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dimanche 5 juillet 2015

Non !



Aujourd’hui la Grèce va devoir répondre « OUI » ou « NON » par referendum à une question posée par le gouvernement grec.

 La question étant : 
« Le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international lors de la réunion de l’Eurogroupe du 25 juin 2015, qui comprend deux parties et constitue leur proposition commune, doit-il être accepté ? Le premier document est intitulé Réformes pour l’achèvement du programme actuel et au-delà et le second Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette" ».

Une décision difficile à laquelle, il convient pourtant de répondre « NON ».


« Pourquoi nous vous demandons de voter « NON » au referendum », Yanis Varoufakis.
Souvent, les gouvernements convoquent un referendum pour demander l’approbation de leur population. Dérogeant à cette « tradition », Alexis Tsipras, a lui convoqué un referendum pour demander à sa population de voter « NON ». Une position qu’il a expliquée lors d’une intervention à la télévision nationale grecque et que son ministre des Finances, Yanis Varoufakis résume en 6 points :

« 1. Les négociations ont échoué par les créanciers de la Grèce ont
(a) refusé de réduire notre insoutenable dette publique, et ;
(b) ont exigé qu’elle soit payé « intégralement » par les membres les plus fragiles de notre société, les enfants et leurs grands-parents.


2. Le FMI, le Gouvernement des États-Unis d’Amérique, de nombreux autres gouvernements dans le monde et la plupart des économistes indépendants ont la conviction - conjointement à nous - que cette dette doit être restructurée.

3. L’Eurogroupe a précédemment admis (en novembre 2012) que cette dette devait être restructurée tout en se refusant à la restructurer en pratique.

4. Depuis l’annonce du referendum, les instances européennes ont indiqué qu’elles étaient ouvertes à une discussion sur la renégociation de la dette grecque. Ces propositions montrent que les instances européennes refuseraient aussi cette « proposition de la dernière chance ».

5. Le Grèce restera dans l’Euro. Les dépôts dans les banques grecques sont sûrs. Les créanciers ont opté pour la stratégie du pire fondée sur la fermeture des banques. L’impasse actuelle est la conséquence de ce choix des créanciers et non du Gouvernement grec qui aurait rompu les négociations ou d’un souhait de « Grexit » et d’une dévaluation. La place de la Grèce dans la zone euro et dans l’Union Européenne n’est pas négociable.

6. L’avenir exige une Grèce fière d’être au sein de la zone euro et au cœur de l’Europe.
L’avenir exige que les Grecs disent un grand NON dimanche, que nous restions dans l’Euro.
Seulement, et seulement, en fonction du pouvoir conféré par ce NON, nous pourrons renégocier la dette publique grecque ainsi que de la répartition de l’effort à consentir entre les plus favorisés et les plus faibles
. »


Les autres raisons de voter « NON ».
Il peut paraître surprenant d’entendre d’ardents partisans de l’Europe défendre l’idée qu’il faut dire rejeter le plan d’aide proposé par les créanciers de la Grèce, créanciers européens d’ailleurs puisque le FMI ne peut statutairement pas renégocier les emprunts consentis à la Grèce.

En réalité, voter « NON », ce n’est pas seulement voir la réalité en face qui est que la Grèce ne remboursera jamais sa dette. Voter « NON », c’est surtout décider de quelle manière l’argent mis sur la table par l’Europe doit être perdu car il sera perdu.

La question du referendum se pose aussi aux Européens : devons-nous perdre notre argent à faire souffrir la Grèce ou devons-nous perdre notre argent à l’aider ?

L’enjeu est en effet là puisqu’il y a que Wolfgang Schaüble pour croire que la Grèce pourra rembourser ses emprunts. Il ne faut pas oublier que les Européens sont aussi responsables de la situation puisque cela fait 40 ans qu’ils ferment les yeux sur la décomposition de la vie politique grecque, France et Allemagne en tête. Qui a montré le mauvais exemple en refusant d’être sanctionné pour le non-respect des règles ? La France et l’Allemagne.
Pour quel motif ? Leur économie n’était pas à l’époque en grande forme.

