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lundi 3 décembre 2018

Des voisins remuants, un allié instable



 Alors que la France et l’Europe commémoraient le centenaire de la fin de la Première Guerre Mondiale, la Mission Lille Eurométropole Défense Sécurité (MLEDS) organisait le jeudi 25 octobre 2018 en coopération avec l’institut Notre Europe et le corps de réaction rapide France (CRR-Fr), les VIIIe ateliers de la Citadelle à Lille.


Le thème, cette année : « L’Europe de la Défense dans un monde de brutes » abordé dans le cadre de deux tables rondes : « Spirale de la Guerre Froide ou crise atlantique » et « Missions et venir de l’Europe stratégique ».
   Au-delà des constats, la question principale qui se pose est celle de la réaction à avoir face à enjeux.


Changement de perception
     Dans un contexte mondial et régional instable, l’Union Européenne et l’Europe en général étaient vues [u1] comme un pôle de stabilité, d’équilibre qu’il fallait rejoindre (pour les pays d’Europe centrale et orientale ou Turquie), encourager ou dialoguer. Plus maintenant.

Depuis la révolution orange en Ukraine[1] (2004-2005) puis avec les mouvements de Maïdan[2] (2013), la Russie[3] considère que l’Union n’est pas un simple voisin pacifique mais un ennemi bien plus problématique que l’OTAN et tente par diverses manœuvres (annexion de la Crimée et d’une partie de la Géorgie, soutien à peine voilée aux séparatistes du Donbass notamment) de se créer un « glacis » protecteur tout en déstabilisant les démocraties européennes via des vecteurs d’influence comme Russia today[4] [5] (chaine d’informations en continue financée par le pouvoir russe) ou en tentant d’influer sur les scrutins européens (fausses nouvelles, messages trompeurs diffusés sur les réseaux sociaux).

Au sud de la Méditerranée, les révolutions arabes ont conduit pour partie à un renforcement ou un retour des régimes autoritaires[6] mais surtout à une instabilité renforcée par l’enjeu migratoire qui constitue pour l’Europe, une ligne de fracture autant interne qu’externe.

A cela, s’ajoute le rejet par Donald Trump du multilatéralisme pratiqué par ses prédécesseurs et en particulier pour tout ce qu’a pu accomplir Barack Obama.

Au milieu de ces problèmes, l’Union doit à cela ajouter la sortie du Royaume-Uni du club européen et les populistes italiens bien décidé à faire voler en éclats le cadre budgétaire fixée au national.  Ce n’est pas pour autant la fin ainsi que le démontre les récentes manœuvres Trident juncture[7] [8] [9] [10], entre opérationnels de l’OTAN, la coopération fonctionne toujours très bien. Le problème se pose surtout sur le plan de la légitimité démocratique depuis qu’un cadre de la Maison blanche a publié une tribune anonyme dans le New York Times[11] [12] [13] où il indique que l’entourage de Donald Trump n’hésitait pas à lui dissimuler des documents et des informations pour préserver les intérêts.

Intérêts qui sont plus marqués par un affrontement ravivé entre les États-Unis d’Amérique et la Russie sur fond d’enquête fédérale pour collusion avec la Russie de l’entourage du président Trump. L’Europe n’étant au final, que quantité négligeable dans l’opposition entre son allié et son grand voisin oriental. L’ingérence russe dans les élections américaines[14] clairement admise par les différents services de renseignement montre d’ailleurs que l’Europe n’est plus forcément un lieu d’affrontement, l’affrontement entre États-Unis/Russie se déplaçant pour partie vers une cyber-guerre bien moins visible.

Tous ces changements induisent donc une réponse européenne mais laquelle.


Réveil difficile pour la Défense en Europe
     Vieux serpent de mer, l’Europe de la Défense semble toujours bloquée dans une sorte de purgatoire entre projets qui ne marchent mais que l’on garde, projets qui marchent mais qui ne sont pas soutenus et autres ainsi que le souligne Nicolas Gros-Verheyde du site Bruxelles2, site référence sur les questions de défense.

https://twitter.com/bruxelles2/status/1060580712456306688

 
Prise en deux feux, l’Europe de la Défense pâtit de cette déconnexion entre décisionnaires et opérationnels. Déconnexion qui pose un certain nombre de questions et la met face à ses contradictions en matière de Défense notamment sur les achats de matériel comme  le montre l’achat par la Belgique de F-35 pour remplacer sa flotte de chasseurs F-16 vieillissants.



