Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

mardi 24 novembre 2009

Le Sénat souffle le chaud et le froid.

En l’espace de quelques jours, le Sénat s’est fait remarqué sur deux aspects en discussion actuellement dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010. Alternant couardise et lucidité sur la situation budgétaire et financière de la France, le Sénat a montré qu’il pouvait envoyer des signaux au gouvernement. Mais pas question d’être frondeur, au Sénat, on a la révolte calme.

Taxe professionnelle, la grande illusion.
Quelques sénateurs UMP menés par Jean-Pierre Raffarin l’avaient promis : « Nous ne voterons pas la réforme [de la taxe professionnelle] en l’état ». Il fallait s’y attendre même si un instant, on aurait voulu y croire, les sénateurs UMP en question étaient mystérieusement absents lors de l’adoption par le Sénat de la disposition contestée. Devant ce « coup médiatique » comme le dénonce la sénatrice socialiste Nicole Bricq, il est difficile de croire que les sénateurs aient une réelle volonté de préserver les personnes qu’ils sont censés représenter : les élus des collectivités locales.

Mme Lagarde peut être contente l’essentiel du projet a été validé sans broncher par les sénateurs. Malgré tout quelques aspects à la marge ont été modifiés. Des modifications qualifiées de « loupé que l’on va corriger » déclare-t-on dans la majorité.


Hausses d’impôt à la marge.
Le compte n’y est pas, sur cet aspect les élus locaux et les sénateurs semblent d’accord. Aussi, malgré la suppression de la taxe professionnelle, les sénateurs ont adopté des mesures visant à atténuer le manque à gagner prévu.
Ainsi, les sénateurs ont relevé de 3 à 3,5% de la valeur ajoutée, le plafond des taxes remplaçant la taxe professionnelle.
La CET (contribution économique territoriale) qui remplace la TP sera divisée en deux impôts appelés contributions :
- la CLA et sa variante CLAU (contribution locale d’activité) qui est en fait la part foncière de la TP avec une nouvelle appellation. Cette part représente approximativement 30% de la TP actuellement ;
- la CLVA (contribution locale sur la valeur ajoutée) qui imposera les entreprises et vise à compenser une partie du manque à gagner généré par la suppression de la TP.

C’est donc ces deux impôts dont le plafond d’imposition passe de 3 à 3,5% de la valeur ajoutée. Le gain est assez minime puisqu’il correspond à 255 millions d’euros pour l’État, ce qui sur les 29 milliards d’euros que représente la suppression de la TP, mais pas négligeable non plus. Ce plafond avait été négocié durant l’été entre le Medef et l’Élysée. Le gouvernement comme il en maintenant l’habitude va demander une deuxième délibération puisque les sénateurs n’ont pas voté comme il le fallait.


Autre hausse adopté par le Sénat, la création d’une imposition plancher de 250 € pour accroitre le nombre d’entreprises soumises à la CLVA. Le projet gouvernemental prévoit que l’imposition s’applique pour les entreprises réalisant moins de 500 000 € de chiffre d’affaires. Mais, si on prend en compte les différents abattements, l’imposition ne concerne en réalité que les entreprises réalisant au moins 1 000 000 € de CA. Ce seuil plancher va rapporter environ 60 millions € et concerner environ 235 000 PME. Pour Stephan Brousse, président du comité TPE-PME du Medef, « C’est à force d’empiler toutes ces taxes que nous avons les entreprises les plus taxées, que nous étouffons nos PME et PMI. ». C’est bien sur complètement faux, la France se situant dans la moyenne voir même légèrement en dessous de la moyenne européenne.

Le Sénat a aussi voté la possibilité pour les collectivités locales de voter des taux d’imposition différent entre les entreprises (CLA) et les particuliers (taxe d’habitation) ce qui permettra d’amélioration la compensation aux collectivités de 100 millions €, une goutte dans les recettes des collectivités.


