Riposte graduée ? - La Quadrature du Net

mardi 30 novembre 2010

Bon appétit !

« Bon appétit », une expression que chaque année, des personnes toujours plus nombreuses ont du mal à dire. Cette année encore l'association fondée en 1985 par Coluche fera encore le plein et battra très probablement ses tristes records que sont le nombre de personnes aidées ainsi que le nombre de repas équilibrés servis.

25 ans, déjà.
Depuis sa création en 1985, rares sont les années où les « Restos » n'ont pas connu une augmentation de leur fréquentation. Une hausse continue due pour l'essentiel à un développement économique basé sur une inégalité croissante. Les mauvaises langues noteront que la courbe de fréquentation des « restos » a suivi la même trajectoire que le salaire des traders et autres financiers : elle crève les plafonds.

Un public différent.
Mais en 25 ans, la misère a changé de forme, en même temps qu'elle s'est accrue. L'explosion du prix de l'immobilier, les évolutions sociales, la nécessaire évolution économique ont contribué au développement d'une nouvelle « classe ouvrière ». Dans cette nouvelle « classe ouvrière », on constate un développement du nombre élevé de personnes, souvent des mères célibataires, des jeunes ou encore des « personnes en fin de carrière ». Ces populations fréquentent de plus en plus souvent les « restos » et sont, ce que l'on appelle, des travailleurs pauvres. Autrement dit, ce sont des personnes qui ont beau travailler, ne s'en sortent pas ou plus, et ce, de manière plus ou moins régulière.


Et, face à cela ?
Si la meilleure réponse serait que l'économie se remettre créer des emplois, on ne peut nier l'importance et l'urgence qu'il y a à développer une nouvelle politique de lutte contre la précarité. Et, comme le dit le proverbe : « charité bien ordonnée commence par soi même». Aussi, il serait intéressant que l'État se penche sur le cas des procédures intentées contre sa propre politique de recrutement des contractuels à la place de titulaires...

mercredi 24 novembre 2010

Parquet français. Heureux arrêt Moulin.


Dans un nouvel arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), la France s'est une nouvelle fois illustrée pour le manque d'indépendance donné à son parquet. Après un premier arrêt Medvedyev en mars 2009 où la France avait été condamnée pour ce motif, dont elle avait fait appel devant la Grande chambre. Il semblait aux yeux de certains observateurs qu'elle avait au moins obtenu un sursis, l'arrêt de la Grande Chambre ayant atténué la portée du 1er arrêt Medvedyev. A l'époque, les faits concernaient la détention d'un ressortissant ukrainien sur un navire marchant arraisonné pour trafic de stupéfiants en haute-mer ce qui avait justifié l'impossibilité de le présenter immédiatement à un magistrat, le temps de remorquer le navire jusqu'au port de Brest.

Dans le cas de l'arrêt Moulin, une avocate était soupçonnée d'avoir livré des informations à son client sur la procédure en cours, acte répréhensible suite à l'adoption de la loi Perben II, très critiquée alors l'ensemble des acteurs judiciaires.


Les faits.
Dans le cadre d'une procédure relative à un trafic de stupéfiants, Me France Moulin, avocate représentant un des prévenus est accusée d'avoir violée le secret de l'instruction, révélant à son client des informations qu'il n'aurait pas du savoir et qui pouvaient influer sur l'affaire. Une procédure est donc ouverte à son encontre pour ce motif. Placée en garde à vue, Me France Moulin ne peut voir un avocat immédiatement. Prolongée de 24 heures, Me Moulin n'en est pas pour autant libérée à la fin de celle-ci et reste encore emprisonnée pendant 3 jours avant d'être présentée à un juge et être interrogée et mise en examen. Puis, après décision du JLD (juge des libertés et de la détention), elle est placée en détention provisoire.


La décision de la Cour.
La décision des 7 juges présents condamne la France sur deux points essentiels qu'elle juge contraire à l'article 5§3 relatif au droit à la liberté et la sûreté :
« Article 5 § 3 :
Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe
1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. »

- la manque d'indépendance de son parquet dont les représentants ne peuvent être considérés comme remplissant les critères exigées pour être qualifiées d'autorité judiciaire ou en clair, de magistrat ;

- la durée excessive et les conditions de la garde à vue de Me Moulin. En effet, cette dernière avait été placé en garde à vue pendant 24h comme le prévoit le régime actuel (de nouveau censuré récemment par la même CEDH) puis celle-ci avait été prolongé de 24h par le procureur adjoint de Toulouse (dont la Cour a précisé qu'il ne présentait pas les conditions nécessaires pour être qualifié d'autorité judiciaire).

En l'espèce, le gouvernement français estimait que la période pendant laquelle Me Moulin avait été retenue était composée de plusieurs garde à vue, tandis que Me Moulin arguait, elle, que cette période devait être comprise comme n'étant qu'une seule et même période et donc, qu'elle était manifestement illégale.

Le meilleur reste toutefois dans la position de la Cour où elle précise qu'elle juge par rapport au droit européen et qu'elle ne souhaite pas intervenir dans le débat français. En réalité, comme le droit national a une valeur inférieure au droit européen, la Cour juge, de facto, que le système français est loin de présenter les garanties suffisantes. Mais trêve de paroles, voici la savoureuse formulation de juges de Strasbourg :

« La Cour a déjà jugé qu’une période de garde à vue de plus de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire était contraire à l’article 5 § 3 ».

L'arrêt auquel fait référence la Cour date de 1988. Le Gouvernement français savait donc pertinemment que la garde à vue de Me Moulin ne remplissait les garanties exigées.

Ensuite, après avoir constaté : « qu’en France les magistrats du siège et les membres du ministère public sont soumis à un régime différent. Ces derniers sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques au sein du Parquet, et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la Justice, donc du pouvoir exécutif. A la différence des juges du siège, ils ne sont pas inamovibles et le pouvoir disciplinaire les concernant est confié au ministre. Ils sont tenus de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui leur sont données dans les conditions du code de procédure pénale, même s’ils peuvent développer librement les observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice. »

Puis : « Il n’appartient pas à la Cour de prendre position sur le débat concernant le lien de dépendance effective entre le ministre de la Justice et le ministère public en France, ce débat relevant des autorités du pays. La Cour ne se prononce en effet que sous l’angle de l’article 5 § 3 et la notion autonome d’ « autorité judiciaire » au sens de cette disposition et de sa jurisprudence.

