Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

jeudi 14 avril 2011

Nicolas Hulot y plonge un pied.

Finalement, il y va. Enfin, il se prépare à y aller. Nicolas Hulot a décidé d’annoncer qu’il serait candidat dans un discours prononcé à Sevran en Seine-Saint-Denis. Secret de Polichinelle, la plongée de l’animateur des émissions Ushuaia dans le grand bain de la politique est à analyser précisément. En effet, plutôt qu'une plongée, on s'aperçoit que l'animateur d'Ushuaia n'y plonge qu'un pied, certes assuré, mais un pied seulement.


Une analyse à chaud.
Arnaud Gossement, ardant partisan de la cause écologiste, s’est hasardé à une analyse à chaud. Si, parmi toutes les réactions de mes homologues blogueurs, j’ai choisi de rebondir sur la sienne, c’est que l’intéressé avait publié début mars un article sur le même Hulot où laissait entendre sans trancher que l’animateur d’Ushuaia n’allait pas se présenter.

Dans son article en réaction à la déclaration de candidature de Nicolas Hulot, Arnaud Gossement nous livre une analyse en deux temps, reflexe de juriste probablement.
1- Nicolas Hulot est une personnalité difficilement cernable et aux multiples facettes.
2- Nicolas Hulot tente de plonger dans le grand bain sans trop se mouiller.
Avant de conclure de façon pessimiste, que de regretter que l’animateur de télévision n’ait pas décidé de faire « pression sur tous les candidats ».

Je ne partage pas forcément la même analyse que mon homologue blogueur, excellent avocat mais moins à l’aise à mon sens sur le plan de l’analyse politique. Aussi, je vais tenter de vous livrer ma propre analyse sur la déclaration de candidature de Nicolas Hulot.


La déclaration.
En politique, rien n’est fait par hasard nous disait Franklin Roosevelt. L’annonce de candidature de Nicolas Hulot n’y a pas échappé. Revue des troupes en détails.


Où ?
Tout d’abord, le lieu : Sevran. Le lieu où l’on se déclare n’est jamais anodin comme le souligne le Figaro. En 1974, Giscard avait choisi Chamalières. Chirac en 1995 avait choisi Lille et la Voix du Nord alors que Balladur se ratait en direct de Matignon. Plus récemment, François Bayrou en 2006 avait fait la sienne dans son village natal avec les Pyrénées en arrière-plan.

Parfois même, le lieu de déclaration constitue un présage de la campagne à venir ou de l’après élection.

Ainsi, Giscard l’avait fait depuis la mairie de Chamalières, bâtiment aux allures de relais de chasse.
Chirac avait choisi la ville natale du général de Gaulle, Lille, ville socialiste certes, mais aussi lieu symbolique des racines gaullistes.
Balladur donc, l’avait fait sous les dorures de l’hôtel de Matignon, de manière un peu hautaine.
François Bayrou l’avait fait sur une modeste place de village, avec les Pyrénées en arrière-plan pour signifier son attachement à la France rurale mais peut-être aussi pour dire qu’il irait vers les sommets.

Nicolas Hulot a lui choisi Sevran, ville d’environ 47 000 habitants, une des communes les plus pauvres de France. Ville dont le maire vert Stéphane Gatignon s’était fait remarqué fin 2010 pour avoir fait prendre adhérer de nombreux tamouls, la veille de la clôture des adhésions permettant de participer au Congrès fondateur fusionnant Europe-Écologie et les Verts.


La scène.
Derrière l'animateur, la scène est vide, l’arrière-plan d’un vert fade, le pupitre gris mâtiné du même vert, l’éclairage très nettement insuffisant. La mise en scène donnerait de l’urticaire à n’importe quel permanent de parti ou metteur en scène. Bien qu’accessoire, le décor tout comme l’homme a son importance.


L’homme, sa posture.
Si la scénographie laisse à désirer, Nicolas Hulot en lui-même semblait mal à l’aise. On le serait à moins. Nicolas Hulot n’est pas un professionnel de la politique et ça se sent. Pire, on dirait qu’il en a oublié les bases que, pourtant, en tant qu’animateur, il se doit de connaître. Durant tout son discours, il a les yeux rivés sur son papier, décochant en de rares moments quelques regards vers le public.

Il prononce son discours sur une tonalité monocorde, peu engageante. On ne sent aucune passion dans sa voix, aucun espoir, rien. De quoi rendre apathiques les personnages principaux des Émotifs anonymes.


Le propos.
Une déclaration de candidature répond à des canons. On distingue schématiquement 3 temps :
1- Le constat de la situation. Souvent, les choses vont mal.
2- Les quelques problèmes que cette situation génère.
3- Une esquisse des solutions expliquant l’utilité de la candidature.

Nicolas Hulot reprend ces fameux canons. Dans sa phase de constat, il ne relève pas seulement que les choses vont mal, mais que la situation est alarmante et retrouve ici, les accents de son documentaire : « Le syndrome du Titanic ». Le problème est que ce même film n’avait pas connu un succès fou. Sortie au mauvais moment, il était désespérément alarmiste et n’offrait aucun signe d’espoir.

Son discours suit la même pente. Il pointe à juste titre les principaux problèmes générés par cette situation, insistant sur la nécessité de changer. Changement qu’il estime devoir s’appliquer à lui-même en candidatant.