Avant de faire des Grecs les seuls responsables de leur situation, il convient aussi que nous nous regardions dans la glace et que nous examinions notre propre responsabilité dans la situation. Et même si nous ne partageons pas l’orientation politique du gouvernement porté au pouvoir par les Grecs en janvier 2015, nous devons constater que, pour la première fois, nous avons un Gouvernement solide et décidé en face de nous qui a commencé à mettre en place des mesures fiscales qui font rentrer l’impôt dans les caisses de l’État grec et qui s’est enfin montré déterminé à lutter contre la corruption.


Ensuite, parce que cet épisode a fait sortir du bois tous ceux qui refusent à ce que l’Europe se démocratise. Au premier duquel, le président du Parlement européen, Martin Schultz, qui entend « 
en finir avec l’ère Syriza » et souhaite « [qu’]un gouvernement de technocrates » remplace le gouvernement mené par Alexis Tsipras. Ambiance…


Un saut dans l’inconnu.
Alors, oui, voter « NON » est un risque, un considérable risque, un saut dans l’inconnu. Nul n’est capable de prédire ce qu’il se passera lundi si le « NON » l’emporte. La peur est grande chez les citoyens grecs de franchir le pas et d’assumer leur position qui est de dire « ASSEZ ! ». Cette position, de nombreux européens la partagent. En Espagne bien sûr, mais aussi dans toute l’Europe, nombreux sont les Européens à dire qu’ils en ont assez de cette Europe qui fait souffrir, de cette Europe de comptables, de cette Europe sans cœur, dépourvue de toute humanité qui a fait de la Méditerranée un cimetière.

Souvenons-nous pourquoi nous avons fait l’Europe ? Pourquoi au lendemain d’un gigantesque massacre, certains ont concrétisé cette idée ?

La réponse est dans la PAC, qui a permis aux Européens de manger à leur faim ; dans l’espace Schengen qui leur a permis d’aller d’un pays à l’autre sans plus se soucier des frontières ou encore d’Erasmus qui a permis à de nombreux jeunes d’aller étudier dans un autre pays, liant ainsi chaque jour un peu plus notre destin à celui de nos voisins.

L’avenir de l’Europe passe donc par un « NON » ce dimanche en Grèce.

dimanche 7 août 2011

Le marasme de la dette.

Ils ont osé ! Après maintes menaces et tergiversations, les agences de notation financière ou plutôt une d’entre elles, Standard & Poor’s, a rétrogradé la note de la dette publique américaine du AAA, note la plus sûre attestant d’un risque nul, à AA+. Immédiatement, l’administration américaine a réagi en contestant vivement cette décision, la trouvant non justifiée, pour une bonne simple et raison : cela va mécaniquement renchérir le coût du recours aux marchés, donc de l'emprunt, pour l’oncle Sam. Toutefois, si on regarde un peu plus attentivement les choses, on s’aperçoit que la note des États-Unis d’Amérique aurait dû être dégradée depuis des années. En effet, la situation financière américaine est bien plus dégradée que celle de plusieurs pays européens pourtant notés plus sévèrement. Mais voilà, si dégrader l’Espagne ou l’Italie est relativement aisé et à conséquences limitées, tel n’est pas le cas d’une dégradation de la dette américaine. Dégrader la dette américaine, c’est dire clairement à la face du monde que non, la première économie du monde n’est plus si sûre et que l’on risque d’y perdre quelques noisettes.

En somme, il est aussi facile de réduire la dette américaine que de ralentir un paquebot lancé à pleine vitesse vers un iceberg.

Cette décision, attendue, fait réagir les quelques opérateurs encore présents dans les salles de marché durant la trêve estivale en même temps qu’elle donne de belles sueurs froides à nos dirigeants actuellement en vacances.