Or, la Cour considère que, du fait de leur statut, les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif ; l’indépendance compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérente à la notion autonome de « magistrat » au sens de l’article 5 § 3. »


Quelles conséquences ?
Cet arrêt déjà retentissant puisqu'il remet en cause l'organisation de la justice judiciaire française et enfonce encore un peu plus le régime français de la garde à vue s'inscrit dans un contexte...
particulier.

Tandis que depuis quelques mois, voire années, Nicolas Sarkozy a affiché sa volonté de dépénaliser le droit des affaires et de supprimer le juge d'instruction en confiant toutes les enquêtes aux procureurs, la CEDH condamne précisément le statut des procureurs, celui-ci ne présentant pas les garanties suffisantes pour garantir une procédure « équitable ».

Cette décision intervient aussi en plein développement d' « affaires » touchant de très près le pouvoir comme l'affaire Woerth-Bettencourt où le procureur de la République de Nanterre, Philippe Courroye surnommé « Courroye de transmission » en raison de ses liens d'amitié assumés avec le président de la République a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter que l'affaire en question n'atterrisse entre les mains de juges d'instruction. Il ne faut pas oublier qu'il a aussi joué ce rôle dans d'autres dossiers tout aussi problématiques.

N'oublions pas aussi que le lien entre l'affaire Clearstream et le « Karachigate » puisque les enquêtes se retrouvent liées en de nombreux points.

Dans ce contexte de « réformite aigüe » qui marque notre président, nul doute que le tout nouveau Garde des Sceaux Michel Mercier, qui s'était opposé à la réforme de la carte judiciaire, aura à cœur de mettre sur la table des propositions crédibles afin de remettre le système à plat.

lundi 22 novembre 2010

Ci-gît le développement durable.

Le remaniement du dimanche 14 novembre 2010 fut marqué par un resserrement sur la droite, enfin sur la famille UMP dont toutes les composantes conservatrices sont présentes. Plus de centristes ou presque, ces derniers passant de 5 à 2 ; plus de titre pour de ministre d’État pour le ministre chargé de l’Environnement et Jean-Louis Borloo qui quitte le gouvernement; mais l’essentiel n’est pas là. Si on observe avec un peu plus d’attention la lettre de cadrage du nouveau gouvernement qui définit les attributions précises dévolues à chaque ministère. Et là, surprise, on assiste à un dépeçage en règle du ministère du « Grenelle ».


Petit rappel historique.
En 2007, lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy signe le pacte écologique de Nicolas Hulot comme nombre d’autres candidats alors en liste dont Dominique Voynet, bien sur mais aussi Ségolène Royal ou François Bayrou. Lors de sa signature, le candidat Sarkozy fait un discours où il déclare qu’il ne peut y avoir de réel ministère du développement durable sans que le ministère de l’Énergie lui soit rattaché.


Le MEEDDAT.
En mai 2007 donc, en vertu d’un décret n°2007-995 du 31 mai 2007, le ministère dévolu à Jean-Louis Borloo prend l’acronyme de MEEDDAT pour ministère de l’Environnement, de l’Énergie du Développement Durable, et de l’Aménagement du Territoire. Le ministère recouvre donc les politiques liées aux grandes négociations internationales sur le climat ; mais aussi les pouvoirs de police en matière de chasse et de pêche, et cela a son importance de la mer sans oublier les compétences en matière de transport, d’urbanisme, d’équipement, de la mer.


Le MEEDDM.
Puis, premier changement après les élections européennes et l’entrée au gouvernement du sénateur MoDem Michel Mercier qui se voit octroyer le titre de ministre de l’Aménagement du territoire et de l’espace rural. A cette occasion, les compétences d’aménagement du territoire et d’équipement quittent dont le ministère de l’environnement pour se retrouver directement dans les mains du Premier ministre, François Fillon.

Le MEEDDAT devient donc le MEEDDM : ministère chargé de l’Environnement, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer. La perte de la compétence d’aménagement du territoire réduit l’importance du ministère et constitue un premier recul puisque la dimension symbolique de placer les grands projets sous la responsabilité du ministre de l’Environnement dénotait une certaine volonté de changer les lignes, quand bien même dans les faits, ce n’était pas le cas.


Le MEDDTL.
Dernière évolution donc avec la transformation du MEEDDM en MEDDTL ou plus joliment dit ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement). Le ministère perd au passage son titre de ministère qui lui conférait une importance protocolaire par rapport aux autres ministères.

Le ministère perd aussi d’autres compétences comme la mer et l’aménagement du territoire qui reviennent au ministère de l’agriculture, qui devrait récupérer aussi d’autres compétences.

Mais le plus important, le signal le plus fort est le transfert du ministère de l’Énergie du ministère de l’Environnement au tout nouveau ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique. L’Énergie passe d’un grand ministère de l’Environnement à Bercy. La différence ne tient pas seulement au passage d’une tutelle à l’Environnement à une tutelle par le ministère de l’Industrie symbolique comme nombre d’observateurs le font remarquer de la fin d’une ère favorisant les énergies renouvelables au nucléaire, mais bien du passage d’un ministère où les énergies renouvelables entraient dans une logique d’ensemble de lutte pour l’adoption d’un nouveau modèle de société avec un ministre important doté d’une forte personnalité à un logique industrielle favorisant le nucléaire. Les fonctionnaires de Bercy considérant, ainsi que le mentionne André Joffre : « les énergies nouvelles sont plutôt réputées coûteuses et superfétatoires ».