Si auparavant, acheter du matériel militaire américain revenait peu ou prou à s’acheter une police d’assurance en matière de Défense, ce n’est plus le cas. La solution de facilité qui consistait à déléguer à l’allié américain la sécurité de l’Europe à moindre prix, correspondait par ailleurs à la volonté américaine d’avoir des armées européennes suffisamment fortes pour servir de forces d’appoint à l’armée américaine pas suffisamment pour se passer des troupes américaines.

Ainsi, en dépit de leurs réticences tant financières que culturelles et morales, bon nombre de pays européens se sont rendus à l’évidence que l’oncle Sam n’est plus si fiable qu’il ne l’était. Et, dans le doute, se sont mis récemment à plancher si ce n’est à une armée européenne, tout du moins à des projets pour avancer concrètement via l’initiative européenne de Défense (IEI) proposée par le président de la République française, Emmanuel Macron lors de son discours de la Sorbonne[15] du 26 septembre
2017 : « je propose dès à présent d’essayer de construire cette culture en commun, en proposant une initiative européenne d’intervention visant à développer cette culture stratégique partagée. ».

Les participants à cette initiative, qui se sont réunis à Paris en amont des commémorations du centenaire de l’armistice de 1918, sont bien conscients que cette coopération ne constitue pas une révolution mais qu’avoir un cadre de discussion pour rapprocher les points de vue et les cultures militaires est toujours bon à prendre.

En effet,  la création d’une pensée militaire commune est tout aussi importante que la mise en place d’une industrie de défense commune. Pressés par leur allié américain de sortir le portefeuille pour mettre à niveau leurs armées et ainsi soulager l’effort américain, les Européens doivent être conscients que leur sécurité ne sera durablement assurée que s’ils disposent d’une réelle industrie militaire. Industrie qui reste à construire. A ce titre, la difficile naissance du système européen de positionnement par satellite, Galileo et les difficultés rencontrées pourrait servir de leçon et faire gagner un temps précieux aux Européens.

Mais, là encore, plus que techniques, les obstacles sont surtout culturels. Les récentes réactions allemandes suite à l’assassinat d’un journaliste saoudien qui s’était exilé aux États-Unis par son propre pays en sont un parfait exemple. En annonçant que l’Allemagne, via l voix de son ministre de la Défense Heiko Mass (SPD)[16] [17], suspendait ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, Berlin a encouragé Paris à faire de même. Vœux que le président français a immédiatement douchés en déclarant que si ce devait être le cas, il faudrait aussi suspendre les exportations de voitures aux Saoudiens. Voitures qui, comme par hasard, constituent d’importantes exportations allemandes vers ce pays.

Une certaine avancée
Si l’on peut déplorer les obstacles précités, il n’en reste pas moins que de belles avancées ont pu être réalisé ainsi que le note Nicolas Gros-Verheyde avec le renforcement de la planification militaire au niveau européen[18], le renforcement du pilier civil de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ou le fonds européen de défense dont l’existence montre un réel changement au sein de la Commission qui considérait encore il y a peu que les questions de Défense n’était pas un sujet dont elle devait se préoccuper.


Si l’Europe de la Défense est encore loin de répondre aux enjeux auxquels elle est confrontée, le sujet est maintenant sur la table.

Page facebook de la MLEDS : https://www.facebook.com/MLEDS/
Page facebook du CRR-Fr : https://www.facebook.com/CRRFr/

[3] Pour plus d’informations, voir l’analyse de Nicolas Gros-Verheyde du site Bruxelles 2 : https://www.bruxelles2.eu/2018/11/11/menaces-une-violente-epee-de-damocles-au-dessus-de-la-tete-des-europeens/

dimanche 5 juillet 2015

Non !



Aujourd’hui la Grèce va devoir répondre « OUI » ou « NON » par referendum à une question posée par le gouvernement grec.

