Cette question, nous est un jour ou l’autre venu à l’esprit à tous. Nous y avons tous réfléchis pour trouver des arguments capables de convaincre les électeurs de voter pour le Mouvement démocrate. Pourtant, cette question revient en ce moment sur le devant de la scène suite à deux articles de l’Hérétique intitulés : « Électeurs de gauche, vengez-vous de la gauche : votez MoDem ! » et « Électeurs de droite, vengez-vous de la droite : votez MoDem ! », le tout publié mardi dernier, le 06 octobre en pleine après-midi. Mais ce qui a vraiment attiré l’attention sur ces articles est la réaction de Christophe Ginisty. Dans un billet intitulé « Pourtant, je l’aimais bien l’Hérétique », Christophe Ginisty fait part de sa déception et surtout pense qu’avec une telle démarche « il [l’Hérétique] déraille ».
Si les positions de l’un et de l’autre sont diamétralement opposées dans ces articles, elles posent néanmoins LA question « Quel discours tenir aux électeurs déçus et aux électeurs tout court qu’ils soient de gauche ou de droite ? » et plus précisément « Comment convaincre ces personnes de voter démocrate ? ».
Je vais donc tenter de me lancer dans un exercice fort apprécié des juristes, le commentaire !
Éviter de faire de « l’anti ».
L’Hérétique, tête fort connue de la blogosphère démocrate a donc publié mardi deux billets dans lesquels il adresse successivement aux déçus de la gauche et de la droite un appel à voter MoDem aux prochaines régionales.
Son premier billet sent le vécu puisque fustigeant la forte de la fiscalité parisienne (l’Hérétique est parisien) et les conséquences de la politique de déplacement et d’aménagement de la majorité actuelle, l’Hérétique leur adresse le message suivant : électeurs de gauche votez démocrate car le MoDem n’a voté aucune de ces « mauvaises » décisions. Et de mettre les Verts dans le même sac car partie prenante de la majorité municipale.
Son deuxième billet s’adresse lui aux électeurs de droite. Reprenant les arguments avancés pour les électeurs de gauche à savoir la hausse de la fiscalité, l’Hérétique avance un argument massue : l’UMP est favorable aux péages urbains. Ne négligeant pas les conservateurs, l’Hérétique mentionne la remise en cause des fondamentaux républicains rappelant que l’Éducation nationale va plus ou moins payer des lycéens pour qu’ils soient présents en cours. Et de rappeler que François Bayrou fut le premier à dénoncer cette situation.
A ceux qui seraient de voter Vert ou Europe-Écologie (formation qui rappelons-le ne recouvrent pas la même réalité), l’Hérétique assène une série de clichés sur les écolos du type : « vous ne pourrez plus utiliser votre voiture avec eux » ou encore « certains sont […] des affidés du facteur (sous-entendu de Besancenot) ». Et de conclure que voter MoDem est la seule solution.
La déception de Christophe Ginisty.
Le soir même, peu avant 20h, Christophe Ginisty sur son blog donne son avis sur les billets publiés quelques heures avant par l’Hérétique. Rappelant l’intérêt qu’il porte au blog de l’Hérétique, Christophe trouve cependant que les derniers billets de l’Hérétique ne sont plus aussi bons qu’avant. Dénonçant le « suivisme » de son « confrère » blogueur, il note une perte d’indépendance nuisible à qualité des articles publiés, avant de donner son avis sur les deux billets publiés peu avant par l’Hérétique. Christophe Ginisty pense que ces billets sont loin d’être bons et qu’ils traduisent « le degré zéro de l’engagement politique » puis d’asséner que le Mouvement démocrate n’a pas « la vocation d’attirer tous les aigris de la Terre ». En résumé, Christophe Ginisty reproche à l’Hérétique son discours « anti ».
L’Hérétique ou Ginisty : qui a raison ?
Bonne question ! On pourrait dire les deux tout aussi bien que personne et ainsi que je le rappelle en début d’article, dans le fond, cela nous amène à réfléchir au discours à tenir vis-à-vis des électeurs.
Tout comme Christophe Ginisty, je trouve que l’Hérétique a tort quand il tient un discours « anti » mais je suis pas d’accord quand il dit que l’Hérétique « déraille », l’Hérétique a un positionnement et a le droit d’en changer. Loin d’être dramatique cela doit au contraire renforcer le débat. Ainsi, si les failles et les erreurs des autres doivent être mentionnées, elles ne suffisent pas à faire un programme. Deux exemples le montrent parfaitement.
Le premier est la sortie du livre « Abus de pouvoir » en pleine campagne électorale des européennes. Cette sortie ayant à tort été considéré comme la traduction d’un positionnement anti-sarkozyste et a été sanctionné dans les urnes.
Le deuxième exemple est plus récent, il s’agit de la campagne des Grünen lors des législatives allemandes. Ces derniers, voulant uniquement une coalition rouge-vert (SPD - Grünen), ont fait une campagne contre une éventuelle coalition noir-jaune (CDU/CSU - FDP) et contre le positionnement libéral du FDP. Conséquence, alors que de manière générale, les écologistes enregistrent de nets progrès un peu partout en Europe, les Grünen ne progressent que très modestement au Bundestag.