De ces récents évènements, on peut relever plusieurs aspects. Un impact des évènements en eux-mêmes mais aussi un impact des décisions prises sur le temps long.


Précédemment dans la crise financière mondiale.
La crise actuelle ne sort pas de nulle part. Elle est le fruit des excès de la période de croissance qui précède. Ainsi, des accès d’euphorie naissent des accès dramatiques purgeant le système et préparant le cycle suivant comme nous l’a enseigné ce bon docteur Juglar. Les causes de la crise des « subprimes » sont maintenant clairement identifiées. L’on connait donc les moyens d’éviter qu’elle se renouvèle. Mais a-t-on pour autant appliqué le remède adéquat ? Nullement !

Si les banques ont été sauvées, le système financier mondial remis d’un grave infarctus, le système économique dans son ensemble reste lui gravement malade. Malade de sa dette, malade de ses mauvaises habitudes prises depuis bien longtemps. Et les solutions apportées en urgence par les États pour éviter que le malade ne meure ne montreront leur efficacité que si le malade, en l’occurrence le système financier mondial change profondément ses habitudes. La situation actuelle n’est, on le voit, plus tenable. Les États, en sauvant le système, n’ont réalisé qu’un transfert de dette du privé vers le public et fait porter la charge de quelques-uns sur tous. Cette solution était indispensable pour éviter l’arrêt cardiaque. Mais en dehors de cela, quelles mesures ont été prises ?

En réalité, bien peu. Les normes comptables sont en passe de se durcir un peu mais pas beaucoup, les agences de notation ont redécouvert leur métier mais la finance mondiale est restée la même comme en témoigne les bonus faramineux que se sont versés les financiers à Londres ou à New York et que les populations commençaient à se mettre à l’austérité.

Les agences de notation donc, semblent avoir redécouvert que leur métier était d’évaluer le risque des investissements et des produits financiers. Ces agences, qui avaient noté AAA les fameux « subprimes » pour ensuite les classer en tant qu’investissements pourris la crise venue, ont décidé de faire preuve d’un zèle inhabituel envers leurs sauveurs, à savoir, les États. Et nombreux sont ceux, à en avoir fait les frais. L’Europe en premier, et les pays de la zone €uro en particulier, ont pu mesurer le coût de leurs années d’insouciance. Temporairement épargnés par les éléments maintenant braqués sur l’économie américaine, ces derniers n’en ont pas pour autant fini avec l’austérité. Les agences donc, après des années de complaisance avec ceux qu’elles étaient chargées d’évaluer, ne prennent plus de gants pour menacer les États. Mais cette intransigeance est toute aussi nocive que le laxisme passé.

En administrant des remèdes de plus en plus sévères aux États, le système financier mondial est en train de reporter aux calendes grecques (c’est le cas de le dire) sa guérison (et la leur) et donc le retour à une relative prospérité tout en déclenchant des mouvements d’ensemble considérables. Ainsi, on voit des pays comme la Grèce se vider de leur main d’œuvre qualifiée, les systèmes sociaux attaqués comme jamais alors même que ces derniers servent de « stabilisateurs » aux excès financiers préparant ainsi les conditions d’un retour plus rapide aux temps heureux et, plus inquiétant, et des mouvements sociaux d’ampleur. Bref, vous avez aimez la crise des « subprimes », vous allez adorer la crise de la dette publique.