 La question étant : 
« Le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international lors de la réunion de l’Eurogroupe du 25 juin 2015, qui comprend deux parties et constitue leur proposition commune, doit-il être accepté ? Le premier document est intitulé Réformes pour l’achèvement du programme actuel et au-delà et le second Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette" ».

Une décision difficile à laquelle, il convient pourtant de répondre « NON ».


« Pourquoi nous vous demandons de voter « NON » au referendum », Yanis Varoufakis.
Souvent, les gouvernements convoquent un referendum pour demander l’approbation de leur population. Dérogeant à cette « tradition », Alexis Tsipras, a lui convoqué un referendum pour demander à sa population de voter « NON ». Une position qu’il a expliquée lors d’une intervention à la télévision nationale grecque et que son ministre des Finances, Yanis Varoufakis résume en 6 points :

« 1. Les négociations ont échoué par les créanciers de la Grèce ont
(a) refusé de réduire notre insoutenable dette publique, et ;
(b) ont exigé qu’elle soit payé « intégralement » par les membres les plus fragiles de notre société, les enfants et leurs grands-parents.


2. Le FMI, le Gouvernement des États-Unis d’Amérique, de nombreux autres gouvernements dans le monde et la plupart des économistes indépendants ont la conviction - conjointement à nous - que cette dette doit être restructurée.

3. L’Eurogroupe a précédemment admis (en novembre 2012) que cette dette devait être restructurée tout en se refusant à la restructurer en pratique.

4. Depuis l’annonce du referendum, les instances européennes ont indiqué qu’elles étaient ouvertes à une discussion sur la renégociation de la dette grecque. Ces propositions montrent que les instances européennes refuseraient aussi cette « proposition de la dernière chance ».

5. Le Grèce restera dans l’Euro. Les dépôts dans les banques grecques sont sûrs. Les créanciers ont opté pour la stratégie du pire fondée sur la fermeture des banques. L’impasse actuelle est la conséquence de ce choix des créanciers et non du Gouvernement grec qui aurait rompu les négociations ou d’un souhait de « Grexit » et d’une dévaluation. La place de la Grèce dans la zone euro et dans l’Union Européenne n’est pas négociable.

6. L’avenir exige une Grèce fière d’être au sein de la zone euro et au cœur de l’Europe.
L’avenir exige que les Grecs disent un grand NON dimanche, que nous restions dans l’Euro.
Seulement, et seulement, en fonction du pouvoir conféré par ce NON, nous pourrons renégocier la dette publique grecque ainsi que de la répartition de l’effort à consentir entre les plus favorisés et les plus faibles
. »


Les autres raisons de voter « NON ».
Il peut paraître surprenant d’entendre d’ardents partisans de l’Europe défendre l’idée qu’il faut dire rejeter le plan d’aide proposé par les créanciers de la Grèce, créanciers européens d’ailleurs puisque le FMI ne peut statutairement pas renégocier les emprunts consentis à la Grèce.

En réalité, voter « NON », ce n’est pas seulement voir la réalité en face qui est que la Grèce ne remboursera jamais sa dette. Voter « NON », c’est surtout décider de quelle manière l’argent mis sur la table par l’Europe doit être perdu car il sera perdu.

La question du referendum se pose aussi aux Européens : devons-nous perdre notre argent à faire souffrir la Grèce ou devons-nous perdre notre argent à l’aider ?

L’enjeu est en effet là puisqu’il y a que Wolfgang Schaüble pour croire que la Grèce pourra rembourser ses emprunts. Il ne faut pas oublier que les Européens sont aussi responsables de la situation puisque cela fait 40 ans qu’ils ferment les yeux sur la décomposition de la vie politique grecque, France et Allemagne en tête. Qui a montré le mauvais exemple en refusant d’être sanctionné pour le non-respect des règles ? La France et l’Allemagne.
Pour quel motif ? Leur économie n’était pas à l’époque en grande forme.

