Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

vendredi 19 mars 2010

La chasse à la sorcière est ouverte !

Mercredi dernier, Corinne Lepage annonçait par un message sur son site internet qu’elle démissionnait de ses fonctions au Mouvement démocrate et n’en était plus adhérente. Elle explique son geste par l’impossibilité de réformer un parti devenu une écurie présidentielle. Ne voyant aucune évolution possible, elle décide de quitter un parti politique qu’elle a cofondé avec François Bayrou. Il faut dire que depuis un moment, les éléments se déchainent contre la désormais ex-vice-présidente du MoDem. Dimanche, elle aurait même été insultée par Jean-Jacques Jégou et certains militants présents au siège du Mouvement démocrate.
Comment en est-on arrivé là ? Que se passe-t-il pour certains démocrates se mettent au maccarthysme ?

Certains comme Jean-Marie Vanlerenberghe, Jacqueline Gourault, Rosalie Kerdo, Jacky Majda et bien d’autres réclament la démission de Corinne Lepage de son mandat.

De mon côté, militant démocrate du Nord, créateur en d’autres temps du groupe soutien pour qu’Olivier Henno soit tête de liste aux européennes, je refuse cette chasse aux sorcières à laquelle s’adonne quelques personnes. Pour expliquer ma position et répondre aux questions que se posent nombre d’entre vous, je reprendrai l’histoire depuis le début, et vous exposerai les arguments des uns et des autres.


Le départ de Corinne Lepage.
La démission de Corinne Lepage est présentée comme un évènement. Or cela fait un moment qu’elle était attendu. Pour beaucoup, la question n’était pas « Corinne Lepage va-t-elle démissionner ? » mais « Quand va-t-elle démissionner ? ». Il faut dire que la présidente de CAP 21 avait été très critique avant les européennes, position qui est devenue encore plus tranchée après. Soutenant diverses initiatives pour rénover le MoDem comme les Promoteurs ou autre, elle était devenue la confidente de nombreux militants déçus de ce qui se passait dans le parti centriste, au point que nombreux sont ceux qui ont démissionné du MoDem pour ensuite adhérer à CAP 21 bien que l’appartenance au mouvement écologiste implique automatiquement l’appartenance au MoDem. Ne parvenant pas à rénover le parti de l’intérieur, pas écouté au Bureau exécutif du parti centriste, elle en a déserté les instances dirigeantes fin 2009.

Chemin faisant, elle a été progressivement marginalisée au point que son agenda qu’il soit politique ou médiatique n’était plus répercuté sur le site national du Mouvement démocrate ainsi qu’aux militants qui recevaient pourtant les interventions des autres figures du parti.

La campagne des régionales a marqué une nouvelle étape. Corinne Lepage ne s’est pas opposé aux voix de son parti demandant d’avoir le choix de rejoindre la liste qu’il souhaitait. Ainsi, les mouvements départementaux de CAP 21 ont eu le choix soit de rejoindre Europe-Écologie, soit d’être présent sur les listes du Mouvement démocrate. L’on ainsi retrouvé CAP 21 allié dans plusieurs régions aux listes démocrates et dans d’autres à Europe-Écologie. Corinne Lepage a, par exemple, justifié ce choix en Languedoc-Roussillon par l’absence de décision claire concernant une possible alliance avec Georges Frêche. Puis, il y a eu l’épisode alsacien, l’alors vice-présidente du MoDem soutenait ouvertement la liste Europe-Écologie locale lors d’une réunion publique alors même qu’une liste démocrate menée Yann Wehrling était en lice face à celle-ci.

Dernier épisode dimanche dernier le 14 mars sur les plateaux télévisés. Alors présente sur le plateau de France 2 en compagnie de plusieurs autres personnalités politiques dont Jean-Luc Bennahmias, elle a réitéré ses critiques sur la situation interne au MoDem et les décisions prises par François Bayrou pour ces régionales. Bref échange avec Jean-Luc Bennahmias puis elle poursuit, réaction au même moment de certains militants alors présents au siège du Mouvement démocrate pour la soirée : « Quelle salope ! ».

La situation semblait alors définitivement réglée et il ne restait plus qu’une possibilité pour solutionner la situation : que Corinne Lepage démissionne, décision qu’elle a donc prise mercredi dernier.