Un ministre bien orienté.
La personnalité du ministre est aussi en rupture. Tant Jean-Louis Borloo est reconnu comme une personnalité à forte tête (et il vient encore de le montrer en claquant la porte du gouvernement) et son charisme, tant Éric Besson est discret et servile ce qu’il n’a pas manqué de montrer au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Mais plus intéressant, si l’on regarde les compétences que pourrait avoir le nouveau ministre dans le secteur de l’Énergie, on peut voir que le député Éric Besson, élu dans la Drôme (département où se trouve notamment la centrale du Tricastin, récemment connue pour ses multiples accidents à répétition), fut un fervent défenseur de la filière nucléaire. Engagement dont il ne se dépare pas puisque fraichement nommé, il a confirmé sur Europe 1 que le nucléaire était « une chance extraordinaire pour la France », se présentant comme « un défendeur intransigeant » de la filière nucléaire. Comme personnalité, on ne faire pire à moins de prendre un employé d’Areva.

Autre inconnue, toujours pas résolue, la compétence sur le climat. A l’heure actuelle, personne n’est capable de dire si cette compétence dépend du ministère de l’Écologie ou du ministre de l’Industrie. L’enjeu est de taille puisque cette compétence se traduit par la qualité de négociateur dans les grandes conférences internationales dont celle de Cancun qui a pour ambition de trouver une solution là où Copenhague a échoué.

En d’autres termes, l’attribution de cette compétence déterminera le ministère qui récupèrera le label « Grenelle de l’environnement » et donc le succès relatif qui va avec. Le ministre compétent pouvant alors récupérer le travail effectué par Borloo pour son propre compte.


Conclusion.
Ce changement est loin d’être anodin. Il va avoir de lourdes conséquences en matière d’énergie mais aussi pour d’autres thématiques environnementales. L’occasion d’un prochain billet sur le sujet.

vendredi 19 novembre 2010

Thank you for smoking, Brussels !


Certains d'entre vous se souviennent probablement du film intitulé « Thank you for smoking ». Pour ceux qui ne s'en rappellerait pas, le film décrit le travail d'un lobbyiste travaillant pour l'industrie du tabac et comment il parvient à permettre que le tabac continue de se vendre au nom d'une liberté de choix de la part des consommateurs. Cynique, hypocrite, le personne concentre le pire de certaines « qualités » exigées pour être lobbyiste.

L'affiche qui accompagne ce billet est l'affiche américaine du film et comporte la phrase suivante : « Nick Naylor ne cache pas la vérité... Il la filtre. »


La Commission légalise la contrebande.
Récemment, la Commission européenne s'est rappelé au bon souvenir de la France en lui demandant de nouveau de mettre fin aux quotas que nos douanes imposaient aux personnes ramenant. L'objectif était d'une part de préserver la santé des consommateurs de tabac en les obligeant à acheter l'essentiel de leur tabac en France plus cher mais aussi et surtout que l'État puisse continuer à prélever ses droits d'accise tranquillement. Mais tout cela n'était pas du goût de la Commission européenne, qui a exigé de la France la suppression de ces mesures non tarifaires qui constituent un obstacle à la réalisation du marché intérieur, mission dont, rappelons-le, elle est gardienne.

Nos aimables amis du Berlaymont ont donc demandé à l'État français de supprimer ces quotas. Refus de la France qui fait valoir nombre d'arguments devant la CJUE et finit par obtenir la condamnation de la France. Devant le refus net de la France de procéder, la Commission européenne réédite sa demande. Ce n'est que depuis quelques heures/jours que la France obtempère enfin et modifie sa législation en supprimant les quotas (Il faut dire que dans le cas contraire, elle aurait écopé d'une grosse amende.).


Un effet contre-productif.
Dans la cas présent, la Commission européenne se fait qu'appliquer bêtement et simplement le droit communautaire primaire et légalise lève des quotas, certes essentiellement instauré pour des motifs fiscaux mais ayant un intérêt en matière de santé publique. Ici, les quotas concernés sont ceux les quotas applicables aux particuliers pour leur consommation personnelle. Avec la limitation préexistante (2 cartouches maximum sans compter les autres formes autorisées), on pouvait largement comprendre la notion d'intérêt personnel. Mais, dorénavant qu'importe la quantité, il suffira de préciser que c'est pour sa consommation propre pour échapper au contrôle des douanes.

En pratique, cela revient à légaliser la pratique de la contrebande puisqu'il va être difficile de dire que les 200 cartouches dans son coffre sont destinées à la consommation personnelle. Après avoir obtenu la condamnation de la France puis insuffisance de son prix du tabac, cette vénérable institution demande la libéralisation des échanges au seul motif que des quotas reviendrait à violer le principe de libre-circulation. Une application, somme toute, réductrice du droit communautaire.

Une attitude réellement étrange, dogmatique qui éloigne encore un peu plus les institutions européennes de populations déjà méfiantes à leur égard. Mais surtout, cela montre plusieurs choses :
- le rôle considérable des lobbyistes auprès des instances communautaires ainsi que de l'argent dépensé par ces mêmes instances;
- la nécessité d'une harmonisation fiscale progressive entre les États-membres ;
- sans oublier l'importance de créer une police fédérale pour lutter contre la contrebande.

mercredi 17 novembre 2010

Une nouvelle politique ?


Nicolas Sarkozy compte-t-il donner une nouvelle impulsion à son mandat ? Sur le papier, ce n’est pas si flagrant et on peut raisonnablement se demander si c’est aussi le cas dans son esprit. Le doute ne durera plus très longtemps puisque Nicolas Sarkozy a décidé d’avancer son intervention au mardi 16 novembre 2010 ; 20h15. Dans une intervention sans relief, ennuyeuse, face à des « journalistes » bien complaisants, le président de la République a surtout fait son auto-promotion.

Sylvie Pierre-Brossolette résume assez bien l’intervention présidentielle en 3 points :

1- Montrer qu’il était le patron.

2- Justifier sa politique.

3- Donner un nouvel élan.

Puisqu’il n’y a pas grand-chose à tirer de l’intervention présidentielle, le mieux pour connaître les intentions présidentielles est encore de regarder la composition du « nouveau » gouvernement.

Les « chiracquiens ».

On distingue :

- Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la Défense et des Anciens combattants ;

- Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes ;

- François Baroin, ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.

Les « villepinistes ».

- Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire.

- Georges Tron, secrétaire d'Etat auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, chargé de la fonction publique.

- Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale.

Les « centristes ».

- Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la Justice et des Libertés.