Un monde à revoir de fond en combles.
Ces crises étaient non seulement prévisibles mais auraient pu et dû être évités. La crise de 1929 avait donné naissance à une règlementation stricte, parfois trop sur certains aspects, mais offrant un cadre normatif efficace à un épanouissement de long terme à l’économie. Son application a toutefois été lourdement remise en cause par les néolibéraux tels que Friedrich von Hayek et plus encore, par les monétaristes et un certain Milton Friedman. Au contexte contraignant, ces derniers déclaraient qu’il fallait déréguler à tout craint et que l’État ne devait se contenter que du minimum voit dans la mesure du possible disparaitre. La propagation de ce mode de pensée qui se traduisit avec l’arrivée au pouvoir concomitante de Tchatcher et Reagan a lancé un mouvement de dérégulation sans précédent. Toutes les barrières et limites érigées suite à la crise de 1929 ont été supprimées dans une joie commune indescriptible. Mieux, les hérauts de ce nouveau mode de pensée sont allés encore plus loin, en remettant en cause les missions traditionnellement dévolues aux États. On a donc vu les budgets sociaux et éducatifs diminuer avec pour conséquence l’explosion du nombre de sans-domicile et de pauvres en général tandis qu’une minorité accumulait l’essentiel de la richesse.

Ayant oublié les maximes les plus élémentaires, les différents défenseurs de ce « nouvel ordre mondial » devraient relire Henry Ford, chef d'entreprises qui avait une sainte horreur de ce tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un socialiste mais n'en avait pas moins compris l'importance d'une équitable répartition des richesses, qui eu l’outrecuidance de proclamer que « La plus haute finalité de la richesse n'est pas de faire de l'argent, mais de faire que l'argent améliore la vie. »

mercredi 27 avril 2011

Pauvre Hongrie !

Dernièrement, le lundi 18 Avril 2011 pour être précis, le Parlement hongrois a voté l'adoption d'une nouvelle constitution. Cette constitution, surnommée « constitution Orban », puisque rédigée selon les prescriptions de l'actuel Premier ministre hongrois. Selon ce dernier, l'adoption d'un nouveau texte fondamental était devenu nécessaire puisque la précédente constitution datait de l'ère communiste. En effet, sauf que derrière cet apparent progrès, la nouvelle constitution hongroise constitue en réalité un formidable recul pour la Hongrie et ses habitants.


Contexte.
Mais Viktor Orban n'en est pas à son coup d'essai. Déjà en février dernier, il avait fait adopté un texte très restrictif sur la liberté de la presse rendant, de facto, cette liberté bien étroite et la censure bien présente. L'adoption de ce texte et même sa simple présentation devant la chambre basse hongroise avait soulevé une vive émotion en Europe et dans le monde. Et ce, d'autant plus que la Hongrie exerçait la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. La Commission européenne, en tant que gardienne des traités, avait certes mis du temps à réagir mais avait rappelé à la Hongrie qu'en tant que membre de l'Union Européenne, le pays se devait de se conformer à la Charte des droits fondamentaux annexée au traité de Lisbonne et à laquelle ce traité conférait force obligatoire. Le gouvernement hongrois avait finalement dû reculer et adopter de nouvelles dispositions pour se mettre en conformité avec le droit communautaire. Au besoin, la Cour européenne des droits de l'homme s'en serait mêlé puisque la jurisprudence de la Cour est sur ce point très stricte. La France en faisant d'ailleurs régulièrement les frais.

Nouvel épisode donc avec l'adoption de cette constitution qui constitue un recul énorme pour le pays. Mais comment un tel texte a-t-il pu passer comme une lettre à la Poste ?
La réponse est à chercher dans le tsunami électoral qui a submergé la Hongrie en 2010. A l'époque, le gouvernement social-démocrate, empêtré dans la crise avait subi un de ses plus cuisantes défaites électorales laissant la place aux conservateurs qui ont alors raflé plus des deux-tiers des sièges au Parlement. Si cette vague conservatrice a pu se matérialiser, c'est parce que, confronté à la plus grave crise économique de son histoire, la Hongrie était seule. Seule avec sa monnaie, le forin, qui a dévissé par rapport à l'€uro renchérissant immédiatement toutes les importations hongroises. Par effet domino, l'impact sur l'économie fut énorme. La Hongrie donc confrontée au son faible budget communautaire et à l'absence de solidarité des autres États-membres sombrait.