Quand le MoDem donne dans le maccarthysme.
Suite à cette décision, nombreux ont été ceux à réclamer sa démission de son mandat de députée européenne reprochant à Corinne Lepage d’avoir utilisé l’étiquette démocrate pour mieux la piétiner. Ceux-ci ont été confirmés dans leur idée par un communiqué de Jean-Marie Vanlerenberghe qui dans ce court texte demande à la traitresse de « démissionner de son mandat de député européenne qu’elle a obtenu grâce aux voix du Mouvement démocrate » en faisant « une question de dignité ». Il a depuis été suivi par d’autres membres du Bureau exécutif du mouvement comme Jacqueline Gourault, vice-présidente du groupe Union centriste au Sénat ou Rosalie Kerdo. Cette dernière a lancée une pétition dont le texte flingue Corinne Lepage sans nuance. Pour signer la pétition, il suffit de laisser un commentaire sur la plate-forme sociale du mouvement, lesdemocrates.fr. Commentaires qui servent d’exécutoire à la colère refoulée depuis longtemps pour certains. Pour le moment, seules 46 personnes dont son initiatrice ont apposé leur nom ou leur pseudonyme à cette pétition. Un bien piètre résultat.

Dans cette chasse à la sorcière où il s'agit de faire rendre gorge jusqu’au dernier souffle à une femme qui quoi que l’on puisse en penser à cofondé notre mouvement, l’a porté pendant 3 ans, contribuant à faire émerger aux côtés de François Bayrou une 3e voie, nombreux sont ceux à ne pas se reconnaitre.



L’opposition se construit.
En réponse à ce déchainement de haine, quelques partisans de Corinne Lepage ont décidé de lancer une lettre ouverte à Jean-Marie Vanlerenberghe mettant en cause la responsabilité du sénateur-maire d’Arras dans la situation actuelle du Mouvement démocrate. J’ai reçu personnellement ce texte accompagné d’un texte où l’on me demande de le signer si j’en approuve la teneur.

Ce texte, il fallait s’y attendre. Rien de plus normal en effet qu’à l’excès des uns, répondent l’excès des autres. Des militants approuvant la décision de Corinne Lepage pour les raisons qu’elle a avancé qu’ils aient ou non décidés de la suivre contre-attaquent.


« Le sens commun n'est pas si commun », Voltaire.
De ces excès, qu’ils viennent des uns ou des autres, en tant que militant démocrate, je ne me reconnais pas. Comme le dit le proverbe « La victoire unit et la défaite divise ». Mais dans ce déchaînement de violences verbales, nombreux sont les militants démocrates à se demander ce qu’est devenu le projet démocrate. Le Mouvement démocrate a été fondé sur la tolérance, l’ouverture d’esprit et le respect de l’avis de chacun aussi différent soit-il. De cela, difficile de retrouver la trace aussi bien du côté demandant la démission de Corinne Lepage de son mandat de députée européenne que de ceux qui ont décidé de contre-attaquer en tirant à boulets rouges sur M. Vanlerenberghe.

Aussi, il est temps d’arrêter cette chasse à la sorcière. Nous n’avons pas créé le Mouvement démocrate pour donner dans le maccarthysme ou dans tout autre excès, mais pour montrer que la politique au sens noble du terme pouvait encore exister.

Certains d’entre vous penseront que ma position est mue par un quelconque ou encore que suite à mes prises de position parfois critiques, j’ai décidé de suivre Corinne Lepage. Ni l’un ni l’autre ne sont vrais. Corinne Lepage n’est pas parfaite, mais on doit lui reconnaitre d’avoir été à l’écoute des militants et d’avoir essayé de réformer le MoDem de l’intérieur. Elle s’est battue pour faire émerger une voie écolo-centriste depuis la création du MoDem, cofondé par l’UDF et CAP 21. Elle a renoncé à sa candidature à la présidentielle de 2007 pour soutenir François Bayrou. Maintenant, elle a décidé de quitter un parti qu’elle a cofondé, c’est son choix.

Je n’ai pas toujours été d’accord avec madame Lepage mais je soutiens comme elle l’idée d’un rassemblement centriste et écologiste pour dépasser le bipartisme PS-UMP que l’on voit encore à l’œuvre pour ces régionales. Comme elle, je déplore la réduction de l’importance des questions environnementales dans le projet démocrate adopté à Arras. Pour autant, je ne partage pas les attaques stériles contre M. Vanlerenberghe.

Corinne Lepage n’a pas à rendre son mandat. En tant que démocrate du Nord, je n’ai pas été franchement enchanté de sa désignation en tant que tête de liste dans le Nord-Ouest. Créateur du groupe de soutien à la candidature d’Olivier Henno à cette même place, je redoutais entre autre le manque d’implantation locale de Corinne Lepage. Ce faisant, nous avons mené la campagne aux élections européennes ensemble avec Corinne Lepage, Olivier Henno et les militants démocrates du Nord-Ouest. Nous avons défendu un projet commun pour notre grande région et pas le projet de Corinne Lepage ou le projet d’Olivier Henno. Chacun a apporté dans cette campagne ses atouts Corinne Lepage, une expertise et une stature nationale; Olivier Henno, sa fine connaissance du terrain et sa facilité dans la prise de contact et le dialogue. Il serait donc inutile de changer de personne, cela ne changera pas les idées défendues. Dire que Corinne Lepage a utilisé les voix du MoDem pour se faire élire est malhonnête, elle a sincèrement cru au projet démocrate, mais comme beaucoup de personnes qui ont quitté, a eu l’impression de se battre pour rien. J’ai pu la rencontrer et parler avec elle à Arras et n’ai pas eu l’impression d’avoir à faire à l’hypocrite que certains décrivent. Il est donc tout simplement impropre de parler justifier la demande de démission pour une question de dignité ou de la rendre responsable de tous les maux affectant le Mouvement démocrate.