- Maurice Leroy, ministre de la Ville.

Les « sarkozystes purs et durs ».

- Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration.

- Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

- Luc Chatel, ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative.

- Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports.

- Frédéric Lefèbvre, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

- Nadine Morano, ministre auprès du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

- Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur.

Et puis, il y a les autres qui n’ont pas vraiment de chapelle spécifique ou en change assez souvent.

Les leçons à en tirer.

Premièrement, on remarque que toutes les tendances de l’UMP sont représentés avec une prédominance pour les « UMP - Canal historique » venant de l’ex-RPR. Tous ceux qui venaient de « l’ancienne UDF » ou presque ont été éjecté. L’exemple le plus frappant est le passage météoritique au gouvernement de M. Daubresse qui aura passé moins de 9 mois comme ministre. On notera le contraste entre cette réalité et la volonté affirmé par Nicolas Sarkozy durant son intervention de mettre fin à la valse des ministres et de jouer la continuité. Une continuité qui lui a été imposé par les députés UMP et dont le symbole est le maintien de François Fillon à Matignon, mais dont il serait bien passé.

Deuxièmement, la volonté de ne pas vexer les grands courants de l’UMP. Nicolas Sarkozy a habillement usé de la politique du strapontin pour, en muselant ses principaux opposants l’intérieur de son parti, se donner une certaine liberté de mouvement.

La politique du strapontin.
On notera ainsi qu’il y a deux ministres d’État et que ces postes sont occupés par deux chiracquiens historiques : Alain Juppé et Michèle Alliot-Marie. Mais le plus intéressant n’est pas ce titre mais les ministères à la tête desquels ils sont placés : la Défense pour Juppé, les Affaires étrangères pour MAM.

Or, si ces ministères sont régaliens, et ont donc une importance que l’on ne peut nier, les domaines concernés sont précisément ceux qui entrent dans le domaine d’action dit réservé du Président de la République. Traduction : les chiracquiens ont des postes prestigieux, mais ils ne pourront bouger sans l’aval du château. Le fait que ces ministères étaient auparavant occupés par Kouchner, que l’on a somme toute assez peu vu et Morin qui est un inconnu pour la plupart des français est d’ailleurs symptomatique de la situation. Le titre de ministre d’État étant donné à ces deux personnalités pour « compenser » l’attribution d’un ministère, plus encore que les autres, sous tutelle du château.

Tout aussi intéressant est le sort réservé à François Baroin, dépêché à Bercy après la déroute des régionales, il se voit attribué le rôle de porte-parole du gouvernement. Autrement dit, le rôle du très chriracquien Baroin sera de porter, chaque mercredi, la bonne parole gouvernementale devant la presse. Habile façon pour Nicolas Sarkozy de museler un personnage qui n’a manqué d’être critique envers lui avant d’entrer au gouvernement.

« Pour rester au gouvernement, mieux vaut être villepiniste ».

Tel était l’affirmation de Jean-François Kahn dans les colonnes de Marianne, samedi dernier. Fin observateur de la vie politique française, celui-ci a eu le nez creux puisque les villepinistes du gouvernement ont conservés leurs attributions. Ils ont même été rejoint par Marie-Anne Montchamp (MAM 2), désormais ex-porte parole du tout récent parti de Dominique de Villepin, « République solidaire ». Du côté de l’importance des ministères, on note seulement un ministère de plein exercice et deux secrétariat d’État. Niveau importance politique, on peut se demander si les intéressés n’ont pas préféré le court-terme au long terme politique.

Les perdants.

Du côté des perdants, on note la purge des centristes ainsi que la patte Fillon.

Les centristes passent eux de 5 membres à 2. Jean-Louis Borloo et ses fidèles nordistes, que sont Valérie Létard et Marc-Philippe Daubresse, quittant le gouvernement puisque Jean-Louis Borloo a été sorti de la course à Matignon par un coup de collier dans la dernière ligne droite de François Fillon et de son entourage. On se demande aussi qu’elle sera l’attitude de Michel Mercier qui s’était vertement opposé à la réforme de la carte judiciaire qu’il devra, en tant que garde des Sceaux, appliquer.

Ainsi, la sortie de ces centristes est d’une part une conséquence de la « défaite » de Borloo dans la course à Matignon, mais peut-être aussi une stratégie de Nicolas Sarkozy pour limiter la déroute UMP aux sénatoriales d’octobre 2011. Car on a tendance à l’oublier, mais Borloo est une personnalité incontournable de la droite nordiste. Or, il se trouve que le Nord et le Pas de Calais sont renouvelables en 2011. Et il se trouve que ces départements sont respectivement les 1er et 5e plus peuplés de France donc des départements très bien dotés en sièges sénatoriaux. En période de précampagne présidentielle, cet aspect ne sera pas à négliger, puisque si le Sénat bascule à gauche cela peut relancer la candidature socialiste tandis que le contraire serait un signal qu’une réélection est possible.

Autres aspects passés à la trappe, la diversité ou presque avec le départ de Rama Yade mais aussi l’entrée au gouvernement de personnalités dites de la diversité, mais rejetant fortement cette étiquette alors que Rachida Dati et Rama Yade les revendiquaient comme un exemple de la réussite du modèle français.

Les femmes aussi, sont assez peu nombreuses et ne représente qu’un tiers des membres du gouvernement. Il semble que la parité soit toujours aussi difficile à se concrétiser.

Autre traduction de la patte Fillon sur ce gouvernement, la fin de « l’ouverture » façon Sarkozy. Personne n’était dupe de la façon dont les choses s’étaient instaurées en 2007, et leur activité fantomatique ne laissait pas planer le doute quant à leur avenir au sein du gouvernement. Le remaniement, sur ce point, est donc une clarification bienvenue.

Un cas spécifique.

Enfin, il reste le cas spécifique de l’environnement. La lettre de cadrage du nouveau gouvernement modifie en profondeur la mission et la teneur même de cette thématique. La division même de l’ex-MEEDDAT et de l’ex-MEEDDM mettant fin à une certaine vision de la thématique environnementale. L’environnement retourne dans les limbes des ministères.