Avant de faire des Grecs les seuls responsables de leur situation, il convient aussi que nous nous regardions dans la glace et que nous examinions notre propre responsabilité dans la situation. Et même si nous ne partageons pas l’orientation politique du gouvernement porté au pouvoir par les Grecs en janvier 2015, nous devons constater que, pour la première fois, nous avons un Gouvernement solide et décidé en face de nous qui a commencé à mettre en place des mesures fiscales qui font rentrer l’impôt dans les caisses de l’État grec et qui s’est enfin montré déterminé à lutter contre la corruption.


Ensuite, parce que cet épisode a fait sortir du bois tous ceux qui refusent à ce que l’Europe se démocratise. Au premier duquel, le président du Parlement européen, Martin Schultz, qui entend « 
en finir avec l’ère Syriza » et souhaite « [qu’]un gouvernement de technocrates » remplace le gouvernement mené par Alexis Tsipras. Ambiance…


Un saut dans l’inconnu.
Alors, oui, voter « NON » est un risque, un considérable risque, un saut dans l’inconnu. Nul n’est capable de prédire ce qu’il se passera lundi si le « NON » l’emporte. La peur est grande chez les citoyens grecs de franchir le pas et d’assumer leur position qui est de dire « ASSEZ ! ». Cette position, de nombreux européens la partagent. En Espagne bien sûr, mais aussi dans toute l’Europe, nombreux sont les Européens à dire qu’ils en ont assez de cette Europe qui fait souffrir, de cette Europe de comptables, de cette Europe sans cœur, dépourvue de toute humanité qui a fait de la Méditerranée un cimetière.

Souvenons-nous pourquoi nous avons fait l’Europe ? Pourquoi au lendemain d’un gigantesque massacre, certains ont concrétisé cette idée ?

La réponse est dans la PAC, qui a permis aux Européens de manger à leur faim ; dans l’espace Schengen qui leur a permis d’aller d’un pays à l’autre sans plus se soucier des frontières ou encore d’Erasmus qui a permis à de nombreux jeunes d’aller étudier dans un autre pays, liant ainsi chaque jour un peu plus notre destin à celui de nos voisins.

L’avenir de l’Europe passe donc par un « NON » ce dimanche en Grèce.

mercredi 21 septembre 2011

Le nucléaire français condamné ?


Quel place pour le nucléaire en France et plus largement en Europe après le revirement allemand et la confirmation italienne de renoncer au nucléaire ?



Changement d'ère ?
Incontestablement, moindre. Tout du moins, au premier abord. N’oublions pas que parallèlement au renoncement de certains pays, auparavant déjà engagés dans la sortie du nucléaire tel que l’Allemagne ou l’Italie, d’autres comme la Finlande, le Royaume-Uni et la France se sont, eux, lancés dans un processus de renouvellement de leurs centrales vieillissantes. Décision qu’ils n’ont pas remis en cause, loin de là après Fukushima. Au contraire, il l’a justifie en précisant que la technologie européenne du nucléaire, plus sûre, conforte leur choix.

L’Allemagne a-t-elle donné le signe qu’un changement européen drastique allait s’opérer en matière de politique énergétique ? Oui et non. Oui, car incontestablement, le retournement si rapide d’un grand pays sur une question aussi importante n’est pas à négliger. Non, car, comme après chaque catastrophe, la sécurité s’accroit. Pour le nucléaire, ce dernier facteur justifiera des prix de l’énergie en hausse.



Fin de l'exception française ?
Reste le levier du droit communautaire de l’énergie qui occupe une place substantielle. Selon Arnaud Gossement, la position française n’est plus tenable et qu’à terme, des changements drastiques influenceront la France sur le nucléaire. Certes, le droit de l’énergie est le résultat en bonne partie du travail réalisé au plan communautaire. Et effectivement, la France, ces derniers temps, a été marginalisée, mais c’est plus par sa volonté d’en rester au statut quo ou de s’en tenir à de timides réformes que la France s’est distinguée. Quelques concessions en matière de sûreté nucléaire aideront à faire oublier cet épisode.

La spécificité française en matière nucléaire n’est pas unique, plusieurs autres pays européens veulent soit la maintenir pour ne pas dépendre de la Russie, comme en Europe de l’Est, soit la développer pour assurer leur consommation d’énergie comme le Royaume-Uni. La France n’est donc pas seule et il serait un peu présomptueux d’estimer que le droit communautaire remettrait en cause la spécificité française. Tout simplement, parce le choix français du nucléaire relève d’une décision politique majeure, un des rares enjeux pour lesquels les États ont gardé leur souveraineté.

