Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

lundi 22 novembre 2010

Ci-gît le développement durable.

Le remaniement du dimanche 14 novembre 2010 fut marqué par un resserrement sur la droite, enfin sur la famille UMP dont toutes les composantes conservatrices sont présentes. Plus de centristes ou presque, ces derniers passant de 5 à 2 ; plus de titre pour de ministre d’État pour le ministre chargé de l’Environnement et Jean-Louis Borloo qui quitte le gouvernement; mais l’essentiel n’est pas là. Si on observe avec un peu plus d’attention la lettre de cadrage du nouveau gouvernement qui définit les attributions précises dévolues à chaque ministère. Et là, surprise, on assiste à un dépeçage en règle du ministère du « Grenelle ».


Petit rappel historique.
En 2007, lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy signe le pacte écologique de Nicolas Hulot comme nombre d’autres candidats alors en liste dont Dominique Voynet, bien sur mais aussi Ségolène Royal ou François Bayrou. Lors de sa signature, le candidat Sarkozy fait un discours où il déclare qu’il ne peut y avoir de réel ministère du développement durable sans que le ministère de l’Énergie lui soit rattaché.


Le MEEDDAT.
En mai 2007 donc, en vertu d’un décret n°2007-995 du 31 mai 2007, le ministère dévolu à Jean-Louis Borloo prend l’acronyme de MEEDDAT pour ministère de l’Environnement, de l’Énergie du Développement Durable, et de l’Aménagement du Territoire. Le ministère recouvre donc les politiques liées aux grandes négociations internationales sur le climat ; mais aussi les pouvoirs de police en matière de chasse et de pêche, et cela a son importance de la mer sans oublier les compétences en matière de transport, d’urbanisme, d’équipement, de la mer.


Le MEEDDM.
Puis, premier changement après les élections européennes et l’entrée au gouvernement du sénateur MoDem Michel Mercier qui se voit octroyer le titre de ministre de l’Aménagement du territoire et de l’espace rural. A cette occasion, les compétences d’aménagement du territoire et d’équipement quittent dont le ministère de l’environnement pour se retrouver directement dans les mains du Premier ministre, François Fillon.

Le MEEDDAT devient donc le MEEDDM : ministère chargé de l’Environnement, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer. La perte de la compétence d’aménagement du territoire réduit l’importance du ministère et constitue un premier recul puisque la dimension symbolique de placer les grands projets sous la responsabilité du ministre de l’Environnement dénotait une certaine volonté de changer les lignes, quand bien même dans les faits, ce n’était pas le cas.


Le MEDDTL.
Dernière évolution donc avec la transformation du MEEDDM en MEDDTL ou plus joliment dit ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement). Le ministère perd au passage son titre de ministère qui lui conférait une importance protocolaire par rapport aux autres ministères.

Le ministère perd aussi d’autres compétences comme la mer et l’aménagement du territoire qui reviennent au ministère de l’agriculture, qui devrait récupérer aussi d’autres compétences.

Mais le plus important, le signal le plus fort est le transfert du ministère de l’Énergie du ministère de l’Environnement au tout nouveau ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique. L’Énergie passe d’un grand ministère de l’Environnement à Bercy. La différence ne tient pas seulement au passage d’une tutelle à l’Environnement à une tutelle par le ministère de l’Industrie symbolique comme nombre d’observateurs le font remarquer de la fin d’une ère favorisant les énergies renouvelables au nucléaire, mais bien du passage d’un ministère où les énergies renouvelables entraient dans une logique d’ensemble de lutte pour l’adoption d’un nouveau modèle de société avec un ministre important doté d’une forte personnalité à un logique industrielle favorisant le nucléaire. Les fonctionnaires de Bercy considérant, ainsi que le mentionne André Joffre : « les énergies nouvelles sont plutôt réputées coûteuses et superfétatoires ».


Un ministre bien orienté.
La personnalité du ministre est aussi en rupture. Tant Jean-Louis Borloo est reconnu comme une personnalité à forte tête (et il vient encore de le montrer en claquant la porte du gouvernement) et son charisme, tant Éric Besson est discret et servile ce qu’il n’a pas manqué de montrer au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Mais plus intéressant, si l’on regarde les compétences que pourrait avoir le nouveau ministre dans le secteur de l’Énergie, on peut voir que le député Éric Besson, élu dans la Drôme (département où se trouve notamment la centrale du Tricastin, récemment connue pour ses multiples accidents à répétition), fut un fervent défenseur de la filière nucléaire. Engagement dont il ne se dépare pas puisque fraichement nommé, il a confirmé sur Europe 1 que le nucléaire était « une chance extraordinaire pour la France », se présentant comme « un défendeur intransigeant » de la filière nucléaire. Comme personnalité, on ne faire pire à moins de prendre un employé d’Areva.

Autre inconnue, toujours pas résolue, la compétence sur le climat. A l’heure actuelle, personne n’est capable de dire si cette compétence dépend du ministère de l’Écologie ou du ministre de l’Industrie. L’enjeu est de taille puisque cette compétence se traduit par la qualité de négociateur dans les grandes conférences internationales dont celle de Cancun qui a pour ambition de trouver une solution là où Copenhague a échoué.

En d’autres termes, l’attribution de cette compétence déterminera le ministère qui récupèrera le label « Grenelle de l’environnement » et donc le succès relatif qui va avec. Le ministre compétent pouvant alors récupérer le travail effectué par Borloo pour son propre compte.


Conclusion.
Ce changement est loin d’être anodin. Il va avoir de lourdes conséquences en matière d’énergie mais aussi pour d’autres thématiques environnementales. L’occasion d’un prochain billet sur le sujet.

1 commentaire:

Zenon a dit…

Un peu de précision J-L Borloo n'a pas claqué la porte du gouvernement : il a refusé d'en être membre parce qu'il n'a pas obtenu les portefeuilles (1er ministre, ministre de l'économie) qu'il convoitait . Il était resté très silencieux quand N. Sarkozy avait déclaré que la politique de développement durable n'était plus une priorité du gouvernement ou lors du discours de Grenoble !