Dernière semaine avant le scrutin, le moment où tout se joue. Le rythme de la campagne électorale britannique s’accélère. Après une forte activité des conservateurs hier, c’est au tour du Labour de multiplier les prises de position. Mais une chose est certaine, les libéraux-démocrates sont au cœur de la campagne. Et la probabilité d’obtenir un « Hung Parliament » augmente de jour en jour.a
Le point presse du Labour.
L’habitude est désormais prise, dès qu’un sujet arrive sur le devant de la scène ou tout simplement pour répondre aux questions des journalistes, chacun des participants organise sa conférence de presse à Westminster. Ce mardi, c’était au tour du Labour. Et parce que le parti est à la traîne dans les sondages, c’est Lord Mandelson, l’expert électoral qui s’y colle. Prestation qui fut, comment dire… Bon, en réalité, il était complètement à la rue. L’équivalent au Labour d’Alain Marleix pour l’UMP laissait le sentiment d’être complètement déconnecté de la réalité des choses.
Manque de bol pour lui, il n’avait pas à faire à des journalistes français, à la botte du pouvoir mais à de vrais journalistes, du genre tenaces, qui ne lâchent pas l’affaire avant d’avoir eu la réponse à leur question.
Morceau choisi : « Monsieur Mandelson, comment le Labour compte-t-il faire pour réaliser les économies qu’il promet ?
- Écoutez, nous comptons faire des économies sur beaucoup d’aspects. Nous avons identifié des économies réalisables dans le domaine de l’éducation, de …
- M. Mandelson, comment comptez-vous réaliser vos économies, sur quoi précisément ? Quels montants ?
- La réponse est dans notre programme, nous comptons économiser £ 30 milliards.
- M. Mandelson, comment, sur quoi en détail allez-vous réaliser les £ 30 milliards d’économies que vous promettez ? Ne me dites pas que c’est dans votre programme, je l’ai lu, il est seulement écrit que vous voulez économiser £ 30 milliards mais rien n’est détaillé. Je vous repose donc ma question, et merci d’y répondre, comment allez-vous réaliser vos économies ?
- Les économies que nous réaliserons, le seront sur toutes les politiques publiques. Nous n’allons pas dire : « Nous allons économiser £ 6 milliards » sur tel ou tel aspect et réduire les moyens de services publics nécessaires aux britanniques. ».
Je vous épargne la suite qui n’est que de la langue de bois, du genre armoire normande, bien massif. Le journaliste en question, expérimenté, est reparti sans sa réponse mais ses lecteurs sauront que le Labour n’a pas la moindre idée de comment il va économiser les 30 milliards de livres promis.
Un peu avant cet épisode, un autre sujet a été abordé et suscite un certain intérêt dans cette campagne électorale. La tentative du Labour de changer les règles du jeu pour le prochain débat qui aura lieu ce jeudi soir en direct sur BBC 1. Le Labour a appelé sans succès les Tories et les LibDems à se joindre à lui pour demander aux chaines I-TV, BBC 1 et Channel 4 d’accorder plus du temps à l’examen en détail des propositions de chacun plutôt qu’aux personnalités des chefs de parti. Dans l’absolu, rien ne s’y oppose mais les conditions des débats ont fait l’objet de longues négociations entre les 3 grands partis pour aboutir à des règles aussi strictes qu’un corset de jeune fille bien serré. Quand on y regarde de plus près, on remarque toutefois, l’intérêt du Labour saute aux yeux. Gordon Brown, c’est un secret pour personne n’est pas vraiment l’homme le plus charismatique du monde. C’est même tout le contraire. Et ses concurrents que sont David Cameron mais surtout Nick Clegg n’y ont pas intérêt. Plus jeunes, ils incarnent physiquement une rupture de génération politique. Gordon Brown a les tempes grisonnantes et des rides, les deux autres ont le teint frais comme des gardons, sont vifs et prêts à soulever des montagnes.
On comprendrait mal les raisons qui pourraient pousser David Cameron ou Nick Clegg à abandonner ainsi, un si gros avantage.
Clegg, bourreau des Tories ?