Plus intéressant est le cœur de son discours. Le titre de cette partie est d’ailleurs révélateur : « L’heure est maintenant au changement de cap pour refonder de l’espoir ».
Mais d’espoir, je n’ai pas particulièrement vu ni entendu. Quant à changement de cap, il est certes présent mais pour aller vers où, mystère.
Nicolas Hulot entend plonger dans le grand bain et dépasser les clivages partisans mais sans y trop y tremper le pied. Aussi, son discours est parsemé de références à destination de tous les électeurs quelque soit leur tendance politique.

On y trouvera du François Bayrou comme « réhabiliter l’esprit public », « une transformation progressive des activités et des comportements » ; des expressions qui sonneront à l’oreille du sympathisant écologiste telles que « transition vers [une] société nouvelle, écologique ». Mais les électeurs socialistes y trouveront aussi leur compte « déployer la fiscalité plus équitablement », « réussir le changement, c’est réussir la diversité ». N’oublions pas non plus l’électeur de droite, quelque peu déboussolé ces derniers temps : « concourir à l’apaisement de la société en rassemblant ». L’engagement européen aussi, est présent.

En somme, et ainsi que le résumait la marionnette de Chirac aux Guignols en 1995 : « Mon programme, c’est un peu comme un buffet campagnard. Il y a de tout pour tout le monde en grande quantité. ». Un joyeux fourre-tout d’où émerge pourtant un rattachement léger, mais présent au courant écologiste.


Primaires des Verts : ira, ira pas ?
La candidature de Nicolas Hulot était sur toutes les lèvres, le voile est maintenant levé. Mais qu’en est-il de sa participation aux primaires des Verts ?
L’animateur n’y répond pas vraiment tout en laissant quelques indices. Ainsi : « je sollicite le soutien de l’ensemble des écologistes et notamment de mes amis d’Europe-Écologie, mais aussi plus largement… ».

Traduction : Nicolas Hulot est prêt à concourir aux primaires des Verts mais si le parti ne veut pas de lui, il ira quand même ce qui risque très certainement de se produire, les Verts étant très majoritairement favorables à la candidature d’Éva Joly. Cette dernière a d’ailleurs le soutien plein et entier de l’appareil politique qui l’a modelé à sa façon.


Autre difficulté : l’attitude vis-à-vis du centre.
De ces mots, on peut aussi distinguer autre chose : Nicolas Hulot entend se rattacher d’abord aux écologistes mais pas que… Traduction là encore : je veux bien être le candidat des Verts mais je ne veux pas me laisser enfermer dans un positionnement à gauche et je veux pouvoir m’associer au centre si je le souhaite. Ce positionnement est loin d’être sans issue. Les Grünen l’ont récemment montré, l’élargissement vers le centre est la clef pour conquérir le pouvoir.

Mais le hic est là ! Depuis la fusion entre Europe-Écologie et les Verts, les deuxièmes ont méthodiquement et froidement écarté ou converti tous les éléments provenant du monde associatif et de tendance centriste. Chez les Verts, on est à gauche ou on n’est pas !
Ce mot d’ordre a été et est régulièrement rappelé par Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé et les autres hiérarques du parti : on ne peut être qu’écologiste et de gauche.

Qu’importe que les élections européennes aient été remportées en mordant largement sur l’électorat centriste et démocrate, et que, depuis, le score des Verts se soient effondré, pas question de changement de positionnement. Qu’importe donc que le score moyen des Verts soit passé de 16% à 4% en moins de 2 ans en s'enfermant à gauche et que dans le même temps, les Grünen soit eux, passés de 10% à 25% en optant pour une stratégie d'ouverture au centre.


Conclusion : « Ensemble, bâtissons l’avenir ».
Mais au final, Nicolas Hulot a-t-il un avenir ? Sans vouloir jouer les devins, de nombreux éléments jouent contre. Le premier d’entre eux est aussi son principal atout : il est novice en politique. L’animateur a ses atouts mais dans la course dans laquelle il vient de se positionner les choses sont un peu plus complexe.

Pour donner une illustration, on peut dire qu’une présidentielle est un marathon que l’on doit courir à la même allure qu’un 100m en ligne. C’est long, intense, très dur physiquement et psychologiquement épuisant. Cela, on ne peut le savoir si l’on n’a jamais fait campagne. Une campagne présidentielle demande aussi une solide préparation et une organisation au millimètre. En somme, tout un tas de choses qu’il n’a pas.

Enfin, et l’on en revient au premier point, une campagne présidentielle est une campagne politique. Or, en politique, il y a une sorte de code tacite à respecter, des règles qui s’imposent. Ne pas les respecter, c’est mourir et sortir du jeu. Et, ainsi que le disait Churchill, la politique est pire que la guerre car l’on y meurt plusieurs fois. Respecter les règles n’assure certes pas de gagner mais permet de survivre le plus longtemps possible et d’éviter le tête-à-queue. Tous doivent s’y plier, les plus grands comme les plus humbles, un peu comme le bushido s’imposait aux samouraïs (il n’est d’ailleurs pas exclu que la lecture de ce dernier soit complètement inutile aux candidats). Et toute écart se pait cher.

J'y reviendrai en détails lors de prochains articles.

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