Un constat s’impose donc, une campagne qui dénigre l’adversaire au lieu de proposer un projet n’est pas constructive et fait perdre les élections.
Ensuite, l’Hérétique mentionne la hausse de la fiscalité comme argument pour voter démocrate. Et là, je m’insurge. C’est un faux argument. Quelque soit la couleur de la municipalité de Paris, ou quelque soit la couleur de la collectivité locale, les élus sont tous confrontés aux mêmes problèmes : l’obligation de rembourser les dettes.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien les collectivités locales, il faut savoir que les collectivités locales a contrario de l’État doivent présenter des budgets équilibrés et qu’elles ont l’obligation de rembourser leurs dettes en priorité. A défaut, et pour faire court, c’est le préfet qui après avis de la Chambre régionale des Comptes compétente prendra les mesures appropriés soit en clair, une mise sous tutelle et une forte augmentation des impôts pour rembourser.
L’Hérétique prend l’exemple de Paris car il est parisien mais on pourrait l’élargir à toutes les collectivités locales françaises. Avec la crise financière, les banques ont refusé de se prêter entre elles et par ricochet aux collectivités. Ainsi, en 2008, l’État a-t-il du prêter 5 milliards d’euros aux banques pour que celles-ci puissent prêter aux collectivités sous peine de banqueroute de beaucoup d’entre elles. Durant les élections municipales et cantonales de l’année dernière, beaucoup de candidats ont promis qu’ils n’augmenteraient pas les impôts pour se faire élire. Le phénomène est d’ailleurs classique. Mais, une fois en place, ces élus quelque soit leurs promesses font face peu ou prou aux mêmes situations financières, à savoir des emprunts à rembourser et l’impossibilité ou presque d’emprunter. Dans ces cas là et après avoir réduit au maximum les dépenses, il n’y a pas d’autre choix que d’augmenter la fiscalité pour rembourser les dettes. Si la droite avait regagné la mairie de Paris, elle aurait tout autant augmenté les impôts que la gauche. Pire, l’augmentation aurait sûrement été plus forte puisque la droite aurait probablement profité du changement de majorité pour rejeter la responsabilité sur la majorité sortante, là aussi un grand classique.
Ensuite, la question des péages urbains est dans la tête de tous les élus ! De Martine Aubry à Lille qui rappelons-le gouverne avec le MoDem aussi bien à la ville de Lille qu’à la communauté urbaine Lille Métropole ou à Lyon dirigée par une majorité socialiste, qu’à Marseille ou à Bordeaux dirigées par une majorité de droite. Les péages urbains sont envisagés comme un moyen de désengorger les centres-villes du trop-plein de voiture et pas comme une volonté primitive de faire payer les automobilistes.
Comment convaincre de voter démocrate ?
La réponse n’est pas aisée mais doit passer par un projet construit et clair. Si en 2007, François Bayrou a presque réussi à passer au second tour c’est grâce à son projet. Ce projet contenait des idées que l’on attribue classiquement à la gauche, d’autres à la droite mais au final, il se tenait. Cohérent, il donnait envie voter François Bayrou. La partie économique était d’ailleurs la plus crédible avec une approche économique et non partisane de la question de la dette publique et c’est d’ailleurs ce point particulier qui a fait voté nombre de français dont moi.
Rejeter les socialistes, les conservateurs ou les verts dans les cordes sous prétexte que leur ligne générale n’est pas la nôtre serait du sectarisme.
Aux électeurs socialistes, nous devrions mettre en avant des propositions qui montrent que sommes attachés aux éléments fondamentaux de l’égalité et de la justice républicaine via des initiatives sociales qui loin de soutenir l’assistanat se veulent constructive et vise à améliorer le retour à l’emploi.
Aux électeurs de droite, nous devrions montrer que nous partageons beaucoup de points communs avec François Goulard (député UMP et ancien ministre) tels que la défense de la laïcité, la lutte contre le communautarisme, la nécessité de soutenir les petites entreprises sans penser à tous les instants à les taxer et penser comme le disait Churchill à voir plus le chef d’entreprise comme « le cheval qui tire le char » que comme « un homme à abattre ou une vache à traire ».
Aux électeurs des Verts ou d’Europe-Écologie, nous devrions mettre en avant l’importance que revêt la question environnementale dans notre projet qui se veut écologique, démocrate et humaniste. Montrons-leur que le développement durable, ce n’est pas seulement une question de poubelle ou de panneaux solaires mais que le projet démocrate envisage aussi la prise en compte de l’importance des aspects sociaux et culturels du développement durable.
Pour conclure, et comme le disait ce bon vieux Winston Churchill : « Agissez comme s'il était impossible d'échouer ».
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8 commentaires:
Un petit erratum s'imposerait-il ?