Nick Clegg va-t-il conduire le Royaume-Uni à la potence ? Ce message à peine voilée, est au cœur de la nouvelle campagne de communication des conservateurs. Cette dernière, lancée hier lors d’une conférence de presse de George Osborne, que vous ait relaté ici-même n’y va pas de main morte. Sans ménagement, le message est simple et clair : Un « Hung Parliament » serait mauvais pour le pays ». Le tout est illustrer par des images de bon goût où les LibDems sont renommés de façon explicite « The Hung Parliament party », jeu de mots signifiant à la fois « Le parti du parlement indécis » et « Le parti du parlement pendu » sous-entendu, suspendu au bon vouloir des libéraux-démocrates créant ainsi une instabilité néfaste. Qu’importe que le pays n’ait pas connu de réelle instabilité, ni un régime du type IVe République (durée de vie moyenne d’un gouvernement français entre 1945 et 1958 : 6 mois). Qu’importe que des coalitions soient au pouvoir au Pays de Galles et en Écosse sans pour autant que les régions en question soient ingouvernables, il faut éviter à tout prix un tel fléau.
Toutefois, en coulisses et pour assurer leurs arrières, le Labour comme les Tories envoient des émissaires chez les libéraux-démocrates. Les 1ers arguent de la bonne entente qui règne au sein de la coalition au Pays de Galles. Les 2nds se limitent à tâter le terrain au cas où.
Le Labour comme les conservateurs tentent tout ce qu’ils peuvent en la matière sans réel succès. Sur ce sujet, le débat de jeudi sur l’économie sera essentiel et constituera probablement un tournant.
Nick Clegg sort du bois.
Sujet devenu inévitable avec la percée des LibDems, l’avenir en cas de « Hung Parliament » est sur toutes les bouches. Les LibDems vont-ils s’allier aux travaillistes ou aux conservateurs ? Pour le Labour ou les Tories, cela n’arrivera pas ou plutôt, il faut tout faire pour l’éviter. David Cameron vient de lancer une campagne contre une telle idée. Gordon Brown, pris au piège par sa fameuse expression « I agree with Nick » transformée immédiatement en argument de campagne par les libéraux-démocrates, tente de s’en sortir. Officiellement, pas question de s’allier avec Nick Clegg qui a pris position contre une alliance avec le Labour si celui-ci arrivait 3e en nombre de voix au niveau national. Mise au point aujourd’hui du leader libéral-démocrate qui précise que ce cas de figure serait exceptionnel (un Labour 3e en voix mais 1er en sièges).
Nick Clegg préfère insister sur les problèmes que rencontreront ses adversaires au sein de leur propre parti et insiste sur le fait que la seule et réelle alternative est de voter LibDems. Pour lui, Gordon Brown sera en fâcheuse posture pour avoir mené son parti vers la plus grande défaite électorale qu’il ait connu depuis de très, très nombreuses années tandis que David Cameron sera fragilisé pour ne pas avoir pu obtenir une majorité et un poste qui devait lui revenir en héritage sans qu’il se soit occupé de ce que a pu se passer.
L’objectif du leader libéral-démocrate en cas de « Hung Parliament » est d’imposer les vues de son parti sur quelques sujets clés, au 1er rang desquels : la réforme du système électoral avec l’instauration d’une part de proportionnelle, le rééquilibrage fiscal avec une exonération de l’impôt sur le revenu des plus modestes compensé par une augmentation de celui des plus aisés et une politique ambitieuse dans le domaine environnemental pour faire entrer le Royaume-Uni dans les industries du secteur et créer de nouveaux emplois, non délocalisables.
Conclusion.
Le cadence augmente, et chacun fait de son mieux pour suivre et ne pas perdre des wagons en route. Malgré un récent tassement des libéraux-démocrates dans les récentes enquêtes, celui-ci se maintient à des niveaux historiquement élevés. Le débat de ce jeudi sur l’économie sera décisif. Gordon Brown sera là dans un secteur où il excelle, lui l’ancien Chancelier de l’Échiquier, et il peut apparaitre comme une personne responsable. David Cameron, lui aura fort à faire pour tenir le rythme avec un programme des Tories devenu, crise aidant, très interventionniste et social en matière économique. Nick Clegg, enfin, devra non seulement confirmer mais également se surpasser s’il veut créer une réelle surprise dans les urnes. Son programme très détaillé est son point fort. Mais saura-t-il être suffisamment bon pour convaincre de voter Liberal-Democrats. Réponse jeudi soir 21h30 heure de Paris, 20h30 heure de Londres.
mercredi 28 avril 2010
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