Une réforme des retraites qui ne passe pas, un contexte économique morose marqué par une rigueur budgétaire, une jeunesse dans la rue, des raffineries et des dépôts de carburant bloqués, des affaires politico-financières qui s’enchaînent mais surtout un profond sentiment d’injustice le tout face à un gouvernement qui déclare qu’il ne cèdera pas en dépit de manifestations massives, cela vous dit quelque chose ? Non, non, je ne parle pas du mouvement social actuel mais bel et bien des grèves de 1995, les « grandes grèves » comme les appellent avec beaucoup de nostalgie certains syndicalistes.
Bis repetita.
Tout était là, la France rincée par la crise du début des années 1990 ; l’Europe empêtrée dans une guerre des monnaies malgré la volonté de réaliser la monnaie unique et puis, et puis, la volonté d’un gouvernement de droite qui souhaite réaliser les promesses faites quelques mois plus tôt et réduire la fracture sociale. Mais de réduction de la fracture sociale, il n’en était point question. Alain Juppé, alors Premier ministre, est alors chargé de remettre la France dans le droit chemin, dans les « clous » pour continuer à accrocher le Deutschmark et, parvenir, in fine à réaliser la monnaie unique. Mais pour réaliser cet objectif, il fallait assainir les finances publiques particulièrement détériorée. Pas question de dévaluer puisque cela reviendrait à décrocher du DM et impossible d’avoir une politique de dépenses publiques pour soutenir l’activité rendue attone à cause de taux directeurs trop élevées calqués sur ceux du voisin allemand dont la BUBA tente de limiter la surchauffe conséquence de la réunification et de l’intégration à marche forcée de l’Allemagne de l’Est.
« Droit dans ses bottes », voilà donc le Premier ministre décidé à aller jusqu’au bout, prêt à endurer la colère des français, à braver le mécontentement populaire pour faire le boulot et réformer les retraites. Mais, durant cette période, ce sont les juges qui ont tendance à mettre leur nez dans les affaires de détournement des fonds publics et de financement occulte de partis politiques. Un climat malsain donc, sur lequel se greffe un mouvement social d’ampleur sur un thème toujours polémique : les retraites. Mais, à face à la surdité du gouvernement, à ce que l’on qualifie d’autisme, les syndicats ne désarment pas et parviennent à réunir plus de 2 millions de personnes dans les rues.
15 ans, et pas une ride.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, la France a connu une période d’embellie économique sous le gouvernement de Lionel Jospin avant de sortir d’une prospérité économique relative. En 2007-2008, l’explosion de la bulle économique conséquence de la spéculation sur les subprimes menace de faire imploser le système bancaire mondial. Craignant une nouvelle Grande dépression, les grands États se réunissent et se mettent d’accord pour inonder les marchés financiers de liquidité et éviter l’assèchement du système. Les grandes entreprises même celles qui ont des réserves se jettent sur ces réserves d’argent frais et peu cher comparé aux taux pratiqués par les banques. 2009, puis 2010 sont l’occasion d’une remontée, d’une sortie du gouffre tout comme 1994 et 1995 avait permis de sortir de celui de 1993. A chaque fois, une petite reprise économique mais une difficulté à créer de l’emploi de manière stable.
Tout comme en 1995 et contrairement à ce qui avait été affirmé en 2003 par François Fillon, alors ministre des affaires sociales et en 2007 par le candidat Sarkozy, une nouvelle réforme des retraites s’impose.
De cela, contrairement à 1995, les partenaires sociaux en conviennent, il n’est plus possible de laisser la situation des régimes de retraite en l’état. Le problème vient donc du contenu de la réforme en lui-même particulièrement injuste puisque faisant peser un poids insupportable sur les jeunes et ignorant tous les modestes de la réforme. Fini l’avantage pour les mères de famille ayant eu trois enfants ou plus et qui ont très souvent dû pour cela renoncer à une réelle carrière alors même qu’elles ont participé de ce fait à pérenniser le système par répartition. Aux oubliettes, la prise en compte de la pénibilité au travail, réduite aux seuls cas extrêmes ou presque. Ainsi, sans revenir sur tous les aspects de la réforme des retraites ; un profond sentiment d’injustice émerge, déjà suscité par les affaires politico-financières d’abus des avantages de fonction des ministres ; des cigares de Christian Blanc, aux enveloppes de liquide qui auraient été fournies par Lilliance Bettencourt à l’UMP, l’affaire Tapie et bien d’autres.