Les hongrois avait le choix entre un plan de rigueur drastique et les belles promesses venant des conservateurs leur promettant des jours moins sombres sur fond de renouveau nationaliste. Le résultat dans les urnes ne traduisit pas par une demi-mesure. L'Europe peut donc aussi s'en prendre à elle-même si elle trouve la Hongrie dans cet état.



Marche arrière toute !
Mais le plus problématique dans ce nouvelle mouture du texte fondamental hongrois est le recul des libertés fondamentales, à côté duquel les nombreuses références aux racines chrétiennes du pays ou à la grande nation hongroise pourraient paraître anecdotiques.


Une Cour raccourcie.
Premier morceau : la réduction des pouvoirs de la Cour constitutionnelle. Le premier ministre Orban a décidé de réduire son périmètre ou plutôt l'étendue des matières relevant de son autorité notamment dans les domaines économiques et sociaux. Traduction : le Premier ministre quand bien même violerait-il sa propre constitution que la Cour constitutionnelle ne pourrait le condamner puisqu'elle ne pourrait examiner les textes en question et décider ou non de les censurer. Or, ce pouvoir de censure de l'instance juridique la plus importante du pays est comme une épée de Damoclès dont l'ombre pèse sur les textes de lois. L'oublier, c'est mener le projet de loi à la ruine. Viktor Orban a donc décidé de réduire voire tout simplement de supprimer cette sécurité dans des matières éminemment sensibles que sont les matières économiques et sociales.

Pour bien mesurer l'importance de ce recul, il convient de rappeler que dans des cas similaires, des « Cour constitutionnelle » ont empêché à plusieurs reprises des dirigeants de faire ce qu'ils souhaitaient en matière législative. Ainsi, Silvio Berlusconi a vu l'immunité judiciaire qu'il avait fait voté pour se protéger annulé par la Cour constitutionnelle d'Italie. En France, on ne compte plus les textes impitoyablement censurés par les sages du Palais Royal sous « l'ère Sarkozy ». Le dernier en date en la fameuse LOPPSI II dont la quasi-totalité des dispositions phares ont été expurgés du texte adopté.


La fin de l'indépendance de la justice ?
Parallèlement aux modifications touchant la Cour constitutionnelle, Viktor Orban n'a pas oublié la justice, seule institution indépendante qui se voit mise en coupe réglée. Il est vrai que les juges ont la sale manie en Europe de vouloir faire leur travail qui consiste aussi à poursuivre les hommes politiques lorsqu'il advient que ceux-ci violent la loi.

Là encore, le Premier ministre hongrois semble s'inspirer du triste exemple de Silvio Berlusconi dont l'activité principale en tant que président du Conseil italien consiste à faire voter tous les textes possibles et imaginables pour éviter des poursuites en justice pour ses activités plus ou moins claires en tant qu'homme d'affaires. Peu lui importe qu'au passage, de nombreux criminels passent eux-aussi entre les mailles du filet.


La suppression des instances de contrôle.
Dans la lignée des précédents points, la nouvelle contitution supprime tous les médiateurs ou instances de contrôle qui existaient. Ainsi, plus de les médiateurs pour les minorités ethniques (l'équivalent de la HALDE), ni de médiateurs pour la protection des données personnelles (l'équivalent de la CNIL) et pour la protection des générations futures (l'équivalent du défenseur des droits et défenseur des enfants en France).

Non seulement nocive de façon directe pour les populations, la suppression de ces instances sera nocive à long terme en accroissant les frictions dans une société hongroise dans une société hongroise déjà tiraillée entre divers aspects. Ajoutons que cela traduit aussi un recul important en matière de droits des personnes à l'heure où la protection des données personnelles est un enjeu crucial.