Conclusion.
Ce remaniement est exceptionnel à plus d’un titre sauf sur l’essentiel à savoir la politique menée et à mener. Mais pouvait-il en être autrement ? Nicolas Sarkozy joue clairement son va-tout en pensant que Dominique Strauss-Kahn ne reviendra pas se jeter dans l’arène et qu’il restera bien au chaud au FMI dans son grand appartement et avec son traitement annuel enviable. Ce faisant, il mise sur la déliquescence du PS et sur son impossibilité à s’unir pour présenter un projet crédible. La convention PS sur l’égalité réelle de la semaine dernière montre d’ailleurs, que l’unité du PS n’est pas aussi que l’on veut nous le faire croire.

Reste l’alternative au PS. Pour Sarkozy, enfermé dans un schéma bipartisan, cette hypothèse n’est pas crédible. Mais comme on est jamais sur de rien, il fait tout de même tout pour éliminer une telle possibilité.

mardi 16 novembre 2010

Un nouveau départ ?

Enfin, c’est fait. Ce dimanche, vers 20h15, Claude Géant a mis fin au faux suspense en annonçant la composition du nouveau gouvernement appelé Fillon III ou Fillon IV suivant les différents observateurs.


Le gouvernement en bref.
Le nouveau gouvernement s’est resserré par rapport au précédent avec 31 membres au lieu de 37. Un amaigrissement relatif donc. Ainsi, on compte 22 ministres dont 2 ministres d’État et 8 secrétaires d’État dont une sans portefeuille.

Si on regarde plus précisément sa composition, ce gouvernement s’est « droitisé ». On note aussi que François Fillon, reconduit grâce au soutien des députés UMP, a, plus que lors des précédents gouvernements, pu imposer sa patte. A moins de 18 mois des élections présidentielles, il est aussi évident que sa composition répond clairement à la nécessité de resserrer les rangs dans l’optique de la campagne présidentielle de 2012.


Un objectif : 2012.
Sans même annoncer sa candidature, Nicolas Sarkozy semble donc être décidé à repartir pour un tour alors même que sa politique, ses méthodes et son attitude sont très contestés, jusque dans les rangs de la majorité. Fin de « l’ouverture », purge des centristes, mise en valeur des différents courants de droite présents à l’UMP, tout est prévu afin que personne ne se sente lésé ou même oublié.

Avec ce remaniement, Nicolas Sarkozy semble avoir compris qu’une élection, surtout présidentielle se gagner avant tout en rassemblant son camp. Chirac l’a compris et mis en œuvre en 2002, au moment même où les socialistes n’accédaient pas au second tour suite à la multiplication des divisions à gauche. Dans les mois prochains, il faut donc s’attendre à un sérieux coup de barre à droite, à une politique conservatrice qui va très certainement se traduire par un sérieux plan de rigueur.

L’indicateur à surveiller sera celui des négociations sociales, puisque de nombreux projets dans le domaine du Travail sont envisagés notamment sur le travail des jeunes, l’insertion professionnelle, l’apprentissage ou encore le travail des « séniors » et de la question des gestions de fin de carrière. Autre thématique importante, conséquence de la réforme des retraites : la refonte de la politique de la dépendance. On aurait pourtant aimé que ces aspects rentrent dans une large négociation sur le travail et notamment autour de la thématique des retraites.

dimanche 14 novembre 2010

Et en direct...


« Et nous retrouvons en direct du Palais...» est LA phrase de ce dimanche. François Fillon ayant présenté la démission de son gouvernement et ayant imédiatemment été renommé par Nicolas Sarkozy, a commencé les discussions pour former son nouveau gouvernement. On annonce que le nouveau gouvernement serait annoncé dans la soirée ou lundi matin au plus tard. Ceci semble particulièrement passionner les chaînes d'information en direct qui, bien que n'ayant rien à dire ou presque, multiplient les éditions spéciales avec moults décrochages au profit d'envoyés spéciaux faisant le pied de grue devant le château ou l'hôtel de Matignon, et savoir qui sort et qui rentre.


Un faux suspense.
Tout ce dimanche, donc, impossible de l'ignorer le président remanie son gouvernement. Un remaniement annoncé depuis longtemps pour des raisons bien identifiées par mon homologue blogueur Christophe Ginisty. Annoncé depuis longtemps, tout autant préparé, la surprise n'en est pas une. Même le nom des futurs ministres est connu, certains intéressés ayant précisé leur départ, d'autres, comme Alain Juppé, ayant distillé des détails suffisamment précis pour que l'on sache où sera leur avenir. Ceci explique d'ailleurs la durée éclair de formation du nouveau gouvernement et montre, plus encore qu'avant, que le président de la République est bien le seul maître du jeu.

Une feuille de route déjà toute tracée.
Ce n'est donc une surprise pour personne, cette manœuvre vise à redonner du souffle à un mouvement qui en n'a plus. D'où l'entrée au gouvernement de « barons » politiques, de « poids lourds » dont la présence traduit une volonté de contenter tous les mouvements de la majorité, chacun ayant ses ministres. La présence de ces personnalités est aussi là pour réaffirmer la volonté de ne pas arrêter les « réformes » qui n'ont plus de réformes que le nom, mais aussi et personne ne saurait en douter, tenter de faire remonter la cote de popularité du président de la République à moins de 2 ans de la présidentielle. Il ne s'agit pas d'en faire une rock-star mais juste de lui donner la force suffisante pour être présent au second et évitez un « 21 avril à l'envers » où ne serait présent au second que les candidats issus d'un vote contestataire : l'un du Parti socialiste, l'autre du Front national.


Et maintenant ?
Le plus dur reste à faire ou plutôt à ne faire, bien qu'en réalité, on ne sache plus vraiment à droite ce qu'il convienne de faire ou pas pour sauver le président de la République du naufrage. Certains se demandant même s'il ne vaut mieux pas le laisser couler et rejoindre le « martyr Villepin » histoire de conserver leurs mandats.
On relèvera essentiellement deux difficultés pour parvenir à l'objectif fixé : le temps (il reste plus de 18 mois avant la présidentielle) et Sarkozy lui-même, qui à défaut d'une vigoureuse opposition est le facteur qui l'a le plus discrédité.



jeudi 11 novembre 2010

Quel chemin pour Corinne Lepage ?

