si cet évènement est une très bonne nouvelle pour l’Europe, nous aurions tort de nous réjouir trop facilement car si l’Irlande revient ainsi dans la partie, ce « oui » et les conditions qui ont été requises pour l’obtenir soulèvent de nombreuses questions, sans oublier que dans les faits, le traité n’est toujours pas appliqué.
Les derniers obstacles à la ratification.
Le président tchèque, le désormais connu, Vaclav Klaus tente de gagner du temps malgré la ratification par le Parlement tchèque du traité de Lisbonne. Eurosceptique et ultralibéral, ce dernier espère que l’examen du texte par la Cour constitutionnelle tchèque lui permettra d’attendre l’arrivée au pouvoir des conservateurs britanniques dont le chef David Cameron a pris qu’il reviendra sur la ratification par le Parlement britannique du traité de Lisbonne si celui-ci n’était pas encore entré en vigueur s’il advenait qu’il devienne Premier ministre, ce qui est fort probable. Cependant, aussi plein d’espoir que soit le chef d’État tchèque, cela a peu de chances de se produire. D’abord, parce que si les conservateurs britanniques sont donnés en tête dans les sondages, il n’est pas dit qu’ils remportent les élections. Et même si ces sondages se traduisaient dans les urnes, les conservateurs britanniques ne pourraient gouverner seuls et devraient composer avec l’autre parti de l’opposition qui monte les Lib-Dem (Liberal Democrats) qui sont donnés juste derrière les conservateurs au coude à coude avec ceux-ci loin devant les travaillistes.
Or, on aurait tendance à l’oublier un peu trop vite mais les élections européennes se sont traduits par une forte progression des libéraux dans de nombreux pays et de manière générale le groupe ADLE est au moins toujours influent au Parlement européen. Autre évènement qui appuie cette prévision, les législatives allemandes qui se sont traduites par un tassement des conservateurs, un écroulement des sociaux-démocrates et un score historique pour les libéraux du FDP. Et les libéraux, britanniques ou allemands sont fédéralistes et très pro-européens, l’élection de Guy Verhofstadt à la tête du groupe ADLE est d’ailleurs un signe fort en ce sens. En résumé, au Royaume-Uni, les prochaines législatives accoucheront très probablement d’une coalition entre conservateurs et libéraux qui ne reviendra pas sur le traité de Lisbonne ce qui tôt ou tard permettra l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et ceux en dépit des tentatives tchèques pour espérer le contraire.
Une méthode discutable.
Si le « oui » l’a emporté à plus des 2/3, il y a beaucoup à dire sur la forme. Si un peuple a le droit souverain de revenir sur des décisions qu’il a prise, il serait cependant grand-temps de changer de méthode. Si des garanties écrites ont été données à l’Irlande quant au respect de ses particularités, il ne faut pas oublier que l’évènement c’était déjà produit avec le traité de Nice en Irlande toujours et au Danemark pour le traité de Maastricht. Il faut donc clairement revoir la façon de faire évoluer l’Europe pour l’avenir.
Parler d’Europe aux peuples, c’est possible !
Si la campagne pour le « oui » lors du 1er référendum avait été clairement négligée, elle fut cette fois bien préparée et travaillée. N’oubliant pas que l’Irlande doit sa survie à la crise à l’euro et à l’Europe, les partisans du oui ont insisté sur la nécessité de ne pas laisser l’Irlande au bord de la route européenne. Et bien que le gouvernement en place batte des records d’impopularité avec une côte favorable d’à peine 19%, ce référendum ne s’est pas transformé en plébiscite pour ou contre le gouvernement. La plupart des partis ont fait campagne avec des moyens importants, expliquant clairement comment fonctionnait l’Europe et ce que le traité de Lisbonne améliorait ou changeait, soit en résumé tout ce qui n’a pas été fait pour le référendum français sur le traité constitutif de 2004. L’ancien président irlandais du Parlement européen Pat Cox répétant meeting après meeting que ce vote ne devait pas servir à voter contre le gouvernement et que les irlandais pourraient exprimer leur sentiment de rejet plus tard.
La campagne irlandaise pour ce deuxième référendum montre donc clairement que si l’on se donne les moyens et le temps d’expliquer clairement aux citoyens l’Europe, ces derniers pas plus bêtes que cela pouvaient voter en toute connaissance de cause et même très favorablement en faveur de l’Europe, car en dépit de ce que l’on peut dire, les européens aiment l’Europe et veulent plus d’Europe et s’ils votent parfois c’est surtout par peur de se faire absorber par un grosse machine à laquelle ils ne comprennent pas grand-chose.
En finir avec la politique des petits pas.
Après le rejet de la CED, les pères fondateurs de l’Europe ont décidé de prendre le problème par un autre bout, l’économie. En pratiquant une politique des petites pas, en abordant par le quotidien et le concret, ceux-ci sont arrivés à rendre possible un projet devant lequel beaucoup étaient sceptiques : l’Europe.
Mais depuis quelques années, cette Europe s’enlise. Aucun projet entraînant, une technocratie qui comble le vide laissé par le politique, l’Europe à force de petits pas s’est enlisée dans la routine, dans le quotidien au point qu’ils semblent bizarre pour les européens que les députés européens votent des règlementations sur la taille des rétroviseurs de poids lourds. Ainsi, l’abstention bat des records et on pourrait croire que les européens se désintéressent de la question. Or, le baromètre Eurostat le montre très bien, c’est tout le contraire. Les européens aiment l’Europe et mieux, ils en attendent beaucoup. Se rendant parfaitement compte que les États-nations n’ont pas le poids suffisant pour régler les questions avec efficacité, les européens veulent plus d’Europe sociale, plus d’Europe dans l’environnement, plus d’Europe dans la défense… Et je pourrai ainsi lister tous les domaines ou presque de la vie publique.
Aussi et pour répondre à ces attentes, il est grand temps d’en finir avec la politique des petits pas car l’Europe ne fait plus rêver. Il est temps de proposer des grands projets, de faire des grands pas qui puissent faire rêver les européens quitte à ce susciter l’opposition de certains car sans espoir il n’y a pas de futur. Il est grand temps d’arrêter de dire communautaire et de considérer que le mot fédéral est une insulte. Le fédéralisme, c’est le respect des différences, le respect des entités fédérés. Faisons rêver les européens en créant une véritable armée européenne avec un budget propre pour se libérer de la tutelle américaine, faisons rêver les européens avec un vrai gouvernement européen avec un réel budget pour contrebalancer les déséquilibres continentaux. Osons enfin, ainsi que l’a dit Guy Verhofstadt, parler des États-Unis d’Europe, d’une fédération européenne !
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