On a d’ailleurs bien vu qu’il était plus que compliqué de changer les choses lors des négociations à propos du paquet climat-énergie. La Pologne et plusieurs autres pays ont freiné des quatre fers et ont faillit faire capoter le projet. Ajoutons la France et le Royaume-Uni à ces pays et le mélange s’avèrerait plus compliqué à changer qu’il n’y parait.


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Crédit photo : ~ Pil ~

mercredi 17 août 2011

France-Allemagne, le moteur en panne.

Attendu, le sommet entre le président français et la chancelière, l'était, mais plus encore les propositions dont ils devaient accoucher, et ainsi rassurer « les marchés ». Marchés bien ingrats puisqu'ils ont réagi par la négative ; l'euro retombant sous la parité $ 1,44 pour 1 €, le Dow Jones et le Nasdaq, les deux indices phares de la bourse de New York suivant eux aussi à la baisse. Mais pourquoi donc puisque, somme toute, les deux dirigeants sont parvenus à un accord rapide sur des propositions concrètes ?

La réalité est à la fois simple et complexe mais peut être résumé en une phrase : le moteur franco-allemand est en panne au bord de la route.

Alors que l'occasion n'a jamais été aussi belle de lancer l'Europe fédérale et de faire un grand pas, nos dirigeants se contentent d'un surplace dévastateur. Mais examinons donc ces fameuses propositions.


Et d'un coup ? Rien.
Suite à leur rencontre bilatérale, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont fait quatre propositions que voici :
1- un gouvernement économique de la zone €uro ;
2- une taxe sur les transactions financières ;
3- l'adoption de la « règle d'or » par les 17 États membres de la zone €uro;
4- l'émergence, à terme, d'un impôt sur les sociétés franco-allemand.

Reprenons donc ces propositions.

Un gouvernement économique de la zone €uro.
Cette proposition doit montrer un renforcement de la cohésion des politiques économiques entre États-membres de la zone €uro. Le problème est que cette gouvernance existe déjà. En effet, un structure de gouvernance a déjà été mis en œuvre suite aux précédents problèmes rencontrés par l'€uro. Son nom ? L'Eurogroupe. D'abord tournante, la présidence de cette structure est devenue plus définitive avec l'élection d'un président pour 2 ans et demi. Ce président est choisi parmi les membres du Conseil de l'Union européenne dans sa forme économique. Actuellement, il s'agit du Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Paul Juncker.

Aucun changement dans la structure profonde qu'aurait cette instance de gouvernement puisque ce serait toujours une structure intergouvernementale. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel viennent donc de réinventer l'Eurogroupe. Bravo.


Une taxe sur les transactions financières.
Maintes fois évoquée, mais toujours reportée pour d'obscures et subtiles raisons, l'idée d'une taxe marginale sur les flux de capitaux afin de limiter la spéculation tout en permettant de dégager des ressources permettant de stabiliser l'économie est revenue en grâce ces derniers temps. Beaucoup jugeaient son application possible uniquement si tous les États l'appliquaient au risque, dans le cas contraire, de pousser à l'évasion des capitaux.

Le même raisonnement a été appliqué, peu ou prou, à une autre taxe. Cette taxe, c'est celle qui s'applique actuellement sur les billets d'avion et qui a permis de dégager des ressources et pérennes bien que toujours insuffisantes pour lutter contre les grandes épidémies. Loin d'avoir impacté lourdement le secteur aérien, cette taxe ne semble avoir eu aucun effet sur la croissance du trafic aérien, à tel point que les pays l'appliquant songent à l'augmenter afin d'accroitre les ressources du fond précité.

Mais, là encore, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy enfoncent une porte ouverte. En effet, cette bonne résolution intervient plus de 5 mois après l'adoption par le Parlement européen au mois de Mars d'un texte en ce sens. Une différence de taille toutefois. La résolution du Parlement européen va beaucoup plus loin ! Pêle-mêle, elle demande de mettre un frein au néo-libéralisme effréné en accroissant les protections et l'approfondissement du marché intérieur ou encore la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux qui y sont associés.