Conclusion.
Dans cette affaire, il faut noter la dignité d’Olivier Henno, qui s’est abstenu de toute réaction hasardeuse. Après s’être battu aux côtés de Corinne Lepage durant les européennes, après le résultat des élections régionales, il aurait pu lui aussi exiger que Corinne Lepage démissionne de son mandat de députée européenne. A la place, il a préféré faire passer les valeurs que nous défendons avant toute considération personnelle. Dans les moments difficiles que le MoDem traverse, c’est un exemple que beaucoup feraient bien de suivre…

8 commentaires:

david guillerm a dit…

J'ai trouvé totalement nul les réactions à la demission de Corinne alors que celle-ci avait prévenu la chute du MoDem si certaines choses n'etaient pas changées.

J'aurais préféré qu'elle reste et se présente face à Bayrou mais elle n'a pas voulu, il faut passer à autre chose maintenant.

Mais je n'arrive pas à croire que même arrivés à 4%, certains militants osent encore insulter ceux qui avaient prévenu la berezina.

J'espère que nous aurons l'occasion de retravailler avec Corinne Lepage et sa plateforme mais pour cela il faudrait que certains soient un peu plus démocrates...

D'ailleurs elle reste dans le groupe ADLE du MoDem au parlement européen donc elle respecte ses engagements.

Son départ signifie une chose, si FB et la direction ne corrigent pas un certain nombre de choses au MoDem dans les mois à venir, ce sera la fin de ce mouvement...

Anonyme a dit…

Il faut arrêter cette chasse aux sorcières dans laquelle personne n'a à y gagner et tourner la page (sans mauvais jeu de mot).

Corinne Lepage est partie. Bon vent. Au revoir.

Quant à son mandat, elle peut le garder jusqu'aux prochaines élections européennes où on présentera un autre candidat. A plus forte raison si, comme elle l'a dit, elle reste dans le groupe ALDE.

Antoine_K a dit…

Je n'ai qu'une réaction: http://www.facebook.com/photo.php?pid=3861677&id=500482735&subject=372720426199&ref=mf

;-)

Antoine_K a dit…

Correction: s'il faut être membre du groupe Facebook http://www.facebook.com/group.php?gid=372720426199 pour voir l'article, je précise que je parle de l'article du Canard Enchaîné de ce mercredi! ;)

Orange pressé a dit…

Évidemment, tu omets volontairement la réponse qui a été faite et clarifie les choses.

Voici donc le droit de réponse de Corinne Lepage aux éléments avancés par l'hebdomadaire satirique du mercredi : http://tinyurl.com/yzbufu2

La démonstration ne fait pas un pli.

Simonnet Château Landon a dit…

A quoi bon Le Modem est mort comme Bayrou. A bien y réfléchir Corinne Lepage,aussi.Tout ce qu'on a donné comme image c'est celui d'un épouvantable pannier de crabe.
Dans mon coin ce fut un modèle de désorganistion. De mon engagement politique qui fut le 1 er et surement le dernier je n'ai vu que du bazar, 1 an pour trouver des "responsables" locaux de référence , pas de réunion, pas de débat et des candidats grognons. Ils le peuvent car ça va leut couter cher (au fait combien cette affaire ... ?
En dernier instant j'avais réadhéré par l'intermédaire de Cap21.... pensant y trouver là quelque chose s'intéressant .... Ce fut pire mais la place ici me manque.
Je ne sais pas ou je vais aller peut être à EE mais sans Cap21 non merci .... Ou finalement j'irai nul part j'étais un électeur flottant ...
le centre a explosé.On ne pourra plus jamais rien reconstruire.

Anonyme a dit…

Merci orange pressé. Avec des gens comme toi (mais il en faut encore beaucoup), le MoDem a peut-être ses chances de relever la tête. Pour ma part j'ai rejoint le mouvement en 2007, mais je le quitte car ces querelles internes sont insupportables. Bravo en tout cas pour ton billet.

Orange pressé a dit…

@Orange Verte: A voir ! Le centre malgré des résultats catastrophiques aux régionales est en pleine recomposition et attire toujours. Reste à voir qui récupèrera la mise.

@Anonyme: Merci.