Suite à la publication d'une dépêche AFP où Corinne Lepage précise qu'elle ne rejoindra pas le nouveau mouvement issu de la fusion des Verts et d'Europe-Écologie dont le Congrès fondateur se tient en cette fin de semaine, mon confrère blogueur de Singulier démocrate nous donne son avis.


Non. Pourquoi ?
Notre breton ami, lucide, liste essentiellement deux points :
- les Verts et leur nouvelle mouvance n'ont pas une maturité politique suffisante ;
- il est plus que nécessaire de faire émerger une troisième voie politique différente de l'UMP et du PS.
Ceci appelle une réflexion plus large.


Le divorce.

Corinne Lepage ne reviendra pas au MoDem. Son départ, ou plutôt les raisons de son départ étant plus liées à la pratique de François Bayrou qu'aux idées. Aussi, on voit mal Corinne Lepage revenir alors que François Bayrou n'a pas changé autant que souhaité.


A gauche toute !

Pour les verts, Duflot ne cache pas que son ambition est que la nouvelle structure devienne le 1er parti... de gauche devant le PS. Dans ce but, elle a passé une alliance avec Éva Joly pour écarter Daniel Cohn-Bendit du jeu. Pour le moment, de toute façon, impossible de faire quoi que ce soit tant que la structure n'est pas fusionnée et instable. Attendons quelques mois, les choses seront plus claires et il sera possible de discuter une fois qu'ils se seront étripés.

Mais cette idée que les verts peuvent remplacer le PS, n'est possible qu'en opérant un recentrage et l'abandon de l'ancrage systématique à gauche. Le succès actuel des Grünen Outre-Rhin en offre la preuve à qui en douterait.


La troisième voie passe par le centre.

Dans le contexte actuel, la question d'une alliance entre les écologistes et les démocrates est plus que jamais d'actualité mais il y a, de chaque côté, des réticences. Du côté des Verts, une vision passéiste qui consiste à vouloir prendre la direction d'une gauche qui ne s'est pas adapté aux réalités actuelles et restant limitée sur nombre d'aspects. Bien qu'en étant consciente, elle ne veut pas s'ouvrir au centre ce qui expliquera son tassement et son incapacité à peser dans les prochains scrutins majoritaires.

Du côté des démocrates, par contre, il y a d'autres réticences. En premier lieu, la volonté d'avoir son candidat à la présidentielle. François Bayrou, concentré sur cet objectif, ne veut pas s'encombrer de discussions, de guerres de courant qui affaiblirait sa candidature. Mais aussi, la marginalisation croissante voir l'absence de la question de l'environnement et d'une réelle mentalité articulé autour du développement durable, qui n'est vu que comme un problème parmi d'autres.



Quelles solutions ?

Corinne Lepage, si elle veut continuer à exister sur la scène politique doit avoir un mandat. Or, CAP 21, en dépit de ses qualités n'est pas de taille pour lui permettre d'exister politiquement. Elle doit s'adosser à une structure ayant une quelconque chance à la présidentielle et, ce faisant, aux législatives. Sa situation montre toutefois que l'impossible concialiation à l'heure entre deux mouvements qui auraient pourtant fort à gagner l'un et l'autre, d'une alliance politique. Malheureusement, ni l'un, ni l'autre ne sont prêts à renoncer à leurs ambitions personnelles ou leurs mauvaises habitudes pour y arriver. L'évolution semble toutefois s'être amorcée avec la création du MoDem en 2007 sur des bases faisant une référence évidente à la thématique écologique. Elle semble se poursuivre avec l'évolution, timide, des verts et la création d'une nouvelle structure pour les écologistes de gauche. Reste à rapprocher ces deux structures pour enfin arriver à faire émerger une voie politique différente de celle offerte par l'UMP et de l'autre, offerte par le PS.

vendredi 5 novembre 2010

Économie grise et dragon rouge.

Jeudi 04 Novembre 2012, 1er jour de la visite du président de la République populaire de Chine, Hu Jintao en France faire son marché. Montant des contrats du jour : 20 milliards €. Au-delà des montants, plus intéressant est de regarder l'objet des dits contrats. et qui trouve-t-on ?


Une goutte d'eau...
Le président chinois est venu faire son marché et rien ne doit le troubler. Pas de conférence de presse, pas de discussions ou ne serait-ce qu'une phrase sur les libertés publiques ou plus encore sur le tout récent prix Nobel de la paix attribué à un dissident chinois, rien, absolument rien ne doit troubler la quiétude de l'acheteur venu d'Asie. Tandis que les médias français rivalisent de superlatifs pour qualifier les contrats conclus devant les caméras, on relève une chose essentielle : les montants dépensés par la Chine sont ridicules étant donné l'avantage qu'ils confèrent. Hu Jintao n'est pas venu en France pour gagner de l'argent aux français mais bel et bien pour avancer ses pions.

En matière économique d'abord, avec un chèque d'à peine 20 milliards € le premier jour, 17 milliards € le deuxième, la Chine se paie une nouvelle commande d'Airbus (ça fait toujours bien d'acheter les classiques, ça incite le commerçant à concéder une grosse remise sur les autres rayons), des investissements de Total en Chine pour « produire du charbon propre » (sic !) ainsi qu'un contrat de fourniture de combustible nucléaire.

De façon plus concrète, la France a concédé à la Chine en échange de la modeste somme de $20 milliards : des avions dont une partie sera assemblée dans l'usine chinoise d'Airbus; de gros investissements accompagnés de transferts de technologie dans un secteur vital pour la Chine qu'est l'exploitation de charbon ou encore le droit d'exploiter une partie des mines d'Areva au Niger, dont les gisements d'uranium n'appartienne qu'en théorie à l'État nigérien qui les a loué une misère à Areva mais qui pose un sérieux problème de sécurité à nos ressortissants, dont je le rappelle quelques-uns ont été pris en otage par des extrémistes alors qu’ils étaient occupés à « sécuriser nos approvisionnements en matière de combustible nucléaire » destiné à alimenter nos centrales.