"pas comme une volonté primitive de faire payer les automobilistes."
=> n'as-tu pas pensé "punitive" ?
Bon rappel au passage de la fiscalité des collectivités territoriales qui sont tenues de présenter des budgets en équilibre contrairement à l'Etat.
L'Etat a transféré des compétences aux collectivités, ce qui est louable. Ce qui l'est moins c'est que le transfert de certaines compétences et, par conséquence des charges qu'elles représentent, ne s'accompagne pas nécessairement d'un transfert à 100% des moyens financiers par l'Etat aux collectivités. D'où l'apparition de tensions quand il s'agit de présenter un budget à l'équilibre.
C'est un beau billet. Mesuré comme j'aime le lire.
IL n'en reste pas moins, comme je l'ai écrit chez moi que le billet de Christophe et les commentaires qui ont suivi m'ont donné deux impressions:
1. De la politique poubelle
2. Une radicalisation des mouvements du type "les Promoteurs"...
Bonjour Orange Pressé,
Intéressant commentaire de cette controverse. Pour désengorger les centre-ville, il suffit de mettre au point des transports en commun qui maillent bien le territoire. On pourrait tout simplement interdire le centre historique de certaines villes, mais à condition de prévoir des voies de dégagement ailleurs, pas de reporter anarchiquement le trafic sans se préoccuper des ravages qu'il occasionne.
@ Thierry : Je ne vais pas détailler la fiscalité et le problème budgétaire des collectivités locales. D'autant que je commence seulement à aborder la question. Le point que je fais sur la question si j'en connaissais les grandes lignes est pour partie des choses apprises la veille en séminaire.
@ Nemo :
1. Oui, on pourrait dire ça, il y a une tendance à l'utilisation d'un vocabulaire fleurie mais aussi aux mauvaises méthodes.
2. Cette radicalisation est directement la conséquence de la volonté de la direction du MoDem de vouloir écarter les militants des décisions importantes pour les régionales. Lorsque j'ai vu l'article de la Voix du Nord où Olivier Henno et Frédéric Leturque étaient présentés comme de probables têtes de liste, j'ai littéralement explosé. Préférant attendre la première union régionale pour en discuter directement avec les intéressés, je n'ai pas réagi immédiatement. Et durant les 2 nuits qui ont liés les deux évènements, j'ai très très mal dormi.
Les militants en ont marre d'être écarté alors que les décisions prises leur donnent une place importante. Il faut bien prendre cela en compte pour saisir le contexte dans sa totalité.
@ L'Hérétique :
Effectivement, l'offre de transports publics est importante mais ce qui manque le plus ce sont les moyens de transport dit lourds type metro et RER. Il faut aussi transformer les lignes de bus les plus fréquentés en tramway pour augmenter et la fréquence et les capacités.
Il faut bien comprendre que les collectivités réfléchissent à la mise en place du péage urbain pour restreindre le trafic dans le cadre d'un plan de déplacement qui est obligatoire pour les villes. Dernière précision, le cas de l'Ile de France est spécifique puisqu'il est régi par le SDRIF et non par un SCOT classique.
Ces deux billets consécutifs s'inscrivent selon moi dans une rivalité tant intestine que destructrice (C. Ginisty ayant pour le coup déclenché les hostilités), qui ne fait honneur à personne et en tout cas aucunement au MoDem.
J'apprécie ces deux blogs, qui sont les "phares" internet du MoDem, chacun avec ses spécificités même si elles sont antagonistes.
L'Hérétique a un certain sens de l'humour que C. Ginisty n'a pas su percevoir, c'est tout ce que je retiendrai de ce triste épisode.
Car sinon, la morale serait que l'un voudrait détruire l'autre...
Et cela, ce n'est vraiment pas dans l'esprit démocrate.
N'oublions-pas non plus que dans ce mano à mano, l'Hérétique s'est vu accusé d'avoir apporté un témoignage sous une fausse identité, selon C. Ginisty. Et alors que l'Hérétique se portait volontaire pour porter plainte contre la personne qui aurait pu usurper son adresse IP, le lendemain matin, C. Ginisty faisait son mea culpa pour fausse lecture de l'adresse IP (ce qui est tout à fait pardonnable d'ailleurs).
Mais il faudrait une bonne fois pour toutes que ces querelles intestines cessent.
Que l'on arrête de considérer certains comme des "courtisans" à détruire, ou d'autres comme des "rebelles" à anéantir.
Que les conneries alimentées par quelques bonnes âmes charitables, tel un caricatural Fabio Lauresti (c'est mon nouveau copain celui-là) s'arrêtent une bonne fois pour toute.
JF, ton avis est intéressant. Mais, je t'assure, croire que le MoDem est un et indivisible est une illusion.
Il y a gouffre qui se creuse entre la direction et la base. Ce matin, j'ai discuté avec un démocrate de Paris proche de Marielle, les propos qu'ils me tenaient étaient proprement hallucinants ! Certes, il faut être dans la construction mais il ne faut pas se voiler la face non plus !
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