Partir pour mieux rester.
A ces reculs en matière de libertés fondamentales, s'ajoutent un affaiblissement général de la démocratie hongroise. Viktor Orban sachant pertinemment que sa position ultra-majoritaire à la tête de la Hongrie ne durera pas éternellement a jalonné le nouveau fondamental de dispositions visant à lui permettre de garder un pouvoir non négligeable lorsqu'il sera dans l'opposition.

Nomination des dirigeants publics.
Nicolas Sarkozy avait modifié le mode de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public officiellement pour mettre fin à l'hypocrisie que constituait leur mode de nomination. Officieusement, l'objectif à peine voilé était de reprendre la main sur un audiovisuel public jugé trop indépendant et impertinent.

Viktor Orban, lui, est allé beaucoup plus loin en modifiant la durée de mandat de toutes les dirigeants d'institutions étatiques. Ainsi, les mandats de ces postes passent de 9 à 12 ans. Mieux, durant ces périodes, les personnes qu'il vient ou aura nommé seront quasiment irrévocables par les gouvernements ultérieurs ce qui empêche tout changement ou réforme qui ambitionnerait de rétablir les équilibres antérieurs acquis suite à la fin du régime communiste.


Un Conseil monétaire au pouvoir démentiel.
Mais ce n'est pas fini ! En effet, quand bien même l'opposition succéderait au gouvernement conservateur de Viktor Orban arriverait à surmonter un à un tous les obstacles dressés par Viktor Orban dans la constitution, que ce dernier a octroyé un pouvoir surréaliste au Comité monétaire de la Banque centrale de Hongrie : le pouvoir de dissoudre du Parlement.

Pouvoir exceptionnel, qui n'est qu'en principe rarement utilisé ou utilisé que dans certains cas biens définis, le pouvoir de dissolution est d'ordinaire strictement réservé au chef de l'État. Ce n'est pas le cas ici, où ce pouvoir dépend d'un petit comité dont les membres, tous nommés pour des durées importantes (9 à 12 ans) par Viktor Orban sont des proches qui auront à cœur de défendre les intérêts des conservateurs.

Certes, ce pouvoir est limité aux cas où le budget ne serait pas conforme aux dispositions de la nouvelle constitution. Mais, d'une part, ces dispositions sont nombreuses, et d'autre part, confier un tel pouvoir à un comité nommé par le pouvoir exécutif revient à porter un coup considérable à la démocratie.


La fiscalité et les retraites irréformables ?
Pour couronner le tout, une nouvelle disposition rend obligatoire l'obtention d'une majorité parlementaire des deux-tiers pour valider toute réforme en matière fiscale et monétaire. Or, la réunion d'une telle majorité est, en temps normal, très difficile à obtenir voire presque impossible. En pratique, cela revient à exiger que la politique fiscale face l'objet d'un consensus national. Mais, s'il existe bien un domaine où le consensus est plus que difficile à obtenir, c'est bien la fiscalité.

De même que pour la question des retraites qui soulèvent les foules dès lors qu'un gouvernement tente de les réformer, et cela quelque soit le pays en question.


Conclusion.
La nouvelle constitution hongroise, ou plutôt son adoption, est un drame pour la Hongrie bien sur mais aussi pour l'Union Européenne. Cette dernière a pour but d'être plus qu'un espace économique favorable au développement, l'UE porte un projet de société et de diffusion des libertés publiques. Or, ce sont précisément ces valeurs que remet en cause la nouvelle constitution hongroise. Et là, pas question d'invoquer un quelconque texte européen pour imposer un retour en arrière puisqu'en droit, la constitution a la plupart du temps la valeur juridique la plus élevée, devant les traités et textes internationaux. Or, l'Union européenne et le droit communautaire relève de ce dernier niveau. Il sera donc particulièrement compliqué d'imposer un changement du texte.

mardi 12 avril 2011

Inflation, tous aux abris !