Tout comme en 1995, le président dit qu’il n’est pas question de changer les choses, que le projet sera voté et appliqué ; théorisant en somme, bien avant l’heure, des propos émis plus tard par Jean-Pierre Raffarin « Ce n’est pas la rue qui gouverne ». En regardant de plus près le discours tenu par les pontes de l’UMP, on ne peut s’empêcher de retrouver une certaine ressemblance ; pour ne pas dire, une ressemblance certaine avec les propos tenus en 1995.
Tout comme en 1995, les principaux protagonistes sont là. Bernard Thibaut, qui est passé de la direction de la branche SNCF de la CGT, à la direction de la CGT tout court. Nicolas Sarkozy qui a accédé enfin, à la fonction tant désirée et on pourrait citer encore bien d’autres exemples.
En somme, un contexte similaire avec des conséquences similaires comme le blocage des dépôts de carburant, des stations-essence à sec et un pays qui, s’il n’est pas encore paralysé, s’en approche dangereusement.
Les nouveautés de collection automne-hiver 2010.
Et comme en 1995, ces mécontentements prennent place à l’automne après un été où le gouvernement a tenté de faire avancer en douce son projet de « réforme des retraites ». La nouveauté de la version 2010 tient à la thématique sécuritaire. Marqueur du sarkozysme, elle a encore franchi un cap avec le désormais fameux « discours de Grenoble ». Peu importe que la France ait depuis perdu une partie de son lustre, il faut mobiliser son camp et au-delà à droite de sa droite. Inefficace en matière de sécurité et maintenant en matière de communication. Rien à faire, la mayonnaise ne prend plus. Il faut dire qu’avec un ex-ministre du Budget soupçonné d’avoir échangé des dons en liquide pour le parti dont il est trésorier contre une bienveillance fiscale envers la femme la plus riche de France et un ministre de l’Intérieur chargé de faire respecter les lois mais condamné pour injure raciale en première instance, il y a de quoi être troublé.
Ce marqueur sécuritaire, on le retrouve dans les méthodes destinées à faire plier le mouvement. Des réquisitions de carburant pour alimenter non seulement les services prioritaires mais aussi les stations essence de monsieur tout le monde. Des déblocages temporaires de carburant à grands renforts de CRS, l’usage des forces de l’ordre contre des jeunes jusqu’à alors plutôt calme, tout est fait pour envenimer la situation et aggraver la situation au lieu de l’arranger.
Autre nouveauté, corollaire de la première, la montée d’un sentiment de racisme latent, de populisme nauséabond, engendré par un ras-le-bol populaire face à l’intransigeance archaïque de la droite et l’absence de la gauche. Et donc, des extrêmes qui montent.
Que retenir ?
« L’histoire est un éternel recommencement » a-t-on l’habitude de dire. La réforme des retraites nous en offre une nouvelle occasion. Certes par rapport à 1995, le contexte a changé mais les fondamentaux de la colère populaire, eux, sont les mêmes : une colère profonde renforcée par un sentiment accru d’injustice. La question qui vaille étant de savoir jusqu’où et jusqu’à quand le mouvement pourra durer.
mardi 19 octobre 2010
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2 commentaires:
Hello, tu relates les faits et la proximité des situations, mais dans le fond, tu te situes comment par rapport à ce dossier ? Est-ce que ça ne sert pas à ça aussi un blog ? C'est vrai que présenter la réforme des retraites de façon isolée sans prendre le tps d'apprécier tous les pbs connexes, c'est certes voulu, mais complétement inepte. Plutôt qu'un résumé des faits j'aurais bien aimé une analyse fine de ce que la génération étudiante actuelle en pense.
Cdlt.
Certes, mais qu'elle est la vôtre ?
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