Coup de semonce sur la TVA réduite dans la restauration.
La nouvelle est tombée hier et elle sonne comme un symbole malgré sa rapide suppression en session. La commission des Finances du Sénat a adopté hier, à l’unanimité (ce qui est assez rare pour le souligner), le retour à la TVA à 19,6% dans la restauration. Les sénateurs, constatant l’impact plus que réduit de la baisse de la TVA à 5,5%, ont décidé de mettre fin à une mesure inefficace et coûteuse pour les finances de l’État (3,3 milliards €) alors que la baisse des prix n’a pas atteint 3%. Les auteurs de l’amendement que sont les sénateurs centristes précisait dans l’exposé des motifs : « Cette baisse de TVA ne nous semble pas justifiée, d’autant plus que les consommateurs n’ont pas vu de résultats probants sur les pris pratiqués par les restaurateurs ». Le sénateur et maire UMP de Compiègne, Philippe Marini, rapporteur du budget 2010 de préciser « On n’en a pas eu pour notre argent ». Traduction, les restaurateurs se sont foutus de nous et s’en sont mis plein les poches.

Alors que comme précisé plus haut, cet amendement n’a vécu que quelques heures avant d’être rejeté en session, un autre amendement a été adopté en commission dans le cadre de l’examen des crédits concernant l’emploi. Tandis que les députés avaient renoncé à prendre la mesure, les sénateurs ont décidé de supprimer l’exonération de cotisation sur l’avantage en nature dans les cafés, hôtels et restaurants (les repas des salariés sur leur lieu de travail).

La commission souligne que « L’abaissement du taux de TVA dans la restauration ne justifie plus le maintien de cette exonération. Il convient de mobiliser ces fonds, 150 millions €, vers les publics qui en ont le plus besoin ». Le mesure avait été prise par le gouvernement qui a l’époque ne parvenait pas à obtenir de ses partenaires européens la baisse de la TVA sur la restauration. La commission des finances du Sénat veut transférer ces crédits aux missions locales et au fonds d’insertion des jeunes durement touchés par le chômage.


Front commun du patronat et du gouvernement.
Du côté du gouvernement, comme de celui du patronat, on a jugé que l’avertissement envoyé par les sénateurs était prématuré car les négociations sur la rémunération des employés du secteur n’ont pas abouti. Laurence Parisot déclarant suite à l’adoption de cet amendement « C’est très injuste. On cherche à juger les restaurateurs beaucoup trop rapidement ». Je dirais au contraire, qu’on a mis trop de temps à réagir au manque d’empressement des restaurateurs à baisser leurs tarifs. Une baisse des tarifs, c’est immédiat, il suffit juste de le vouloir. Or, les restaurateurs n’ont montré aucun empressement. Pire, la plupart d’entre eux ont ostensiblement affirmé devant les caméras qu’ils ne baisseraient pas leurs tarifs. Du côté des représentants syndicaux des patrons du secteurs, on est « abasourdis » et Didier Chenet, président du Synhorcat (un des deux principaux syndicats de patrons de la restauration et l’hôtellerie), de préciser « On voudrait faire capoter les négociations sociales qu’on ne s’y prendrait pas autrement. ».

Le problème, c’est que les négociations syndicales sur les augmentations de rémunération sont particulièrement mal engagées, les patrons cafetiers n’étant pas vraiment disposés à faire de cadeau à leurs employés.

L’unanimité de la commission des Finances du Sénat sur la question sonne donc comme un sérieux avertissement aux cafetiers, hôteliers et restaurateurs. Nul doute d’ailleurs que la question revienne prochainement sur le tapis.


Conclusion.
On peut le constater, le Sénat a la révolte tiède. De grandes paroles mais au final, peu d’actions concrètes et de résultats. Incapable de concrétiser des prises de position marquées, incapable d’utiliser les nouvelles prérogatives que lui confère la révision constitutionnelle de 2008, le Sénat se limite à des coups d’éclat sans lendemain.

Le plus étonnant dans l’histoire est la position des sénateurs démocrates, particulièrement discret sur les deux sujets en question. Suivisme à visée électorale, ou volonté d’éviter de faire des vagues pour concentrer leurs efforts sur les régionales. Il serait bon que nos sénateurs se décident enfin à voter contre les propositions démagogiques du gouvernement qui privent la puissance publique des moyens dont elle a grand besoin.

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