Jeudi dernier, la Banque centrale européenne a réussi à faire passer presque inaperçue, une décision qui ne l’est pas vraiment. Les marchés si fébriles depuis le séisme au Japon ont à peine réagi à l’annonce de la BCE suite à la réunion du Conseil des gouverneurs, son instance dirigeante. Certes, la nouvelle ne doit pas non plus être surestimée, mais tout de même ! Il convient d’y attacher quelque importance.

Cette nouvelle, c’est l’annonce du relèvement par la BCE de ses taux directeurs de 1% à 1,25%. Oui, oui, une hausse de 0,25%. Une hausse faible dans le contexte actuel, où l’on peut emprunter à des taux très bas voire négatifs si on tient de compte de l’inflation. L’inflation justement, c’est l’argument invoqué par la BCE pour augmenter ses taux.

Pour bien comprendre l’importance de cette décision, il convient de voir le pourquoi, les différents intérêts en présence, l’impact sur l’économie et enfin les conséquences de cette décision de manière générale.


Pourquoi augmenter les taux ?
La réponse est évidente : la BCE augmente ses taux car c’est sa mission. D’après ses statuts, la Banque centrale européenne a pour principale mission de maintenir la stabilité des prix. Autrement dit, combattre l’inflation qui se définit comme l’augmentation des prix.

Contrairement à la Federal Reserve (banque centrale des États-Unis) qui a, elle, aussi pour mission de maintenir l’emploi au maximum et donc de soutenir aussi la croissance. La Fed intervient donc plus largement que la BCE. Ce n’est pas forcément un mal comme on l’a vu dans la crise des « subprimes » puisque c’est justement la politique accommodante de la Fed qui est un des éléments ayant conduit à cette crise.

La BCE augmente donc ses taux pour limiter l’inflation. Une inflation dont le plafond n’ayant pas été fixée par les décisionnaires européens, mais qui doit tout de même être contenue. La BCE s’est donc fixé arbitrairement un plafond d’inflation à 2%. L’inflation actuelle dans la zone €uro tournant autour de 2,4%-2,6%, la BCE a donc relevé ses taux logiquement. Afin de ne pas effrayer les marchés, elle a largement préparé le terrain en amont. Les marchés prévenus n’ont donc pas été surpris et ont eu le temps d’intégrer cette décision.

Cependant, cette décision du Conseil des gouverneurs est remise en cause par une partie de la doctrine économique ainsi que par plusieurs pays membres de la zone.


Une augmentation discutée.
Si la décision de la BCE ne souffre d’aucune remise en cause formelle, sur le fond, c’est une toute autre affaire. En effet, nombreux sont les économistes à remettre en cause la décision du Conseil des gouverneurs. Pourquoi ?

D’abord, lorsque l’on regarde la structure de l’inflation. Pour l’essentiel, cette dernière est due à l’augmentation des prix de l’énergie notamment du pétrole et du gaz qui ont de nouveau atteint des sommets. Le prix du baril de brent de la mer du Nord, côté à Londres a ainsi dépassé les 120 $ le baril, rappelant les sommets de la fin de l’été 2008. Si on regarde les autres secteurs, on ne peut que constater que la hausse des prix est plus que contenue voire quasi-nulle.

Deuxième élément du débat, en haussant ses taux, la BCE est accusée, à juste titre, de favoriser les pays les plus « riches » de la zone, à savoir l’Allemagne et les Pays-Bas, et, plus largement, ce que l’on pourrait définir comme l’ex-zone Deutsche Mark ; tandis que, dans le même temps, une bonne partie des pays de la zone €uro traversant une situation économique mais surtout budgétaire difficile critiquent cette décision. Il faut dire qu’indirectement cela va avoir pour eux des répercussions non négligeables en tendant un peu plus une situation qui l’est déjà.

La zone €uro se divise donc entre un centre à la situation économique qui s’améliore (l’Allemagne approche les 6,5% de taux de chômage et une croissance à 3% pour 2011), une périphérie qui s’enlise dans la dette publique et une rigueur qui risque de tuer son économie (les fameux « PIGS » + Italie) ainsi que des pays entre deux eaux comme la France (économie atone et inflation contenue). Il y a donc de réelles divergences qui ne sont pas compensées par un réel budget communautaire.