En matière politique, ensuite. Nicolas Sarkozy compte sur le G20 pour se refaire une santé et, si possible, faire oublier ses très nombreuses casseroles. Dans ce cas, il vaudrait mieux d’ailleurs parler de véritable batterie de cuisine vu leur nombre. Les chinois le savent et en tire profit, ayant gentiment indiqué qu'ils ne souhaitaient pas être dérangés par ces vilains journalistes, qui ont été à distance durant toute la visite du président chinois. Certains y verront une capitulation en rase campagne. En réalité, il s'agit pour les français de placer quelques produits phrases dans des secteurs bien précis comme l'énergie ou les transports et de laisser le marché faire pour le reste.

Vitrine, renaissance ; la situation actuelle n'est que la traduction d'intérêts bien compris.

D'un côté, nous avons la Chine dont l'objectif est d'accroître et de diversifier ses sources d'approvisionnement énergétique afin de garantir sa souveraineté. De l'autre, la France dont l'objectif est de vendre non seulement des centrales nucléaires mais aussi tous les services ou étapes indispensables au développement de la filière qu’importe que la police française doive bafouer les libertés fondamentales pour assurer la tranquillité de l’invité chinois.


Gris, gris, gris.
Aussi, si les contrats signés donnent dans le grand classique, il convient de s'y attarder sous un autre angle.

L'échec de Copenhague consommé, le sommet de Nagoya sur la biodiversité sauvé par un accord tout aussi contraignant qu’une promesse de campagne électorale; le développement durable semble être une donnée oubliée dans les contrats signés. Parmi ceux-ci, pas un ne concerne l'économie verte ou durable que la France à maintes reprises s'est décidé à encourager et dont elle s’est faite le héraut avec le Grenelle de l’environnement. La Chine ne le souhaite pas moins mais souhaite se développer tout court avant de se développer vert, ce qui ne l'empêche pas de lancer de grands projets en matière d'énergies renouvelables.

A ces projets, la France est incapable de répondre, se contente de permettre l'accès à ses mines d'uranium et de vendre la technologie requise en matière de « charbon propre ». Pas un contrat de vente de panneaux solaires, d'éoliennes, de centrales à cogénération et encore moins de géothermie.


Pourquoi ?
Parce que la Chine a développé sa filière ? Certes, mais la production chinoise en la matière est de mauvaise qualité mais surtout à faible rendement. Il y a donc un marché sur lequel nos voisins allemands et amis danois se sont engouffrés. Mais surtout parce que Nicolas Sarkozy a abandonné le financement des énergies renouvelables ou presque et qu'il a rendu leur implantation extraordinairement complexe. Instabilité tarifaire chronique, insuffisance des carnets de commande, les différentes filières françaises ne peuvent émerger sans soutien public.

L'exemple caricatural est le solaire complètement abandonné par notre gouvernement et désigné comme bouc-émissaire de l’indispensable hausse du tarif de l’énergie. Tandis que le gouvernement français est tout occupé à freiner le développement d’une filière qui commençait à peine à décoller sous le prétexte fallacieux d’un dépassement des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement ; la Chine, elle, s’est fixé l’objectif ambitieux de produire des panneaux photovoltaïques à 1 yuan le MWh ce qui suppose non seulement une amélioration conséquente en termes de productivité et de technologie mais surtout un bond en termes d’efficience de ces panneaux.



Paradoxe chinois ? Non, plutôt un pragmatisme de rigueur, une « real Politik » poussée à l’extrême.

Il est devenu indispensable à la Chine de produire plus d’énergie et cela passe autant par le développement de centrales nucléaires récentes que par les énergies renouvelables. La liste de courses de Hu Jintao est toutefois révélatrice des intérêts chinois du moment. En se payant la technologie dite de « charbon propre », la Chine montre une nouvelle fois qu’elle n’est pas prête à lâcher ses mines de houille et ses centrales thermiques.


Conclusion.
De cette visite, on retiendra que Nicolas Sarkozy, et ce faisant la France, a cédé sur beaucoup de choses sans en retirer énormément. Quelques contrats contre des transferts de technologies dernier cri, d’importantes pertes de souveraineté et d’autonomie énergétique nationale ainsi qu’une perte de prestige suite aux répressions ou plutôt devrait-on dire opérations de maintien de l’ordre contre des citoyens pourtant tenus à distance derrière des barrières et dont le seul tort était de brandir des drapeaux tibétains ou de crier le nom du dernier prix Nobel de la paix, actuellement dans une geôle chinoise. Les journalistes n’ont pas été non plus épargnés par ces messieurs de la maréchaussée dont on se demande s’ils ne venaient pas de faire un stage chez leurs homologues ayant réprimé le mouvement de la place Tienanmen. Tout cela est bien cher payé.

En réalité, la Chine a adopté la même attitude que les États-Unis. Ne prenant aucun engagement contraignant au niveau international, jouant sur les divisions des uns et des autres mais surtout des européens incapables de s’entendre sur des objectifs chiffrés. Tout comme les américains, les Chinois ont pourtant lancé un important plan de développement des énergies vertes. Avec néanmoins une différence notable : un carnet de chèques et un compte bien remplis.

mercredi 3 novembre 2010

L'indécence Molex.

L'annonce de trop ! A l'occasion de la publication de ses résultats trimestriels, l'américain Molex a annoncé un bénéfice trimestriel de $75,1 millions pour un chiffre d'affaires de $897,7 millions.


Rappel des faits.
L'entreprise avait décidé de fermer son usine de Villemur sur Tarn en 2009 annonçait alors des pertes. En réalité, l’usine française était une des plus performantes du groupe avec un savoir-faire reconnu notamment par plusieurs rapports internes et surtout un carnet de commande à craquer. L’usine manquait juste de liquidités pour tourner, la maison mère puissant allègrement dans les caisses de sa filiale française pour alimenter les siennes en piteuse situation. Face à la récession, la direction du groupe devait fermer quelques usines. La logique aurait voulu que les sites concernés soient les sites américains. Mais pour des raisons politiques tant que financières, le groupe décidait de fermer sa filiale française. Après une tentative de déménagement en catimini qui a avorté, la direction américaine s’est résolue à suivre la procédure française. Après moults atermoiements comme le permet la procédure française en droit du travail, un plan social est adopté puis validé. La direction promet des reclassements accompagnés de primes. Puis, profitant du récent rebond dans l'industrie automobile, elle a renoué avec les bénéfices. Bénéfices que président de l'équipementier, Martin Slark, a commenté de la façon suivante : « Les revenus et le bénéfice par action ont atteint un record absolu en septembre, les recettes étant même supérieures à ce qu'elles étaient avant la récession» et poursuivant : « Compte tenu de ces revenus et profits record, couplés à une organisation plus efficace qui résulte de la restructuration, nous augmentons le dividende ».


