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samedi 12 février 2011

Mourbarak parti. Quel avenir pour l'Égypte ?

Vendredi 11 Février 2011, 17h, un moment marqué d'une pierre blanche dans l'histoire de l'Égypte. Lors d'une courte allocution télévisée, le vice-président Omar Souleymane a annoncé que le président de la République d'Égypte, Hosni Moubarak démissionnait de ses fonctions.
La veille au cours d'une allocution télévisée, Hosni Moubarak avait déjà amorcé le mouvement en annonçant le transfert d'une bonne partie de ses pouvoirs au vice-président Souleymane.


Une porte de sortie honorable.
Au cours de la journée de vendredi, la question n'était plus de savoir si Moubarak allait partir mais bel et bien de lui trouver une porte de sortie honorable afin d'éviter que la situation ne dégénère. Au cœur de cette transition, l'armée égyptienne. Depuis Nasser, son rôle est prépondérant. Tous les dirigeants égyptiens sont issu de ses rangs d'Anouar El-Sadate, Moubarak bien sur mais aussi le vice-président Souleymane. Le président du Conseil militaire suprême de l'armée, à qui le pouvoir a été confié, est le ministre de la Défense pilier du régime Moubarak. Bref, tous ceux qui comptent viennent de l'armée.

L'armée égyptienne qui a aussi joué un rôle majeur dans la « Révolution » en ne tirant pas sur la foule, mais en contenant les manifestants et en assurant leur sécurité. L'armée a donc une place très spéciale dans le pays et son rôle sera décisif. Déjà, elle a annoncé qu'elle ne confisquerait pas le pouvoir et garantirait la transition démocratique du pays. Mais justement quelle transition ?


Transition démocratique ou transition théocratique ?
Dans l'immédiat, l'armée n'a pas dissous l'exécutif actuel pour une bonne raison, il est, ainsi que précisé plus haut, presque intégralement composé de personnes qui sont issus de l'armée. L'autre explication tiendrait au maintien d'une certaine stabilité, essentielle dans cette période troublée. Dans l'immédiat donc, l'armée est chargée de « gérer les affaires courantes », autrement assurer la continuité de l'État. Elle devra ensuite garantir l'organisation d'élections « libres et démocratiques ». Le problème est de savoir qui sera à même d'assurer le pouvoir et de gouverner dans l'après Moubarak.

Les frères musulmans, interdits et dissous sous Moubarak existent toujours mais leur objectif est bien différent de celui de l'ancien président. Alliés objectif de la prise de pouvoir de Nasser, ces alliés de circonstance s'en sont bien vite désolidarisé car ils ne voulaient pas un État laïc mais une théocratie. Objectif depuis inchangé. Face à cela, aucune alternative sérieuse ou crédible ne s'est faite jour. El Baradeï, très connu à l'extérieur de l'Égypte et ancien prix Nobel de la paix, ne jouit que de peu de crédit au sein de la population égyptienne pour qui il reste en grande partie, un inconnu. Les autres options n'existent pas vraiment puisque Moubarak avait tout fait pour étouffer une quelconque opposition. Le risque d'avoir une théocratie est donc réel même s'il est probablement surestimé par l'Occident.


Les réactions étrangères.
Suite à ce départ, les réactions étrangères furent nombreuses. Les dirigeants européens se sont félicités de la transition démocratique. Dans des termes choisis, Nicolas Sarkozy et ses autres homologues ont félicité le peuple égyptien pour son courage et son désir de liberté.

En Israël, c'est la méfiance qui prédomine. Somme toute, à Tel-Aviv, on se satisfaisait fort bien de ce président, certes autoritaire, mais qui avait su maintenir coûte que coûte la paix entre l'Égypte et Israël.

La paix au Proche-orient, c'est l'enjeu crucial à l'aune duquel la Révolution égyptienne sera évaluée. Les premières déclarations américaines appelaient d'ailleurs, l'Égypte à respecter les accords de paix signés avec l'État hébreu.

Il est ainsi particulièrement intéressant de voir dans quels termes, Barack Obama s'est exprimé suite à la démission d'Hosni Moubarak. Très vindicatif depuis le début des évènements en Égypte, la diplomatie américaine a dû se retenir un peu face au mécontentement que suscitaient ses déclarations parmi les dirigeants arabes qui ont depuis longtemps sous-traités leur sécurité à l'oncle Sam en échange de leur coopération et qui apprécient peu de se voir lâcher par ceux-là même qu'ils ont soutenu, la plupart du temps contre leurs opinions publiques.

Dans sa déclaration donc, Barack Obama emploie des mots forts et se montre volontiers lyrique mais à aucun moment, ne dit de mauvais mot contre Hosni Moubarak. Signe que même dans les mauvais moments, l'Amérique reconnait le rôle important de l'ancien président de la stabilité politique au Moyen-Orient.


Conclusion.
Au final, tout change et rien ne change. L'armée égyptienne garde un rôle prépondérant, les démocraties occidentales, prudentes, souhaitent avant tout éviter que le Moyen-Orient ne s'embrase. Israël, plus inquiet que jamais, garde la main sur le M-16 et le doigt pas loin du bouton rouge. Les dirigeants des autres pays arabes, pas rassurés pour un sou par l'évolution de la situation égyptienne hésitent entre durcir le ton comme en Algérie ou lâcher du lest comme en Jordanie afin de se maintenir au pouvoir. En somme, dans cette région plus qu'ailleurs, rien n'est simple et bien malin est celui qui peut prédire l'évolution de la région. Une chose est néanmoins certaine, plus rien ne sera comme avant et un vent frais de liberté souffle sur une région qui en a été trop longtemps privée, ce qui n'est pas une mauvaise chose.

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