Nicolas Sarkozy dont la tolérance vis-à-vis de la fraude fiscale des plus aisés et dont l'inventivité l'a poussé à créer de nouveaux paradis fiscaux dans les départements français d'outre-mer devrait s'en rappeler.


L'adoption de la règle d'or.
Nouvelle marotte de nos dirigeants qui citent l'exemple allemand pour généraliser l'austérité, l'instauration de la « règle d'or » est loin d'être la solution aux problèmes actuels. Pire, elle devient un problème dans des économies qui ont d'urgence besoin d'un stimulus économique de grande ampleur. Notre situation actuelle n'est pas si différente de l'après jeudi noir. Enfin si, les États sont venus au secours des banques et ont évité une panique bancaire généralisé en ouvre en grands les vannes de liquidités au lieu de les fermer. Résultat les banques ont été sauvées mais au lieu de prêter l'argent reçu, les institutions financières ont sagement rangés les milliards dans leurs coffres empêchant ainsi tout redécollage économique. Les États devront donc quoi qu'il advienne intervenir de nouveau.

Dans ce contexte, l'adoption de la « règle d'or » relève de la folie douce. Et quand bien même les États-membres de la zone €uro décideraient de se réformer en profondeur, ils auraient besoin de s'endetter pendant quelques années afin justement de mener ces réformes de structure. Et ces réformes demandent des fonds non négligeables en plus d'une culture du dialogue. Nombreux sont les États à avoir tenté de se réformer à fonds constants, rare sont ceux à être arrivés. La réduction des dépenses intervient, en effet, dans un deuxième temps lorsque les réformes de structure ont été intégrés mais avant, elles coûtent.


L'émergence d'une fiscalité commune sur les entreprises.
Proposition dont on a le moins parlé et pour cause, la convergence de la fiscalité sur les entreprises entre la France et l'Allemagne serait un premier pas vers une réelle fiscalité européenne. « Serait »? Oui, « serait », car il ne s'agit, pour le moment que d'une piste de réflexion. Traduction : rien n'est fait mais on y pense sérieusement. C'est déjà ça diront les optimistes, ce n'est qu'une promesse rétorqueront les autres. N'oublions pas que l'idée est déjà sur la table depuis un moment. Proposée par la Commission européenne depuis des années afin que l'Europe dispose de ressources indépendantes du budget des États, l'idée n'avait rencontré que peu d'écho. Certains États comme l'Irlande s'y opposant farouchement, même au bord de l'asphyxie financière en 2008. Pour ne pas avoir à augmenter cet impôt, le gouvernement de Brian Cowen ayant préféré tailler dans les dépenses sociales notamment envers les plus défavorisés.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Que la France et l'Allemagne ne fassent qu'envisager une telle mesure est déjà un progrès considérable vu les positions de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.


Conclusion.
De ce sommet franco-allemand, les « marchés » attendaient bien peu et ils en ont eu pour leur argent en termes de déception. Bloqués sur leurs positions en attendant les scrutins électoraux de 2012 pour la France, et 2013 pour l'Allemagne; le président de la République française et la chancelière allemande font aussi face à des coalitions parlementaires qui s'effritent. Merkel n'a pas de majorité sur le sujet de la crise de l'euro et des solutions à y apporter. Nicolas Sarkozy, grâce à la constitution de la Ve République tient encore les rênes même si le Parlement ne lui est pas totalement acquis et qu'il est probable qu'il le lui soit encore moins à la fin de l'année, une fois les élections sénatoriales passées.

Des deux côtés du Rhin, on s'observe en chiens de faïence alors que l'occasion se présente de pousser vers une Europe fédérale. Les marchés veulent une solution pérenne et non un nouveau plan à chaque coup de vent. Les citoyens souhaitent eux-aussi une plus grande sécurité économique et sociale et sont plus européens que leurs dirigeants comprenant tout l'intérêt qu'il y aurait à avoir des solutions communes. Mais voilà, le couple franco-allemand actuel est dirigé par deux personnes pas plus enthousiasmé que cela par la perspective de renforcer l'Union.

Dommage !