Le couteau sous la gorge.
Le hic, est que ce plan coûte cher, trop cher selon la direction de la firme américaine qui cherche par tous les moyens à éviter d’avoir à payer un plan que les ouvriers ont obtenu après de longues semaines de mobilisation. Aussi, prend-t-elle le prétexte que nombre d’ouvriers ont formé des recours devant les prud’hommes pour suspendre le financement du plan social et des mesures d’accompagnement tant que les recours n’auront pas été abandonnés. Décision évidemment lourde de conséquences pour nombre d’ouvriers qui n’ont que les indemnités du plan social pour vivre puisque n’ayant à ce jour toujours pas retrouvé d’emploi.

La situation posant de nombreux problèmes, les pouvoirs publics, à savoir l’État donc le contribuable, décide de se substituer à l’entreprise Molex pour payer le dit plan social et donc permettre aux ouvriers licenciés de continuer à vivre. Ouvriers qui n’acceptant pas le chantage de l’entreprise, n’ont nullement l’intention de renoncer à cette procédure. Ce faisant, l’État dont les finances ne sont pas au mieux et qui n’a pas vocation à payer le plan social d’une entreprise réalisant des bénéfices (qui plus est en augmentation), entame une procédure devant les tribunaux afin que ceux-ci obligent l’entreprise à payer. Procédure qui est, elle, un classique des voies d’exécution, l’État ne pouvant se servir aussi facilement sur les comptes de l’entreprise.


Et maintenant ?
Au-delà des cris d’orfraie de M. Estrosi qui ne changeront rien à la situation, Renault et PSA décidant librement des entreprises avec qui elles contractent, il convient de voir dans cette situation plusieurs choses.

La banalisation du chantage.

Avec la crise, de nombreux observateurs ont insisté sur la nécessité de repenser le modèle économique notamment sur l’importance de sortir de la logique de vouloir faire des profits à court terme qui, in fine, a conduit le système dans le mur avec la crise des subprimes. Dans le cas présent, ce qui frappe, c’est la volonté de l’entreprise Molex d’appliquer brutalement la logique de gestion américaine en Europe. Or, comme la direction a pu l’apprendre, et l’apprendra, la France n’est pas les États-Unis. Si les syndicats ne sont pas si puissants que dans d’autres pays européens, ils sont tout de même plus présents qu’au pays de l’oncle Sam. L’entreprise Molex pense que sa tactique du chantage au plan social va fonctionner, elle se trompe lourdement. Au contraire, même, elle risque d’aggraver la situation et de payer au final plus cher avec les condamnations à des dommages-intérêts que ne manqueront pas de prononcer les juges suite à ce coup d’éclat. C’est aussi sans compter sans le fameux esprit révolutionnaire français qui s’est encore illustré récemment à l’occasion de la discussion sur le projet de loi concernant les retraites.

Il reste que dans les arguments avancés par l’entreprise Molex, il y en a un qui n’est pas à jeter : la lourdeur du droit français du travail.


Un droit inadapté.

Constat habituel de la part d’experts et du patronat, le droit français du travail serait trop lourd et dissuaderait au final les embauches. Et ce n’est pas totalement faux. La procédure actuelle, et les juristes en la matière le reconnaissent aisément est lourde et manque complètement son but : protéger les travailleurs. S’il est logique de consulter les représentants du personnel, les principales protections qu’offre actuellement le droit français se situent dans les multiples possibilités de recours contre le plan décidé ainsi que dans les nombreux délais qui parsèment la procédure avant de passer à l’étape suivante, de sorte qu’au final, si l’entreprise veut vraiment licencier, elle y arrivera sans réel problème. Il lui faudra juste du temps et de la patience, mais en aucun cas, la procédure française ne permet d’atténuer les conséquences en matière d’emploi.

Dès lors, il convient de tirer les leçons et d’entreprendre une rénovation en profondeur du droit français du travail en introduisant plus de concertation, de dialogue en amont de la procédure qui s’il n’évitera pas le plan social aura le mérite d’intégrer les salariés dans la procédure et donc l’améliorer.


Quelles suites ?
La suite des évènements est plus ou moins connu, l’entreprise Molex perdra très certainement devant les tribunaux contre l’État et devra payer le plan social ainsi que des dommages-intérêts à l’État pour le préjudice subi et les sommes avancées. Pour la procédure devant les prud’hommes, il est aussi probable que l’entreprise perde, les prud’hommes étant souvent plus favorables aux employés qu’aux employeurs. L’entreprise Molex fera appel où elle obtiendra soit un jugement moins sévère soit un jugement favorable.

Néanmoins, il restera un immense gâchis de ce conflit où une entreprise en plutôt bonne santé a été victime d’une gestion idéologique et déconnecté des réalités. Mais peut-on condamner l’entreprise pour sa décision initiale ? Oui, si l’on ne prend en compte que le point de vue français. Moins si on se place de l’autre côté de la barrière. Molex a préféré liquider une filiale étrangère que de fermer ses sites nationaux. Cette décision n’est pas très différente de celles que prennent les entreprises françaises voire même de celles que réclament les syndicats français. Faut-il rappeler que les syndicats français se sont faits particulièrement discrets lors de la fermeture de l’usine Renault de Villevoorde en Belgique ? Ce que ce conflit doit nous faire comprendre, c’est que nous devrions réagir et ne plus nous contenter de défendre des acquis. Il est plus qu’urgent d’avoir une attitude proactive, notamment sur le plan européen pour unifier des droits disparates néfastes au développement de l’emploi dans nos belles contrées.