Les conséquences.
Très directement, cette hausse du loyer de l’argent va avoir des conséquences directes sur l’économie et la finance.

Sur l’économie, d’abord, toute hausse des taux d’intérêt de la BCE augmente le coût de l’argent pour les banques commerciales dites « de 2nd rang ». Il faut donc s’attendre à une augmentation de tous les prêts qu’elles commercialisent. Pour le moment, les banques n’ont pas vraiment à se plaindre puisqu’elles prêtent déjà très largement au-dessus des 1,25% et se font une marge appréciable sur les prêts qu’elles consentent.
Pour les particuliers, la hausse sera raisonnable.
Pour les entreprises, cela va être plus compliquée puisque les banques qui leur prêtent déjà peu vont leur répercuter la hausse de la BCE.

Sur le plan financier, les emprunts sur les marchés vont eux-aussi très probablement augmenter. Emprunter deviendra donc plus cher pour les États, ce qui va fragiliser un peu plus la situation des États-membres de la zone.

La hausse peut aussi être discutée. D’abord, et comme mentionné plus parce que l’inflation est presque uniquement due à la hausse des prix de l’énergie et non au reste de l’économie. Or, nous sommes entrés depuis 2007-2008 dans une période où l’énergie sera durablement chère, phénomène renforcé par les catastrophes nucléaires au Japon et leurs conséquences sur les marchés des énergies fossiles.

Ensuite, parce que l’approche monétariste qui constitue la doxa des banquiers centraux occidentaux a été largement remise en cause par la crise que nous traversons. D’autres approches montrent que l’inflation n’est pas forcément négative. Au contraire, un peu d’inflation aurait un effet positif sur l’économie permettant une meilleure rémunération du travail et donc une relance de l’économie.


Conclusion.
La hausse des taux directeurs décidée par la BCE est pour essentiellement une décision politique. Bien qu’ils s’en défendent, les gouverneurs de la zone €uro ont cédés aux pressions germaniques demandant un durcissement de la politique monétaire. Ce durcissement vise autant à avoir une politique adaptée à la situation économique allemande qu’à pousser les pays financièrement « voyous » de la zone €uro à faire le ménage chez eux. Le problème est que ces pays ont déjà mis en œuvre plusieurs plans de rigueurs qui se sont traduits par une réduction des politiques sanitaires et sociales. Or, en s’attaquant ainsi ce que l’on appelle les « stabilisateurs économiques », les pays en difficulté qui n’ont pas d’autres choix s’ils veulent se refinancer risquent de tuer leurs économies respectives et d’empêcher in fine toute reprise forte et rapide qui permettrait d’éponger leurs déficits.

Il faut donc que les pays en meilleure santé de la zone €uro se souviennent qu’ils ne sont pas seuls et que la politique monétaire de la zone €uro doit être bénéfique pour l’ensemble de la zone et non à son seul cœur économique. Si l’Allemagne a son rôle, il sera toutefois trop facile de la pointer comme seule responsable. Face à la même situation, ceux-ci ont su faire les efforts nécessaires pour assainir leurs finances et relancer leur économie ce qui n’a pas été le cas des fameux « PIGS », de l’Italie, de la Belgique mais aussi de la France. Bien que les responsabilités soient partagées, les États-membres avancent lentement vers ce qui serait une des solutions à leurs différents problèmes, à savoir un budget européen conséquent capable de compenser les déséquilibres à l’intérieur de la zone.

Il ne faut pas oublier en effet que l’économie avance sur deux jambes : la politique monétaire et la politique budgétaire. Oubliez l’une des deux et l’ensemble (l’économie donc) s’effondre au pire ou dysfonctionne au mieux.